La politique foncière au Togo, si elle existe, est désormais une arène désarticulée où se bousculent les intérêts de toutes couleurs. Intérêts financiers, repère de la corruption, centre de blanchiment de réseaux mafieux, doubles ventes, instrumentalisation de la justice, tout est bon pour meubler le décor. L’absence d’une politique foncière est la meilleure politique pour faire de la gestion des terres une caverne d’Ali Baba et donc la drogue des temps modernes au Togo.
Que ce soit dans le monde des géomètres souvent sournois, des propriétaires terriens spécialistes des doubles ventes, d’une race de magistrats et autres auxiliaires de justice corrompus dans tous les sens du mot, la quasi-totalité des acteurs ont compris que, pour s’enrichir à la vitesse de la lumière, il faut embrasser le foncier. Cette triste réalité, dont le débat n’est même pas encore posé, n’a droit de cité qu’au Togo, parce que ce pays demeure un des rares qui refusent d’affronter la réalité foncière en se réfugiant toujours derrière le droit fonciers colonial. Il faut en passant rappeler que le code foncier togolais (loi du 24 Juillet 1906 de l’époque allemande), est actuellement vieux plus de 110 ans. Il est du coup obsolète malgré qu’il soit renforcé par les décrets français du 13 Décembre 1922 et du 15 Août 1934 portant organisation de l’immatriculation des terres au registre foncier. Bref, toute la gestion du foncier émane du triste héritage colonial.
Avec un monde en perpétuel modernisation, il y a de quoi rendre inadaptée la gestion foncière si elle doit végéter à l’ombre des aspirations du colon blanc. Et pourtant, bien que presque tous les pays africains aient été victimes du fardeau colonial, le foncier cesse de jour le jour d’être un problème dans la plupart. Dans son rapport, ce n’est pas pour amuser la galerie que la Commission Vérité – Justice et Réconciliation (CVJR) relevait que « le foncier constitue la première source de rivalités entre les togolais ». Peut-être, dans la moindre mesure, le régime en place peut se prévaloir de la réforme de 1974 instituée par l’ordonnance n°12 du 6 Février 1974. Mais là encore, ce fut un rendez-vous manqué quand on sait que l’on n’a pas procédé à une nationalisation en bloc des terres comme ce fut le cas partout ailleurs en Afrique. Fort de cette situation, Me Molgah Kadjaka-Abougnima, indiquait dans une interview qu’ « il devient urgent que le législateur donne les outils juridiques au juge pour sécuriser le foncier afin de protéger les acquéreurs de bonne foi ».
Le surplace de père en fils
A son temps, feu Eyadema n’a pas manqué de poser le problème mais, très soucieux de la conservation de son pouvoir et sensible à tout ce qui peut s’apparenter à une menace sur ce règne, à chaque fois que ce débat s’invitait dans les jardins de Lomé II, ils étaient nombreux, à l’image des Laclé, à perdre la clé de la raison. Ils en faisaient un sujet tabou, ils entouraient la nationalisation des terres d’un mythe. En bons griots plus préoccupés des humeurs du bienfaiteur que de l’avenir de la cité, ils faisaient comprendre à leur ‘’bon samaritain’’ que le foncier reste une fibre sensible à ne pas toucher au risque d’ébranler le pouvoir par un mécontentement généralisé. Chaque sujet qui tendait à la nationalisation des terres avait donc suffisamment eu de détracteurs pour être vite classé. Evidemment, s’il a existé une période où Gnassingbé Eyadema pouvait s’aventurer sur la nationalisation des terres, sans en être éclaboussé, c’est bien la période d’avant le vent de l’Est. Avant donc l’avènement de la démocratie, toutes les dictatures en Afrique étaient des dictatures tolérées. L’opinion estimait que la meilleure façon de gérer les hommes était de se faire phagocyter par un régime fort arrosé d’une forte propagande autour d’un dictateur qui a le droit de vie et de mort sur ses sujets. Jusqu’en 1990, ça marchait. Tout petits, nous avions même été témoins de comment des citoyens ont réussi à verser publiquement des larmes, soient-elles de crocodile, à l’idée qu’un multipartisme devait naître pour gérer autrement la vie de la cité. Donc à l’époque, les terres pouvaient se nationaliser sans grand soucis parce que même quand le chef accouchait de bêtises, les citoyens étaient disposés à danser et à chanter.
