Cette semaine l’argent des Africains embarque pour Lomé à la rencontre de Jean, un Béninois peintre en bâtiment installé au Togo depuis huit ans. Pour Jeune Afrique, il a accepté de parler de son quotidien et de ses dépenses.
Cela fait 22 ans que Jean exerce le métier de peintre en bâtiment. 22 années au cours desquelles ce Béninois de 38 ans installé au Togo a patiemment assis sa notoriété d’artisan : « Les gens m’appellent, j’ai fait ma publicité au Bénin comme au Togo », confie-t-il modestement. C’est en tant que travailleur indépendant qu’il exerce sa profession sur les chantiers, où il dirige de petites équipes d’ouvriers. S’il est souvent contacté pour intervenir sur de nouveaux chantiers, il peut parfois s’écouler plusieurs semaines sans qu’il ne soit sollicité. La situation peut alors devenir difficile à gérer au plan financier.
Travailleur indépendant, salaire irrégulier
L’argent que Jean reçoit pour l’exécution d’un chantier n’atterrit pas tel quel dans sa poche. Il est tenu d’acheter le matériel nécessaire et de rémunérer les ouvriers auxquels il fait appel et dont il assure la prise en charge des frais de déplacements. Tous les chantiers ne demandent pas autant de temps et si beaucoup sont bouclés en trois semaines, il faut parfois quatre mois pour venir à bout de certaines commandes.
Plus un chantier est long, plus la paye est importante. Mais cela implique aussi une main d’oeuvre plus conséquente et donc plus coûteuse. Jean est en fait rémunéré en fonction de la durée et de l’ampleur du travail effectué. Bien que l’épaisseur de son porte-monnaie varie d’un mois à l’autre, il affirme gagner en moyenne autour de 400 000 F CFA mensuels, soit 610 euros. Dans un pays où le salaire moyen est de 45 euros, il fait partie de la classe moyenne voire aisée. « Je ne suis ni riche ni pauvre mais je ne me plains pas trop car la vie de certaines personnes est très dure », tempère-t-il.
Deux jumelles à charge
Béninois, Jean a choisi de s’installer au Togo il y a huit ans car le coût de la vie y est moins élevé. Ayant fait construire la maison dans laquelle il vit depuis trois ans, il n’a pas besoin de s’acquitter d’un loyer. Loin d’être seul, Jean partage son quotidien avec pas moins de cinq autres membres de sa famille à qui il a choisi d’offrir l’hospitalité. La sœur de Jean et ses deux cousins sont respectivement coiffeuse, couturier et peintre. Plus jeunes, ses deux nièces sont âgées de 18 ans.
Après le décès de l’un de ses frères il y a quatre ans, Jean a pris les filles de ce dernier, Julie et Juliette*, sous son aile. Apprentie couturière, la première devrait rapidement entrer sur le marché du travail. Juliette, elle, est scolarisée en classe de troisième. La jeune fille aimerait arrêter l’école « mais je n’ai pas encore décidé » explique Jean. « Moi j’aimerais qu’elle continue ses études et qu’elle ait son bac mais elle a honte car elle a déjà 18 ans et est plus âgée que les gens de sa classe. Elle a redoublé plusieurs fois, c’est parce qu’elle n’a pas suffisamment travaillé », explique-t-il.
Si ses cousins et sa sœur sont autonomes financièrement, Jean doit entretenir ses nièces. « Je dépense 125 euros par mois pour l’alimentation pour nous trois, parfois je donne aussi de l’argent au reste de la famille quand il faut les aider ». Outre la nourriture, Jean doit assurer d’autres dépenses quotidiennes pour les jeunes filles comme l’habillement, les manuels scolaires pour Juliette ou le transport.
Un coup de pouce fraternel à 700 euros
En dehors des dépenses mensuelles, il faut également assurer les imprévus. « Il y a un peu plus de deux semaines, la femme d’un cousin a accouché. Ils avaient besoin d’un peu d’argent avec le nouveau bébé. Mon cousin m’a appelé, je leur ai donné 80 euros. Parfois aussi, il y a des problèmes avec ma voiture et je dois payer le garagiste ». À la fin du mois, il reste généralement à Jean environ 135 euros, une somme non négligeable qu’il dépose alors à la banque.
En dehors d’un restaurant ou d’un verre en terrasse avec des amis de temps à autre, Jean n’accorde qu’une très faible part de ses revenus à ses loisirs. « Je fais attention, je ne veux pas abuser. Les dépenses pour moi ce n’est pas tous les mois, et c’est peu de chose ». Le peintre en bâtiment, qui ne prend pas de vacances, s’autorise 30 euros par mois pour passer du bon temps.
Il nous aide beaucoup, cela me soulage pour les enfants
Arsène, un autre frère de Jean, réside en Allemagne depuis 28 ans, où il s’est installé et vit de son métier d’artiste chorégraphe. De temps en temps, il envoie de l’argent au Togo destiné à ses nièces. Grâce à cette somme Jean peut acheter des vêtements, chaussures et livres aux jumelles.
Habituellement, en septembre au moment de la rentrée scolaire et pour les fêtes de fin d’année, Arsène envoie à Jean 500 euros. Le reste de l’année, il adresse parfois de plus petites sommes lorsque la famille rencontre des difficultés passagères. « Il nous aide beaucoup, confie Jean, c’est à peu près 700 euros par an. Cela me soulage beaucoup pour les enfants ».
Sur son temps libre, Jean est bénévole pour une association. S’il avait plus d’argent, il aimerait partir à l’étranger. « J’ai envie de voyager pour travailler, construire des maisons à l’étranger pour pouvoir les louer ensuite, j’aimerais montrer aux autres de quoi je suis capable ». Jean espère que l’argent qu’il épargne petit à petit lui permettra un jour d’exaucer ce vœu.
* Les prénoms ont été modifiés à la demande de Jean.
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Jeune Afrique