Au Togo alors que près de 27 dialogues n’ont pas permis d’avancer vers une vérité des urnes, le peuple togolais demande le départ de leur Président en exigeant le retour à la Constitution de 1992 modifiée unilatéralement par le système militaro-civil au pouvoir. Tikpi Atchadam, le Président du Parti National Panafricain (PNP) a relancé le débat le 19 août 2017 par une manifestation sur l’ensemble du territoire. Mais est-ce que les rapports de force sont en faveur des citoyens togolais ? Dr Yves Ekoué Amaïzo va nous aider à décrypter un peu la complexité de cette situation.
Bill Emile Davolk : Deuxième partie de l’émission « Visages d’Afrique » Après 6 mois de manifestations et de repressions, le régime RPT-UNIR et la Coalition ont décidé d’aller à la table de discussion. Quel regard portez-vous sur ce dialogue, du moins l’idée de s’asseoir et discuter ?
Dr Yves Ekoué Amaïzo : Je vous remercie pour l’invitation. Je pense que vous posez mal le problème. Il n’y a pas eu de volonté d’aller à la Table de discussion mais une volonté externe de l’imposer. De ce fait, il faut se rendre à l’évidence qu’après 26 ou 27 dialogues, il ne faut pas s’attendre à ce que le pouvoir militaro-civil de Faure Gnassingbé accepte de parler sur la base des marches pacifiques des populations. Entre espoir, naïveté ou fatalité, une partie de la population oublie que le peuple togolais a dit non à régime RPT/UNIR. Un virus mutant et contaminant a été identifié avec 2 ans de décalage au Togo. C’est d’ailleurs le Président du Parti national Panafricain, Tikpi Atchadam qui a contribué à véritablement réveiller le Peuple togolais le 18 août 2017 en stoppant les « marches pacifiques qui finissaient à la plage » pour des marches pacifiques plus revendicatives. Mais ces marches pacifiques en termes de rapport de force ne suffisent pas car en pourcentage, cela ne dépasse pas 60 %. Donc il faut trouve au moins 40 % d’un rapport d’influence et de force en dehors du Togo. Aussi, pour mettre fin à un virus mutant et contaminant, c’est la décontamination et la désinfection qui semblent devenir la solution pour le départ de Faure Gnassingbé qui a utilisé le rapport de force et de droit pour modifier unilatéralement la Constitution de 1992 accepté à plus de 97 % de l’ensemble des Togolais et Togolaises. Donc face à un vrai « faux » dialogue, il y aura besoin de revenir au mot « négociation ». D’ailleurs, chacun s’évertue à marginaliser Mr Tikpi Atchadam et s’assurer que Faure Gnassingbé demeure en poste jusqu’en 2020. Certains sont payés pour attendre cette date. D’autres en profitent pour aller voir les institutions américaines comme le Millenium Challenge Account (US-MCC) qui offre de l’aide et garantie à l’investissement des Américains au Togo. Que le Président ghanéen soit remercié pour son rôle mais avec son insistance à travailler aussi pour faire avancer la cause du (US-MCC) témoigne d’une non-neutralité de sa part dans ce dossier.
Ce 27eme dialogue est-il un dialogue de plus ou une occasion pour régler définitivement la crise togolaise qui dure depuis 27 ans ?
La réponse est non. Comment voulez-vous régler un problème quand les solutions ont été systématiquement trouvées et que c’est le même gouvernement militaro-civile de Faure Gnassingbé qui a systématiquement refusé de mettre en œuvre les recommandations. Que ce soit l’accord politique global de 2006 ou les recommandations du Commission Vérité, justice et Réconciliation (CJVR) dirigée par Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan, aucune des propositions n’a été véritablement été mise en œuvre. Bref, celui qui est pris en otage par les militaires non-républicains togolais ne peut ou ne veut (ou les deux), mettre en œuvre des solutions à la crise togolaise puisqu’il est lui-même le problème du Togo. C’est donc le départ de Faure Gnassingbé que demande le peuple togolais et sa Diaspora de manière pacifique. Mais, il faut croire que la manière pacifique n’est plus une alternative suffisante d’où l’importance d’aller chercher des appuis auprès des Chefs d’Etat africains qui s’opposent à ce que fait celui qui réussit à les mystifier tous sur sa légitimité à la tête de l’Etat togolais. Donc, ce dialogue (26e ou 27e) ne sera pas le dernier et semble d’abord complètement compromis compte tenu de la non-participation de Tikpi Atchadam, ce avec une certaine « bénédiction » de certains membres de la Coalition des 14 et des chancelleries occidentales bien atones.
Le régime RPT-UNIR affirme qu’il a fait preuve de bonne foi en libérant une trentaine de détenus politiques sur 102. Est-ce suffisant pour continuer les négociations ?