A partir des années 90, l’opinion a été formatée par l’idée qu’il existe une meilleure façon de gérer. Cette gestion s’appelle la démocratie, elle est participative, elle véhicule la transparence, la reddition des comptes, les libertés individuelles et collectives. Les citoyens n’ont plus que des devoirs envers le pouvoir central, ils ont aussi des droits. Entre le oui et le non, Eyadema, après avoir traversé le violent vent de l’Est, a géré jusqu’à sa mort une démocratie militaire qui n’avait pour finalité que de garder le trône le plus longtemps possible. Du coup, pendant que le débat sur les nouvelles politiques foncières, s’il n’est pas déjà concluant dans les autres pays, était déjà avancé, il demeure un sujet fétiche qu’il faut contourner le plus habilement possible au Togo, un sujet qui fâche. Les arguments ne manquaient pas, pour dissuader le « Timonier nationale » à chaque fois que la tentation lui venait de mettre un terme aux litiges fonciers en nationalisant les terres. Au fur et à mesure qu’on ignorait le problème, il continue à afficher un désagrément social de plus en plus visible. Inutile de rappeler que, déjà à l’époque, le mal rampait. Même dans le dernier cercle du pouvoir, de hauts perchés, voir des officiers, ont connu ou la disgrâce, ou l’exil ou, au pire des cas, la prison pour des motifs fonciers.
Eyadema s’en est allé
Dans une incohérence inouïe, au prix des centaines de vies humaines, son fils ramasse le pouvoir comme un élève ramassait un jouet de retour des classes. On le disait plus ouvert, plus jeune et assorti aussi des meilleures universités US. Semblerait-il, il était aussi décidé à tourner la page du passé et à se désolidariser des reproches faits à son père. Mais, au fil de la pratique, toutes les bonnes intentions ne seront pas assez pour que le fils réussisse là où le père a lamentablement échoué. Plus qu’une équation à résoudre, la politique foncière demeure une bombe à retardement à désamorcer.
Dans la politique foncière, Faure Gnassingbé n’a aucun bilan à défendre. Du père au fils, c’est la même différence pour reprendre l’humoristique jargon des corps habillés. Dans les doubles ventes, les victimes continuent par se compter à la pelle. Du côté des expropriations par l’Etat, les exemples sont encore vivants et ce n’est pas le cas des terres de Lomé II qui nous démentira. Le plus souvent ces opérations se font sans dédommagement (Lomé II, Port de Lomé, aéroport de Lomé). Plus cynique, dans le monde industriel, l’expropriation ne s’accompagne d’aucune mesure d’accompagnement social et de développement des milieux occupés. Les populations de Tabligbo avec l’extraction du clinker, celles de Kpemé-Hahotoé pour le phosphate en savent beaucoup. Faute d’un Etat fort et respecté, l’occupation anarchique des réserves administratives par des citoyens s’est fait renforcer de la reconversion des mêmes réserves étatiques à des fins péronnelles par les dirigeants. La dimension historique dans le cas de différends entre groupes socio-ethniques a trouvé ici un renfort dans la démission délibérée des premières autorités.
Le foncier ailleurs
Du Cameroun au Burkina Faso en passant par le Bénin pour revenir au Togo, le foncier fait parler de lui. Mais les autres pays s’y attèlent pour des solutions durables en limitant l’injustice. Sous les Gnassingbé, puisque le crime profite aussi aux dirigeants, on observe. Ces derniers temps, la crise foncière découle partout d’appropriations et de concentration des terres à grande échelle aux mains des prédateurs. Le « phénomène de l’accaparement des terres et leur achat par des individus, souvent les mêmes, la quasi inexistence ou du moins l’insuffisance d’un cadre légal formel et effectif aident à la déconfiture. Au Cameroun, « 120 000 titres fonciers seront d’ici peu numérisés. Une base de données de 240 000 parcelles de terrains des villes de Yaoundé, Douala, Garoua, et Maroua sera également créée d’ici décembre 2017 ». Mieux, « La numérisation ne se limitera pas seulement aux titres fonciers. Le projet vise aussi l’informatisation de tous les services et procédures qui touchent la terre, les biens immeubles, les meubles et à la protection des personnes. Dans ce secteur, les accusations tournent très souvent autour de l’existence des doublons au niveau des titres et des doubles ventes de terrains, parfois avec la complicité des notaires ».
