Dans les années 1970, la seule opposition organisée contre le régime autoritaire du Togo était le mouvement étudiant principalement celui basé en France sous le nom de AESTF (Association des étudiants et stagiaires en France), affilié à la FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique noire en France). Résolument anti-impérialiste, l’AESTF ne ratait aucune occasion de dénoncer le caractère « valet de l’impérialisme » et de « chien couchant » du régime Eyadéma imposé par la France impérialiste. Elle avait des sections dans toutes les villes universitaires de France. Là où les étudiants togolais n’étaient pas assez nombreux pour constituer une section, ceux-ci étaient pris en charge par la section locale de la FEANF. A chaque rentrée scolaire sa section de Paris prenait en charge les nouveaux étudiants et stagiaires venus du Togo pour leurs inscriptions et les guidait vers les bons magasins pour leur équipement. Par la suite s’ils n’adhéraient à l’AESTF au moins ils en étaient sympathisants.
Avec l’instauration du parti unique, le régime usa de tous les moyens pour briser l’AESTF : suppression de bourse d’étude aux membres de l’Association, menace de perte de bourse aux nouveaux étudiants qui osaient y adhérer, infiltration du mouvement par des agents de renseignement. Face à l’échec de la manœuvre le régime passa à la vitesse supérieure en tentant de créer une AESTF parallèle. Dans la ville de Nancy, l’AESTF n’avait pas de section mais un jour de 1973, elle apprit par la FEANF la naissance d’une « AESTF-Renouveau ». La vigilance de l’AESTF et de la FEANF fit avorter le projet.
En désespoir de cause, le régime enjoignit son ambassade à Paris de créer une association chargée d’accueillir et d’encadrer tous les nouveaux étudiants et stagiaires boursiers à envoyer en France. L’ambassadeur aida des fonctionnaires stagiaires affiliés au RPT en place à Paris à créer l’UESTOF (Union des étudiants et stagiaires togolais en France).
Le HCTE de 2019 que le même régime tente de mettre sur pied est la réplique de la honteuse UESTOF des années 70. Après un simulacre de scrutin lors des Législatives et des Municipales, après les emprisonnements massifs et les tueries d’enfants le pouvoir a l’impression d’avoir enfin muselé le peuple à l’intérieur ; l’heure est donc venue de s’attaquer à la diaspora. Le fils s’est alors rappelé la tactique de son musellement utilisée par le père.
Dans les années 70, les « militants » de l’UESTOF étaient pour l’essentiel des fonctionnaires payés par l’état. Avant leur départ, ils devaient signer l’engagement de fuir tout contact avec les membres de l’AESTF, d’adhérer à l’UESTOF, faute de quoi ils perdraient leur bourse et leur emploi. Aujourd’hui, le gouvernement togolais n’a aucune emprise sur la diaspora. Il ne la nourrit pas. C’est, au contraire, elle qui le nourrit. Seuls les voyous de tout acabit, mangeurs dans n’importe râtelier, se présenteront pour être « élus » membres de cette UESTOF-bis.
Zakari Tchagbalé
27Avril.com