Si je vous comprends bien, il suffit pour le régime de Faure Gnassingbé d’emprisonner sans raison et en dehors du droit des citoyens togolais puis de les relâcher à 50 % lors de vrai « faux » dialogue pour que vous considériez qu’il y a eu « bonne foi » ou même un geste de bonne volonté. Mais, c’est faire preuve d’une grande illusion que de continuer à accepter de telles inepties. Il s’agit d’injustices flagrantes avec des non-respect des droits humains sans compter les humiliations, les séquelles à vie et les morts qui eux ne reviendront pas. Alors c’est faire preuve de bonne foi cela ? Ce n’est non seulement pas suffisant pour continuer ce que vous appelez maintenant à juste titre des « négociations ». Mais c’est surtout une honte pour un régime qui ne peut perdurer sans la force usurpée avec des armes fournies essentiellement par la France.
A peine ouvert, le dialogue fut reporté à une date ultérieure sans que les protagonistes n’abordent lev vif du sujet. Est-ce un dialogue mort-né comme le clament déjà certains observateurs ?
Bien sûr qu’il s’agit d’un vrai « faux » dialogue et donc un dialogue mort-né pour permettre à certains de gagner du temps et imposer 2020 comme la seule solution. Mais comment certains de la Coalition des 14 partis ont-ils pu accepter d’aller à un faux dialogue sans Tikpi Atchadam ? Est-ce que certains seraient « jaloux » de la capacité du Président du PNP à mobiliser réellement tout le Togo, et ce, au-delà de son parti, sa religion, son ethnie, sa région et même son pays ? Je laisse les citoyens togolais trouver une réponse à ce point. Oui, le vrai « faux » dialogue est mort. D’ailleurs, le « facilitateur » est fatigué d’aller « aider » des gens qui ne veulent faire aucun effort pour avancer vers la seule solution que demande le peuple : l’abolition des abus de droits de Faure Gnassingbé consistant à modifier la Constitution de 1992 sans passer par un référendum. Aussi, ce vice de procédure les conduit à faire croire à tout le monde qui veut bien les croire, que pour mettre en œuvre le retour à la Constitution de 1992, il faille annuler toutes les décisions passées. En fait, il n’y a besoin de rien d’autre que de l’annonce pacifique de Faure Gnassingbé de sa démission immédiate pour non-respect et modification unilatérale de la Constitution de 1992. Autrement dit, lorsqu’on attrape un usurpateur, ce dernier doit reconnaître son forfait et accepter de se retirer au profit d’une nouvelle équipe qui se chargera de rétablir le droit, la transparence et surtout la justice au Togo.
Selon les indiscrétions, l’article 59 de la Constitution de 92 avec la mention en aucun cas nul ne peut exercer plus de deux mandats est la pierre d’achoppement. La loi doit-elle être rétroactive comme le rejettent les militants du RPT-UNIR ?
Les militants du RPT-UNIR feraient bien de se faire conseiller par un vrai sérieux, compétent et indépendant. En effet, il est d’abord question de constater le forfait juridique de Faure Gnassingbé consistant à modifier la Constitution de 1992 sans passer par le référendum puisque cette dernière a été adoptée sur cette base. Au contraire, c’est de manière unilatérale et par la force brute qu’avec un tour de passe-passe au parlement, il a abrogé tous les textes qui l’empêchaient de rester au pouvoir après deux mandats. Donc avant de parler de rétroactivité, il faut parler d’un crime juridique contre la République et donc contre le Peuple togolais. Cela s’appelle la « haute trahison ». Alors qui va sanctionner la haute trahison au Togo ? Pour éviter que le sang ne coule, le Peuple togolais a choisi de marcher pacifiquement espérant que l’usurpateur pourrait laisser d’autres Togolais éthiques réparer ses forfaits juridiques et de fait criminels compte tenu du nombre de morts, de blessés et de spoliés de leur droit au Togo. Donc la rétroactivité n’est qu’une forme moderne et pacifique pour trouver une solution au problème posée par celui qui a commis une forfaiture au Togo.
D’autres partis politiques comme OBUTS d’Agbéyomé Kodjo réclament leur siège à ce fameux dialogue. Trouvez-vous cette revendication légitime ?