Pendant que le Cameroun est à ce niveau de développement, au Burkina Faso, le jeune pouvoir de Kaboré est en train d’assainir la gestion « scandaleuse » de la terre sous le régime de Blaise Compaoré. « Comment un maire peut-il posséder 500 parcelles », s’exclame un député. Là-bas, sous le règne passé, ce sont les promoteurs immobiliers véreux qui ont occupé « des sites appartenant à l’Etat de manière irrégulière ». C’est le cas de trois sociétés immobilières appartenant à Alizeta Ouedraogo, la belle mère du petit frère du président Compaoré. Au total, environ 10 000 parcelles ont ainsi été occupées illégalement dans le quartier chic de Ouaga-2000 et revendues à prix d’or. Mais les criminels sont en train d’être rattrapés. Qui dit que la roue de l’histoire ne tourne pas ? L’opération a permis en outre à la commission d’enquête parlementaire de saisir plus de 100000 parcelles d’une valeur totale de 100 milliards de francs CFA. Ces parcelles seront réattribuées aux populations par une commission technique. Chez le voisin de l’Est, au Bénin, si durant l’époque coloniale, un terrain était attribué à l’essai et, à l’issue d’une période probatoire, le bénéficiaire en devenait propriétaire s’il avait pu démontrer sa capacité à mettre en valeur ce terrain, la situation évolue. Depuis 1965, la loi a instauré l’acquisition de titres de propriété foncière.
Parmi les grandes avancées juridiques, il faut noter que « seules les personnes ayant la nationalité béninoise peuvent aujourd’hui acheter des terres, à condition que la vente ne dépasse pas les 800 hectares de terrain et dans une perspective d’usage direct d’exploitation de cette terre ».
Là aussi, entre-temps, une des raisons les plus fréquentes des expulsions provient de procédures engagées par les héritiers qui remettent en cause la vente de parcelles par leurs parents pour cause d’une forte plus-value des terres liée à la spéculation. Ainsi, « sur décision de justice, ces enfants, considérant qu’ils ont été spoliés de leurs biens, arrivent à faire déguerpir ceux qui habitent ces terrains ».
Revenons à nos moutons perdus
Au Togo, sous le fils du ‘’père de la Nation’’, à la vieille phobie de voir le pouvoir à vie être mise en mal par une politique foncière cohérente est venu s’ajouter le clientélisme au sommet. Les terres ne sont plus une arène où se bousculent de simples propriétaires flanqués de double ventes et leur lot d’infortunes. L’immobilier et surtout le foncier, c’est désormais la destination de prédilection pour le blanchiment de la part de ceux qui en ont besoin afin d’occulter leurs gains sujet au débat. Certes, il existe d’honnêtes citoyens qui ont décidé d’investir dans le foncier, dans l’immobilier, d’acheter une terre et la revendre ou de construire une maison à des fins commerciales. Ils en ont fait un gagne-pain et leur activité, si elle n’est pas à l’abri des doubles ventes et autres démêlés devant la justice, ne souffre d’aucun soupçon. A cette encablure près, ceux qui sont le plus présent dans le fonciers présentement et qui y investissent d’importants sous, sont les décideurs. Après avoir vendu l’économie nationale aux étrangers, après qu’ils se soient arrangés à ne récolter que la dette et la faillite dans la gestion de la chose publique, après qu’ils aient converti les infrastructures publiques en infrastructures privées à leur crédit, les voici qui sont devenus une peste contre la terre.
De quoi éloigner le débat sur l’urgence de la nationalisation
Bonjour les dégâts. La déconfiture avance, la justice loin d’en être un instrument de lutte, est devenue un levier pour les soutenir dans leurs basses et teigneuses besognes. Ils sont partout, ils ont tout acheté : l’économie nationale, les réserves nationales, les bassins inondables à ne pas occuper, même les aires publiques déjà viabilisées sont rétrécies sous prétexte des propriétaires terriens derrière lesquelles on voit autre masques. Comment peut-on, par exemple, comprendre qu’en notre siècle, l’Université de Lomé, qui est délimitée depuis des dizaines d’années, puisse continuer par être charcutée sous prétexte d’une réclamation des propriétaires terriens qui, ‘’in fine’’, ne vendent qu’aux mêmes acheteurs. Hasard de calendrier ?
Après avoir colonisé l’économie, ils colonisent les terres
En ville, des quartiers bâtis, des immeubles, soient-ils avec ou sans titre fonciers, n’ont pas encore fini d’être menacés par une sommation d’évacuation ou une cessation de travaux. Présentement, ils sont plus dans les périphéries. C’est ainsi que les alentours de la capitale ouverts sur la terre ferme sont sous menace permanente. Les habitants, soient-ils propriétaires ou simples exploitants des terres, sont menacés sur leur sol. Juste parce qu’un baron est passé par là, il y a acquis des hectares à franc symbolique et s’est fait établir, à la sauvette, un titre foncier.
