L’appel du Père Pierre Marie Chanel Affognon à la classe politique togolaise

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L’appel du Père Pierre Marie Chanel Affognon à la classe politique togolaise« Osez répondre à l’appel de notre peuple qui hurle sa grande détresse », c’est l’essentiel du message que le père Pierre Marie Chanel Affognon, Aumônier national des cadres catholiques du Togo a adressé à toute la classe politique dans une lettre ouverte après le verdict de la CEDEAO sur la crise politique togolaise. Lecture !

 

Lettre ouverte aux décideurs politiques du Togo

Excellences,

Honorables,

Messieurs et Mesdames,

« (…) Nous devons préférer un pas ensemble avec le peuple plutôt que de faire dix pas sans le peuple… » (Thomas SANKARA)

Je voudrais très humblement m’adresser à vous, très chères autorités, hommes et femmes politiques de notre cher pays le Togo.

La patrie et le peuple attendent de vous un nouveau départ pour un réel renouveau de votre engagement politique en vue de la réduction de la misère et de l’atténuation de l’état de paupérisation avancée sur la Terre de nos aïeux. Nous attendons de vous une nouvelle vision, une mentalité politique renouvelée soucieuse des valeurs républicaines et un engagement nouveau qui tire sa sève des trésors démocratiques et des principes de la bonne gouvernance pour un développement intégral de notre Nation.

En effet, la situation de crise sociopolitique de notre pays appelle chacun de vous à sacrifier définitivement vos intérêts personnels, particuliers, ethniques, claniques et partisans, que certains observateurs de la vie politique nationale qualifieraient « d’égoïstes », afin d’œuvrer résolument pour le bien commun qui est en réalité le bien supérieur de notre Nation. Comme vous le savez, à plusieurs reprises, le peuple togolais, dont vous êtes des filles et fils, a eu à manifester clairement son option pour un renouveau sociopolitique. Il a ainsi choisi la démocratie comme paradigme de la gestion politique de la noble Terre de ses aïeux. Malheureusement, les exigences démocratiques essentielles qu’il vous exprime sont comme ignorées par vous, ses décideurs politiques. En effet, il y a eu, au cours de son expression de cette volonté populaire, plusieurs morts, des personnes portées disparues, des familles brisées, des destructions matérielles, des départs en exil, des arrestations arbitraires avec tortures et emprisonnements…

L’histoire lointaine et surtout celle récente de notre pays demeure le témoin de cette longue souffrance du peuple. Pouvez-vous penser et réaliser la paix sociale, quand vous semblez ne pas prendre très au sérieux, la volonté générale ainsi exprimée par le peuple ? Pourriez-vous assurer véritablement la sécurité et la stabilité de notre pays sans agir efficacement et concrètement sur les facteurs de la misère si galopante dans une réelle paupérisation des citoyens, surtout dans les milieux ruraux ? Pourriez-vous mettre en place les conditions favorables au développement de notre pays, sans un accomplissement plus accru d’une éducation de qualité des enfants et des jeunes ? Pourriez-vous réduire, tant soit peu, la souffrance de notre peuple sans une bonne prise en charge de sa santé et de toutes les autres réalités connexes qui sont indispensables au développement durable d’une Nation ? Avez-vous déjà eu l’occasion d’être soigné dans un de nos centres hospitaliers, préfectoraux, régionaux ou universitaires ou encore dans nos dispensaires et centres médico-sociaux publics ?

La situation est très grave et la dignité de notre valeureux peuple exige de vous des actes concrets de VIE et non un accroissement de la logique politique de la mort.

Je voudrais vous demander, en toute humilité et avec un grand respect, que quelque soit votre conviction politique, vous puissiez ici et maintenant poser de grands actes patriotiques qui corrigent l’image selon laquelle vous prenez notre peuple en otage et que vous êtes les auteurs de son mal, aujourd’hui devenu chronique.

Vous en êtes capables, soyez courageux et vrais patriotes. N’attendez personne pour rebâtir notre pays et ne croyez pas que les autres Nations vont aimer le Togo et les togolais, mieux que vous-mêmes ou à votre place. Le Général Charles de Gaulle l’avait bien dit : « les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Un ami peut aider mais il ne peut en aucun cas se substituer à son ami.

Prenez, hic et nunc, le parti du bien commun. Osez répondre à l’appel de notre peuple qui hurle sa grande détresse. Aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de l’intérêt de notre pays. Vous êtes de dignes fils et filles de la Mère-Patrie le TOGO. Montrez-le et démontrez-le à la face des Nations de notre sous-région et du monde. Ne permettez pas que notre peuple soit la risée de ses voisins et du monde. En effet, par votre nationalité togolaise, vous vous êtes engagés à ceci :

« Dans l’unité nous voulons te servir,

C’est bien là de nos cœurs, le plus ardent désir,

Clamons fort notre devise,

Que rien ne peut ternir.

Seul artisan de ton bonheur, ainsi que de ton avenir,

Brisons partout les chaînes de la traîtrise,

Et nous te jurons toujours fidélité,

Et aimer servir, se dépasser,

Faire encore de toi sans nous lasser,

Togo chéri, l’or de l’humanité. » (Hymne national du Togo, 2ème couplet)

Je vous en supplie à genoux devant Dieu et considérant l’histoire douloureuse de notre Nation togolaise : S’il vous plait, choisissez le bien et l’intérêt supérieur du Togo et de ses populations.