Il existe plus de 113 partis politiques au Togo et vous choisissez le parti qui a choisi de se positionner une fois avec le pouvoir RPT/UNIR, une fois avec l’Opposition, une fois au Centre et tout ceci en faisant des « aller-retour » qui donnent des tournis au peuple togolais comme à ses militants. Alors, ce n’est pas le sort de ce parti qui m’importe mais bien le fait que la Coalition des 14 partis n’a pas compris que l’on ne gagne pas seul en politique. Aussi en priorité, il fallait élargir à la société civile togolaise en lutte pour ses droits depuis des décennies, puis à Diaspora plurielle et indépendante togolaise à laquelle Faure Gnassingbé a systématiquement refusé le recensement, le droit de vote et donc l’existence sauf pour récupérer et profiter des transferts financiers importants envoyés par cette dernière, et enfin les partis politiques togolais qui sont indépendants du pouvoir. Donc votre question revient à se poser la question de savoir si le parti OBUTS est un parti indépendant du pouvoir RPT/UNIR ? Il faut poser la question au peuple togolais et aux militants de ce parti. Pour ma part, l’élargissement à des partis satellites du RPT/UNIR aura pour objet de consolider la position du pouvoir militaire qui travaille en sous-main contre le Peuple togolais et refuse de laisser un régime civil s’installe au Togo.
Que pensez-vous du rôle de la CEDEAO et de l’UA dans cette crise, notamment la médiation du président ghanéen Nana Akufo Addo ?
Il faut d’abord remercier le Président du Ghana qui a pris sur son temps pour tenter de faire avancer une négociation inter-togolaise. Mais avec le temps, ses relations passées avec père de Faure Gnassingbé et surtout son implication dans le Millenium Challenge Account, la structure du financement des investisseurs américains au Togo pose le problème de la neutralité d’un médiateur devenu facilitateur par la grâce de Faure Gnassingbé. Bref, le président ghanéen vient de comprendre la duplicité du pouvoir togolais. La question est plus de savoir s’il a encore envie d’aider dans les conditions de duplicité de part et d’autre au Togo.
Bill Emile Davolk : Sachant le triste sort réservé à l’Accord politique globlal (APG) de 2006, est-ce que cette fois-ci l’accord signé sera appliqué ?
Je vous garantie que non et d’ailleurs, il ne s’agira pas d’accord mais d’un diktat de Faure Gnassingbé qui veut aller de force à un vrai « faux » référendum après avoir refusé de soumettre le changement de la Constitution de 1992 à un vrai référendum. La Coalition des 14 partis devrait réviser sa position et s’assurer que Tikpi Atchadam participe à toutes les éventuelles prochaines négociations. Pour ce faire, la sécurité des tous les protagonistes doit être assurée par les autorités togolaises. Il y a donc bien une ségrégation envers le président du PNP. Cette sécurité doit être étendue aux représentants des organisations de la société civile et de la Diaspora et des partis politiques non représentés et indépendants. A ce titre, la communauté internationale et les chancelleries occidentales bien timorées gagneraient à rehausser leur image en exigeant un garde de corps pour tous les participants à une vraie future conférence qui devra porter sur l’avenir du Togo sans Faure Gnassingbé et sans une armée non républicaine et kleptomane du bien public et commun qu’est le Togo.
Un appel au peuple togolais et à la diaspora qui n’a pas aussi baissé les bras.
Un soutien total au Peuple togolais et à la Diaspora pluriel à accepter de s’organiser sur une base décentralisée afin de valoriser partout où c’est possible les compétences et faire émerger l’éthique et la transparence. Car, ce peuple togolais et une certaine diaspora alignée sur Faure Gnassingbé s’évertuent à ne s’intéresser qu’à ce qu’ils ou elles gagneront à court terme en termes d’argent, de postes et de business. Aussi, pour ce faire, la trahison, la peur, la délation ont repris leur droit au Togo, ce de manière invisible. Le Togo de demain ne pourra pas reposer sur l’arbitraire, l’abus du droit et de la force. Le Togo de demain ne pourra pas se construire avec de tels personnes sans éthiques et dédaigneux de la vérité des urnes et la vérité sur les des comptes publics. La justice devra passer par le Togo, apparemment compte tenu des rapports des forces, cette justice pourrait aussi être immanente et divine. En attendant, les prisonniers et autres détenus sans droit et sans raison au nombre de plus de 400 devront être libérés sans contreparties. Faure Gnassingbé n’a fait aucune concession. Il a simplement compris qu’il fallait stopper les « marches pacifiques ». Si les Togolais et togolaises acceptent ce que la Coalition des partis des 14 semblent avoir accepté, alors d’autres Togolais et Togolaises se lèveront pour offrir d’autres alternatives au Peuple togolais. La Coalition des 14 partis doit démontrer son efficacité au risque de disparaître pour n’avoir pas écouté le Peuple… Aussi, si la Coalition fait semblant d’écouter le Peuple togolais, alors que le Peuple togolais fasse semblant de les écouter et se choisissent une autre voie.
Je vous remercie pour l’invitation. YEA.
Propos de Dr Yves Ekoué Amaïzo recueillis Bill Emile Davolk / Émission « Visages d’Afrique » / FM Liberté.
15 février 2018
Source : CVU Togo Diaspora / FM Liberté
27Avril.com