Le fameux titre de propriété en question
Faute d’une redéfinition du droit foncier, l’insécurité foncière juridique et sociologique est galopante. Autrefois garant d’un droit absolu de propriété, le titre foncier est devenu, de nos jours, un simple papier administratif et pire, un objet de contestation tout azimut. N’empêche, il continue par être utilisé comme un épouvantail contre les vraies propriétaires surtout dans les zones rurales. Ce dossier nous a fait parcourir les périphéries de Lomé à 100 km à la ronde. Ainsi, quand vous longez la nationale N° 01 vers le nord jusqu’à l’entrée sud de la ville de Notsè, vous y trouvez, à chaque tournant, des panneaux de signalisation véhiculant des messages du genre : propriété de X ou Y, 100 hectares, titre foncier N° 000. Ainsi, à 100 Km à la ronde de la capitale, tout est déjà occupé par les nouveaux colons qui y installent des sentinelles pour veiller à travers de petites fermes souvent plus avicoles qu’agricoles. Les exploitants autochtones sont désormais conditionnés à leur seule volonté. Les propriétaires vivent sur leurs propres terres comme s’ils étaient expatriés.
Dans les hameaux, les mécontentements par rapport à cette situation intenable sont à peine voilés. Jusqu’à quand pensez-vous que la situation va durer ? Cette réalité se vit partout où la terre a de l’avenir, où il y a des superficies à viabiliser. Après la capitale, certaines villes sont plus touchées que d’autres. A Sokodé, par exemple, nous vous disions dans un dossier précédent qu’un baron, qui n’est même pas du milieu, a acheté une superficie plus vaste que tous les villages de son canton d’origine, soit 1000 hectares, suivez notre regard. Des individus qui peuvent à peine justifier leurs avoirs profitent de la naïveté des propriétaires pour acheter, ici et là 500 voire 1000 hectares qu’ils bloquent et conditionnent les occupants à leur prêter allégeance, à être étrangers au village natal. L’ancien Président Yaya Djameh avait presque la moitié des terres en Gambie. C’est sur ses aires que se cultivait tout ce qui se vendait aux populations. Toute la politique foncière était à son image, mais avec combien de lots a-t-il monté dans l’avion ?
Le titre foncier, il peut être remis en cause du jour au lendemain selon la mise consentie par le metteur en cause devant monsieur le juge. L’acquéreur de bonne foi, bien que muni de son titre, peut se voir du jour au lendemain être dépossédé de son bien ou se faire expulser par un huissier sur ordonnance d’un juge. Juste parce que, entre-temps, un individu a rendu visite à celui-ci ou qu’un des jeunes oisifs d’une collectivité donnée s’est appuyé sur un auxiliaire de justice, un haut gradé ou encore tout autres décideur, pour se rappeler que cette parcelle appartenait à ses aïeux. Face à une indifférence intéressée des dirigeants, des collectivités instaurent aujourd’hui un système d’ « escroquerie ». Ladite escroquerie est portée par de prétendus héritiers qui se lèvent et demandent aux acquéreurs de reconsidérer la vente qui a été consentie avec les grands-parents. Selon eux, le montant n’était pas juste au moment de la vente. Au tribunal, ils tombent toujours sur une oreille attentive au nom de ce que le jargon de cet environnement appel « lésion ».
Le phénomène des gros bras prospère même si dame nature n’a pas encore fini de donner de leçon de vie aux thuriféraires à travers la triste fin de certains. Il vous souvient, il y a peu, de ce que signifiait le nom KINI Robert dans les couloirs du foncier.
Les cas d’expulsion se font de plus en plus récurrents sur des raisons qui se ressemblent souvent. Entre autres exemples: Expulsion de tout un quartier à Avédji (banlieue de Lomé) le 26 Janvier 2016 ; le récent cas de Davié-kpota au niveau du péage sans oublier que les terrains dans le canton de Légbassito sont en majorité litigieux. Vers l’Ouest, dans le canton de Zanguéra, les gros bras n’ont pas fini de faire la loi. A certains endroits, presque tous les immeubles portent les inscriptions « CESSER LES TRAVAUX – TERRAIN LITIGIEUX-VOIR HUISSIER X ou Y ». Tout ceci, parce qu’il se pointe un nouvel acquéreur plus offrant pour s’accaparer de la parcelle. Deux voire trois « propriétaires » se retrouvent devant le juge avec 2 ou plusieurs titres fonciers sur un même terrain et pourtant, il n’existe nulle part une société privée de délivrance de titres de propriété si ce n’est l’Etat. Dans la majorité des cas, le plus nanti gagne le duel puisque le juge aura sa part du gâteau, soit en espèce ou en nature. Ce n’est pas un hasard si les juges corrompus sont ceux qui disposent de terrains partout. Interrogé, dans la périphérie Est de Lomé, à Togblekopé, dans le cadre de cette investigation, une victime, ancien instituteur octogénaire, habitant d’une zone présentement menacée par l’expulsion a pesté : « toutes les terres à Lomé portent des grossesses. Si l’Etat ne s’arrange pas à les faire avorter, même par césarienne, elles accoucheront de petits monstres qui les mettront en difficulté. Nous, on n’a rien à perdre car on n’a rien acquis. C’est eux les dirigeants qui ont tout à perdre parce qu’ils ont tout acheté. Je suis ici il y 40 ans, on est en train de m’en expulser…, je n’ai personne pour ma cause. La justice, puff, …. Humm, c’est le cancre de la classe parmi le services publics ».
