Le rêve de la réunification du Togo allemand à la lumière de l’adhésion du Togo au Commonwealth

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5 juillet 1884 – 5 juillet 2022 : il y a 138 ans, jour pour jour, « naissait » le Togo moderne sous le nom allemand « Togoland ». Dans cet article, l’universitaire togolais Prof Pascal Kossivi Adjamagbo revient sur l’histoire de la réunification du Togo allemand.

138 ème anniversaire de la naissance du Togo allemand : le rêve de la réunification du Togo allemand à la lumière de l’adhésion du Togo au Commonwealth

Professeur Pascal Kossivi ADJAMAGBO, Président National du Mouvement du Peuple pour la Liberté (MLP-ABLODEVIWO)

5 juillet 2022

5 juillet 1884 – 5 juillet 2022 : il y a 138 ans, jour pour jour, « naissait » le Togo moderne sous le nom allemand « Togoland », qui devait devenir quelques années après « la colonie modèle » (« Müster Kolonie »), aspirant lors de l’indépendance du « Togo français » à devenir « l’or de l’humanité », avec la signature du traité de protectorat entre l’empereur de la Prusse, Guillaume Il et le roi de Togoville, Mlapa III, représentés respectivement par le commissaire impérial,  Dr Gustav Nachtigal, médecin de formation, et le représentant du roi Mlapa III, Plakou.

Togoland

Le « Togoland » fut le premier « protectorat » prusse en Afrique, suivi du Kameroun, où Nachtigal signa un traité de commerce et de protectorat le 13 juillet 1884, avant d’y dresser le drapeau prusse le 14 juillet 1884. Après le Cameroun, ce fut le tour  de la Namibie avec laquelle Nachtigal signa un traité de protection en octobre 1884.

Le protectorat Allemand sur le Togoland, le « Kameroun » et la Namibie fût reconnu par les autres puissances coloniales européennes au fameux Congrès de Berlin qui s’est tenu du 15 novembre 1884 au 26 février 1885. Dès la fin de ce congrès, à partir de mars 1885, la Prusse étendit son protectorat au Rwanda-Burundi et au Tangagnika.

Quant à Nachtigal, tombé malade au « Kameroun » et rapatrié à bord du navire « Möwe » (La Mouette) mis à sa disposition par l’Empire Prusse en tant que commissaire impérial, il y décéda au large du Libéria le 20 avril 1885. Après avoir été enterré au Grand-Bassam en Côte d’ivoire, son corps fût déplacé à Douala au Cameroun en 1887 où il est toujours inhumé.

Après la défaite de la Prusse qui établit son protectorat sur le « Togoland » de 1884 à 1914, dès sa création en 1919 conformément au « traité de Versailles », la SDN hérita de la responsabilité entière du « Togoland » jusqu’à sa dissolution en 1946, avant de transférer cette responsabilité à l’ONU créé en 1946. Dès que la SDN hérita de cette responsabilité du « Togoland », elle créa envers ses populations un premier contentieux en aggravant leur division administrative et politique, donc en appliquant de manière plus perverse que la colonisation allemande le « principe fondateur du Congrès de Berlin » : « diviser pour régner ». En effet, le « Togoland », d’une superficie approximative de 90 000 km carrés, fut divisé par la SDN en deux parties inégales, les 2 tiers  pour la partie orientale, et un tiers pour la partie occidentale. La partie orientale fut officiellement confiée en 1922 à la France comme « territoire de la SDN sous la tutelle de type B », pour devenir le « Togo Français », et la partie occidentale fut officiellement confiée en 1922 au Royaume Uni comme « territoire de la SDN sous la tutelle de type B », pour devenir le « Togo Britannique ».

Le second contentieux créé par la SDN au « Togo Français » est son laxisme envers le « mandataire » français en ce qui concerne le respect de son « cahier de charge » qui lui interdit formellement de traiter le « Togo Français » comme une ses multiples « Colonies Françaises d’Afrique (CFA) ». Or, c’est ce que fit la France en fusionnant de 1934 à 1936 les administrations coloniales du « Togo français » et de sa colonie le Dahomey.  La France alla même plus loin dans la violation de son mandat sur le « Togo Français » en cherchant à intégrer ce dernier à « l’Afrique Occidentale Française ». Cette tentative fut dénoncée à la SDN par l’Allemagne sous son nouveau chancelier Adolf Hitler et par le « Deutsch-Togo Bund ».

