Dix ans après la levée formelle de l’embargo par l’Union européenne, le Togo connaît est marqué par une crise politique importante et des vagues de manifestations politiques. Pourtant, au cours de ces dernières années, le pays a énormément progressé sur le plan économique et sociale.
Avenue de la Paix. Ainsi a-t-on baptisé l’une des entrées reliant la capitale à son aéroport. Impossible de rater les nouvelles fresques en mosaïque des murs qui longent ses trottoirs, ni la colombe qui la surplombe. Visiblement inspirés par le célèbre psychologue français Émile Coué, des urbanistes ont cru qu’il suffirait de « totémiser » la paix pour l’enraciner. Bien essayé.
Mais il en faut plus pour interrompre le cycle des manifestations dont la rue togolaise est coutumière. À Sokodé, à Lomé, par milliers, les contestataires descendent régulièrement dans la rue, éruptifs et déterminés, depuis qu’ils ont répondu à l’appel du nouvel homme providentiel, Tikpi Atchadam, le 19 août. Un festival de violences. Quelques morts, beaucoup de blessés. Mais aussi des bâtiments incendiés, des infrastructures dégradées et, plus largement, une dynamique sociale et économique enrayée.
Les vieux démons sont de retour, dix ans tout juste après la levée de l’embargo par l’Union européenne (le 29 novembre 2007) et alors que le pays a commencé à profondément se transformer.
Progrès économiques et sociales
La très regardante Fondation Mo Ibrahim classe en effet le Togo en deuxième position des meilleurs réformateurs en Afrique ces dix dernières années. Et nul ne peut nier qu’il a changé, selon un modèle économique construit sur plusieurs piliers : l’attractivité à l’égard des créateurs de richesse, le cadrage macroéconomique, la finance inclusive pour lutter contre la pauvreté et sortir de l’informel.
L’investisseur et le touriste qui débarquent à Lomé sont surpris par la nouvelle aérogare ultramoderne et sécurisée, où a éclos la compagnie aérienne Asky, une belle réussite entrepreneuriale togolo-éthiopienne. Redevenue une métropole régionale de premier plan, Lomé attire les Béninois et les Ghanéens qui viennent volontiers y passer le week-end.
Son port de transbordement est en plein essor. Elle accueille le siège social de plusieurs banques panafricaines, qui ne se plaignent pas du climat des affaires. De réels progrès ont été enregistrés contre la corruption et pour renforcer les organismes de contrôle. Pour réduire la pauvreté, le gouvernement a lancé des programmes destinés à soutenir l’entrepreneuriat dans le monde rural…
Réformes à concrétiser
Sauf qu’il faut du temps pour que les réformes produisent leurs effets. Comme il faut des trésors de patience à un jeune au chômage ou en sous-emploi, de surcroît confronté à la vie chère, pour résister à la tentation du « dégagisme » aventureux. Dans un pays où l’âge médian est de 18 ans, l’état de séditieuse grogne est donc quasi permanent.
Certes, Faure Gnassingbé aurait pu tirer meilleur parti du relatif état de grâce dont il a bénéficié ces dernières années, alors que sommeillait le volcan. Créé en avril 2012, l’Unir, le nouveau parti présidentiel, a attendu cinq ans pour tenir son premier congrès – les 28 et 29 octobre dernier. Cinq longues années qui n’ont pas été consacrées à structurer le nouveau citoyen togolais.
Cinq années de retard dans l’exercice de refondation doctrinale nécessaire pour contrer l’influence de ces générations d’opposants qui ont forgé leur conscience politique contre le régime de feu le général Eyadéma et perpétuent leurs méthodes avec son successeur.
« La paix de Ouaga »
Il aurait été également judicieux de donner corps plus rapidement aux promesses de réformes constitutionnelles et institutionnelles issues de l’accord politique global signé en 2006 au Burkina Faso.
Grands perdants du statut quo, les opposants qui ont signé « la paix de Ouaga » y ont joué et ont, depuis, perdu leur crédibilité auprès de leur base traditionnellement radicale. En acceptant d’endosser le statut républicain de chef de file de l’opposition, Jean Pierre Fabre est lui aussi victime de ce désamour dont Tikpi Atchadam est le bénéficiaire.
Au bout du compte, Faure Gnassingbé est condamné à l’exploit, en dépit des pulsions autodestructrices de son pays qui, tel Sisyphe, retombe dans ses travers, alors qu’il est tout près d’atteindre le haut de la colline.
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Source : www.icilome.com