Entre-temps, les Togolais étaient artificiellement divisés entre le nord et le sud à partir d’une lecture manipulée de leur construction historique et politique. Mais nous sommes de ceux qui croient, depuis que la population est consciente que l’échec des dirigeants togolais n’est pas régional mais national, que les menaces d’affrontements aux relents ethniques ont vécues. Peut-être, nous faisons une lecture un peu trop optimiste. Mais, l’évidence difficile à nier est que, si l’on ne prend garde, s’il doit, par imprudence, exister des affrontements entre togolais un jour, ils ne pourront être nés que du foncier.
Depuis un temps, c’est par le trafic de la drogue, de produits pétroliers et autres viles pratiques hostiles à la démocratie que le pays est le plus cité dans l’actualité internationale. A ce sombre schéma, il faut ajouter désormais et surtout, une autre menace en couvaison, la bombe du foncier.
Après la faillite économique qui ne dit pas son nom, s’il existe une politique où les autorités ont démissionné, où elles sont partout et nulle part, c’est bien la politique foncière. Absence de vision, compromission, ou simple mauvaise volonté, les dossiers à venir nous édifierons. En attendant, il faut dire qu’on n’invente rien, tout le monde connait le bilan économique et social du régime en place. Il ne nous appartient pas d’en publier un quelconque inventaire, chacun sait le faire en regardant les infrastructures, le niveau de vie quotidien, le salaire des fonctionnaires, enfin et surtout l’absence d’une politique foncière et son lot de désordre et de discrédit sur la justice. L’équation sociale que les Togolais n’arrivent pas ou refusent de résoudre est celle du foncier et ce régime sera jugé par les générations à venir s’il laisse ce triste bilan devenir un mal social incurable. Le litige foncier n’a pas de couleur, il n’a rien à voir avec les appartenances politiques. Si la communauté internationale, par prudence géostratégique, a toujours accepté le fait accompli en fermant les yeux sur les fraudes massives souvent dénoncées au Togo, ceci au profit d’une certaine race, le foncier est une autre réalité qui peut surprendre tout le monde. Quand la terre éternue, c’est tous les occupants qui prennent un coup.
Même si demain l’opportunité naissait de construire sur la mer, ils y seront. La terre ne peut plus être nationalisée parce qu’elle est ‘’définitivement’’ privatisée par les dirigeants qui croient pouvoir garder la situation ‘’ad vitam aeternam’’, éternellement. Quand vous fourrez le nez dans le volet foncier de notre justice, sur tous les grands conflits fonciers, s’ils ne sont pas devant à visage découvert, sans scrupule ni vergogne, ils se cachent à peine derrière un rideau. Les spécialistes vous diront que les 2/3 des dossiers en instance devant les tribunaux sont fonciers. Après avoir pollué et ouvert l’économie à tous les vents, soient-ils expatriés, ne pouvant pas investir à visage découvert pour les origines discutables de leurs biens, c’est dans le foncier qu’ils cachent leur butin de guerre.
De ce qui précède, il va sans dire que depuis quelques années, un mouvement social né du foncier émerge. La pression est désormais foncière. Combien faudra-t-il donc de victimes pour que le régime se résolve à lancer le débat sur l’urgence d’une nationalisation foncière? Les plus pessimistes diront qu’ils ne feront la nationalisation qu’à leur cause. Oui, il faut quand même commencer quelque chose pour limiter les dégâts. Le mal des héritiers de la terre est un malaise qui gagne la société. A la lumière des informations récoltées pour ce dossier qui ne vient que de commencer, nous sommes de ceux qui pensent vivement que, face aux conditions socio-économiques caractérisées par la mutation des us et coutumes, la course effrénée à l’enrichissement illicite sur fond de la naissance d’une nouvelle classe de propriétaires terriens, il faut penser à la nationalisation des terres. Les contours et la faisabilité seront à définir.
Bon à suivre.
Dossier réalisé par Abi-Alfa
Source : Le Rendez-vous N° 298 du jeudi 15 fevrier 2017
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