Le troisième et le plus grave contentieux créé par la SDN-ONU au « Togoland » est son laxisme dans la supervision du referendum du 9 mai 1956 sur l’avenir du « Togo Britannique » et son application non démocratique des résultats du referendum. En effet, le Premier Ministre de Gold-Coast, Kwame Nkrumah, qui voulait tout faire pour annexer le « Togo Britannique » au Gold Coast malgré l’opposition farouche des ewé du « Togo Britannique » recouru à des fraudes massives en complicité avec des chefs traditionnels du nord du « Togo Britannique »,  dans l’indifférence de l’ONU chargé de la supervision du referendum, pour contrebalancer le vote presque unanime des populations du sud du « Togo Britannique » contre cette annexion. Le sud et le centre du Togo britannique votèrent à 55,5% contre l’annexion du Togo britannique par le Gold Coast, tandis qu’au prix de fraudes massives, le nord du Togo britannique vota à 79,45% pour cette annexion. Globalement, 58% des votants se sont prononcés pour cette annexion, et 42 % se sont prononcés contre. C’est ainsi que contre leur gré et leur vote majoritaire, le sud et le centre du Togo britannique furent annexés par le Gold Coast pour former avec le nord du Togo britannique le Ghana qui proclama son indépendance le 6 mars 1957.

Conscient de sa faute et de son injustice vis-à-vis du « Togoland », l’ONU en tint compte pour éviter de répéter cette faute et cette injustice vis-à-vis du Cameroun lors du referendum du 11 février 1961, à l’issue duquel le sud et le centre du Cameroun britannique fut annexé par le Cameroun français et le nord par le Nigeria.

Conformément à l’adage français qui dit que « celui qui a commis une faute et qui ne la répare pas en commet une autre », l’ONU a le devoir moral de corriger sa faute historique dans la gestion du Togo allemand dont elle avait la responsabilité. Cette réparation s’impose d’abord en considération de la gestion des résultats du referendum au Cameroun britannique. Cette réparation s’imposent ensuite en considération de la réunification de l’Allemagne de l’ouest et de l’Allemagne de l’est, officialisée le 3 octobre 1990, après 45 ans de séparation depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

C’est pourquoi le Père de l’indépendance du Togo français, Sylvanus Olympio, dont un des chevaux de bataille politique, avec ses compagnons de combat au sein du mouvement « all ewe conference » et du CUT (Comité  l’Unité Togolaise) était la question de la réunification du Togo allemand, déclara le soir du jour fatidique du 9 mai 1956 : « Nous ne pouvons plus parler maintenant d’unification entre le Togo oriental et le Togo occidental, puisque ce dernier a été intégré, dans les conditions que nous avons contestées, au nouvel état du Ghana… Je pense que les relations des deux pays (le Togo et le Ghana) pourraient trouver une solution dans le contexte d’une fédération de l’Ouest africain » (d’après Ginette Kponton, le décolonisation au Togo (1940-1960), thèse de doctorat, 1977, p.349).

138 ans après la naissance du Togo moderne sous le nom de Togoland, 66 ans après l’injustice du referendum controversé et contesté au Togo britannique pour lequel l’ONU, la puissance de tutelle du Togo britannique et le Père de l’indépendance du Ghana portent de lourdes responsabilités juridiques et morales devant l’histoire, l’adhésion officielle le 24 juin 2022 de l’ancien Togo français au Commonweath rapproche ainsi de manière providentielle et prémonitoire les togolais de l’ancien Togo français des togolais de l’ancien Togo britannique, tout en rapprochant l’ancien Togoland de l’ancien Gold Coast et de l’ancienne puissance de tutelle de l’ancien Togo britannique, et en faisant de la question de la réunification du Togo allemand une question interne et urgente du Commonweath.

Conformément à la déclaration prémonitoire du Père de l’indépendance du Togo de l’est le 9 mai 1956, pour que l’indépendance du Togo de l’est devienne « complète », pour que « Ablode » devienne enfin « Ablode Gbadja », le temps est arrivé pour tous les togolais de l’est et de l’ouest d’enfourcher le cheval de bataille du Père de l’indépendance concernant tous les togolais sans exception ni exclusion, de dénoncer l’injustice et le scandale de leur division administrative et politique, et surtout de ré-enchanter le rêve de la réunification du Grand Togo, le Togo allemand, sur le modèle de la réunification de la Grande Allemagne, avec l’espoir de son soutien politique, en tant que « puissance protectrice » du Togoland, et l’espoir de la coopération de l’ONU, des puissances de tutelle du Togo français, du Togo britannique et de pays frère du Ghana, avant la réalisation du rêve d’une « fédération de l’Ouest Africain » si chère au Père de l’indépendance togolaise, en prélude au rêve d’une « fédération des Etats-Unis d’Afrique » si chère à tous les pères du « panafricanisme », en particulier à Sylvanus Olympio, Kwame Nkrumah, Marcus Garvey, Cheikh Anta Diop.

Le grand génie littéraire allemand Wolfgang von Goethe a écrit dans Maximes et réflexions : « Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence le. L’audace a du génie, de la puissance, de la magie ». Puisse-t-il en être ainsi du rêve de la réunification de tous les togolais de l’est et de l’ouest, en ce jour de grâce du 138ème anniversaire de la naissance du Togo moderne !!!

Source : icilome.com