La formule est choc. Avec des mots qui font la guerre au bon sens, qui visent à plaire à un apprenti tsar : “Sur instruction personnelle du chef de l’État …” Les Togolais qui ont envie, grand besoin de changer d’air, d’ère, se voient encore abreuvés de ces inepties de déréglés qu’ils croyaient révolues, de ces louanges endiablés à couper le souffle. Les slogans en l’honneur de l’homme fort ont repris. De plus belle. Ministres et directeurs s’y adonnent. A cœur joie. Dès qu’ils trouvent un micro, commence le refrain. Tels des parvenus qui se rivalisent d’ardeur pour rester dans les bonnes grâces d’un bienfaiteur magnanime. Alors il faut caresser dans le sens du poil celui qui a tout d’un tyran/monarque au nez et à la barbe duquel l’hôpital tue. Un peuple ne peut pas être mieux abandonnés à lui-même.
Aujourd’hui, partout au Togo, c’est l’émoi, la rage et la consternation générale au sujet des hôpitaux du pays. En effet, l’hôpital a cessé de jouer, chez nous, le seul et unique rôle qui justifie d’ailleurs son existence c’est-à-dire traiter jusqu’à la guérison toute personne malade qui franchit ses portes. Lorsque l’hôpital devient lui-même malade, faute d’équipements, de médicaments et de motivation de son personnel, lorsqu’il se transforme en un lieu de transit vers le cimetière ou encore l’anti-chambre de la mort, cela doit réveiller l’attention immédiate et sans délai des gouvernants. Qui dit hôpital au Togo fait d’abord référence au CHU Tokoin rebaptisé à coup de tambours, castagnettes et fanfares “ Centre Hospitalier Universitaire Sylvanus Olympio ”.
Pas si longtemps, je suis allé, j’ai vu. Tokoin, le plus grand centre sanitaire du Togo n’a rien d’un hôpital du 21ème siècle. Il a fallu avoir le cœur bien accroché pour supporter le délabrement dû à une extrême vieillesse des installations. Les odeurs et l’atmosphère de cimetière qui y règnent, l’état dépressif du personnel soignant sont de nature à faire tomber à la renverse. Ces derniers temps, beaucoup plus qu’avant, la presse et les réseaux sociaux, images poignantes à l’appui, rapportent en abondance la ruine du CHU Sylvanus Olympio. Le coût de réparation de ce mouroir est-il si élevé au point que l’État soit dans l’incapacité budgétaire de le supporter? Sans l’hôpital et l’éducation, quoi d’autre ce président veut-il léguer comme réalisation ou héritage? Qu’est ce que cela coûte au chef de l’État de descendre un peu de sa tour et de ses avions pour aller toucher du doigt les conditions inhumaines dans lesquelles ses propres concitoyens sont soignés? Lorsqu’on a tout pris à un peuple, il faut lui aménager au moins un hôpital digne de ce nom où il peut se faire soigner. Pourquoi Faure Gnassingbé ne donne t-il pas les mêmes instructions personnelles que récitent sans cesse ses ministres à longueur de discours lorsqu’il s’agit de reconstruire nos hôpitaux, laissant les Togolais mourir comme des bêtes sans aucune défense face à une épidémie de peste?
C’est raté. Vraiment raté les trois quinquennats que Faure a volé au Togolais. L’homme de 2005 a rigoureusement raté ce que ses compatriotes sont en droit d’attendre, idéalement, d’un président parvenu aux affaires dans des conditions troubles qu’on connaît. Le peuple l’aurait voulu, par son travail acharné, non pas le gendarme qui fait peur, mais le thermomètre de sa vitalité, le régulateur de ses institutions, le garant de son équilibre, aussi relatif soit-il. De lui, on attendait, après l’irruption oh! combien macabre, le triomphe d’une nation affranchie de ses années de plomb sous Eyadéma. On aurait tant envie de ne retenir du président débarqueur qu’une gouvernance, sûrement pas lisse, mais à tout le moins très apaisante dans la forme et dans le fond, qu’une rage personnelle à donner à tous les Togolais les mêmes droits, les mêmes libertés, les mêmes devoirs ; qu’une incarnation du bien, qu’une résurrection nationale profitable à tous, aujourd’hui et demain, après tant d’années de grandes souffrances.
On aurait voulu … Mais tous nos vœux se sont avérés, douze ans après, littéralement pieux, impossibles. Comment a-t-il fait pour avoir une idée si limitée de son pays, de ses compatriotes, des obligations liées à son poste? Comment Faure a-t-il fait pour privilégier l’acquisition d’hélicoptères militaires à la construction de centres de santé modernes? Comment a-t-il fait ? Son éducation ? Son AND? Cette entrée sur scène ridicule qu’il savait, au fond de lui-même, imméritée ? Des pesanteurs quelconques? L’histoire sait déjà ce qu’elle retiendra de Faure Gnassingbé. Un président vide et absent. Elle est bien la seule, l’histoire. En attendant son jugement, les esprits éclairés s’interrogent: Où vont ces Togolais dont pas un seul ne rit?
Kodjo Epou
Washington DC
USA
27Avril.com