Je vous prie d’écouter, de vous laisser interpeller et d’agir selon les paroles des hommes politiques qui suivent :

Du Président Thomas SANKARA: « Nous devons préférer un pas ensemble avec le peuple plutôt que de faire dix pas sans le peuple ».

De notre Président en exercice, son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBE : « (…), la société d’ouverture et d’inclusion implique aussi la solidarité : la plus forte des injustices n’est-elle pas le développement inégalitaire ? Lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ses tréfonds la démocratie et le progrès. » (Discours à la nation le 26 Avril 2012)

Du Président Nelson MANDELA : « Au cours de ma vie, je me suis consacré à cette lutte des peuples africains. J’ai combattu contre la domination blanche et j’ai combattu contre la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle tout le monde vivrait ensemble en harmonie et avec des chances égales. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et que j’espère accomplir. Mais si nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir. » (Plaidoyer au procès de Rivonia du 20 Avril 1964)

Du Pasteur Martin Luther KING : « Toute injustice, où qu’elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs (…) nous sommes pris dans un réseau de relations mutuelles auquel nous ne pouvons échapper ; notre destinée commune est un vêtement sans couture. Ce qui affecte directement l’un de nous nous affecte tous indirectement … » (Lettre de la prison de Birmingham en avril 1963).

Du Président Barak OBAMA au sommet de l’Union Africaine (UA) de 2015: « Je dois dire aussi que les progrès démocratiques de l’Afrique sont aussi en danger lorsque les dirigeants refusent de démissionner lorsque leurs mandats se terminent (…) personne n’est au-dessus de la loi. Pas même le président. Et je vais être honnête avec vous : je suis impatient de vivre après avoir été président. (…) Le fait est que je ne comprends pas pourquoi les gens veulent rester si longtemps en poste, surtout quand ils ont beaucoup d’argent. Quand un chef essaie de changer les règles au milieu du jeu seulement pour rester dans son bureau, il risque de créer l’instabilité et le conflit (…) l’autorité et la forte voix de l’UA peuvent également aider les peuples d’Afrique à veiller à ce que leurs dirigeants respectent les limites des mandats et leur constitution. Personne ne devrait être président à vie (….)

Ce même américain, Président des USA et kenyan d’origine, déclarait à ce même sommet : (…) Je crois que le cœur de l’homme est plus fort. Je crois que les cœurs peuvent changer. Je crois que les esprits peuvent s’ouvrir. Voilà comment le changement se produit. (…) Promouvoir le développement qui sort les gens de la pauvreté. Soutenir la démocratie qui donne aux citoyens leur mot à dire. Faire progresser la sécurité et la justice qui offrent la paix. Respecter les droits de toutes les personnes. Ce sont les clés du progrès, pas seulement en Afrique, mais dans le monde entier. » (Discours de Barack Obama au siège de l’Union africaine, le 28 juillet 2015).

Je vous prie d’écouter également vos Pères Évêques de la Conférence des Évêques du Togo dans leurs différents messages et lettres dont celle du 26 Avril 2017 intitulée : « Il y a de l’espérance pour ton avenir (Jérémie, 31,17) ». En effet, les évêques écrivent que l’alternance « est au cœur de toutes les luttes qui opposent les fils et filles de notre Pays ; elle est la première pomme de discorde qui alimente nos conflits. A ce propos, nous avons tenu à rappeler que « Le principe de l’alternance politique, avant d’être une valeur démocratique, est surtout une exigence de droit naturel. Précisément, parce que les gouvernants sont à notre service, il est légitime de les remplacer quand nous estimons qu’ils ne remplissent plus leur mission ou qu’ils ont atteint une limite qui ne leur permet ou ne leur permettrait plus de bien remplir cette mission ». Il ne s’agit donc pas d’une faveur que l’on pourrait accorder ou non au peuple ; il est plutôt question d’une exigence capitale que tout citoyen ou parti politique devrait respecter ».

Les évêques vous ont également appelé à opérer les reformes constitutionnelles et institutionnelles avec des élections libres, crédibles et transparentes. Les avez-vous écoutez ?

Je vous supplie au nom de notre peuple écrasé par la misère, n’ayez pas peur de reculer pour mieux sauter. L’Homme n’est grand et fort que grâce à son humilité et à sa capacité de réaliser le bien commun en inventant des solutions idoines et efficaces à ses problèmes. Il est donc urgent pour vous, homme et femme politiques de notre pays de prendre vos responsabilités devant Dieu, devant votre conscience et devant le peuple en optant résolument pour une véritable démocratie, source de la paix sociale et du développement holistique. Pensez à l’avenir des familles, des enfants et des jeunes togolais. Comme vous le savez, la majorité d’entre eux vivent dans la misère, avec un taux de chômage très élevé. Certains d’entre eux n’ont que « le zémidjan » comme activité génératrice de revenu pour pouvoir survivre.

Même si aujourd’hui, vous, vous avez pu constituer un héritage suffisant à vos progénitures, sachez qu’elles ne seront jamais heureuses sans leurs concitoyens et sans un développement harmonieux de leur pays, le Togo.

Je voudrais conclure en vous remerciant sincèrement pour vos efforts en cours et à venir. Nous prions pour vous et nous vous soutenons dans vos bonnes initiatives pour un Togo nouveau, plus démocratique, engagé pour l’avènement d’un véritable État de droit, axé sur la bonne gouvernance et la recherche du bien-être de tous les citoyens togolais.

Je vous remercie.

Pierre Marie Chanel AFFOGNON

Aumônier national des cadres catholiques du Togo

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