Jusque-là, l’Afrique consommait peu d’alcool, protégée notamment par les interdits religieux. Mais le continent est le dernier terrain à conquérir pour les alcooliers, et ils mettent la pression.
La consommation d’alcool en Afrique ne cesse de s’accroître et inquiète autorités locales et instances internationales. Même si, comme le dit l’Agence Ecofin, « contrairement aux idées reçues, l’Afrique, dans son ensemble, n’est pas un continent très porté sur la bouteille. Bien moins que les Européens. »
En effet, quand la moyenne européenne se situe à 10/12 litres d’alcool pur par an et par habitant, le champion africain, le Gabon, ne consomme « que 9 litres ». Mais, premier bémol, si on exclut les populations abstinentes, notamment pour des critères religieux, le chiffre s’emballe. Du coup, les pays musulmans deviennent de mauvais élèves. Il y a peu de buveurs, mais de très gros buveurs. Au Tchad, cela frôle les 34 litres par personne non abstinente.
L’alcoolisme en Afrique est totalement ignoré. On parle d’Ebola, du sida, du paludisme, mais très peu des risques de la consommation d’alcool. Et l’industrie l’a bien compris qui fait du continent un marché à conquérir. Une zone de développement dans un marché mondial qui stagne. A côté de programmes de responsabilisation sociale, les brasseurs créent des gammes « low-cost » ou des bières moins alcoolisées. La filière met en avant des bières locales, jouant ainsi sur la corde sensible du nationalisme.
Ainsi en 2017, la croissance du secteur de la bière a été trois fois plus élevée en Afrique que dans le reste du monde. Cette année-là, Heineken, associé au distributeur CFAO, investit 150 millions d’euros à Abidjan (Côte d’Ivoire) dans une immense brasserie, prévue pour produire à terme 1,6 millions d’hectolitres. Le marché ivoirien est porteur.
« L’Afrique est notre source principale de croissance à l’avenir avec le développement de la classe moyenne », explique à l’époque le président Afrique du groupe néerlandais, Roland Pirmez. Ajoutez à cela la jeunesse de la population, le faible coût de la publicité et la réglementation assez lâche, vous avez un terrain idéal de développement.
Santé publique
Face à cela, les enjeux de santé publique semblent peser bien peu. Ainsi, dans les années 2010, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale ont vu se développer la vente d’alcool en sachet. Des doses de 5 ml de whisky, vodka ou gin sont vendues entre 100 et 150 francs CFA (entre 0,15 et 0,22 euros) à la porte des établissements scolaires. Selon plusieurs médias, les lycéens consomment entre deux cours. Accoutumance garantie, les alcooliers préparent ainsi le terrain.
La plupart des pays ont réagi en interdisant la vente de ces produits. Au Cameroun, l’interdiction remonte à 2014. C’est l’un des premiers pays à avoir réagi face à cette menace d’addiction. Pourtant à en croire le site internet Actu Cameroun, « cinq ans après cet arrêté ministériel, la vente de ces produits se porte toujours bien. »
Les professionnels avaient deux ans pour écouler leur stock. Force est de constater, selon les journalistes sur place, que les produits sont toujours disponibles. « Il n’y a pas de contrôle », explique une vendeuse du marché de Yaoundé à Géraldine Ivaha, de Cameroon-info.net. Si des salariés du ministère du commerce passent, « on leur fait savoir qu’on n’est pas au courant de l’interdiction et s’ils insistent on s’arrange et ils s’en vont. »
Le Sénégal également a interdit la vente de l’alcool en sachet. Et ici aussi, la consommation continue. Pour Alioune Samb, le chef du service régional du commerce de Thiès (ouest), il s’agit d’un trafic à petite échelle. Une revente d’alcool en bouteille reconditionné dans des sachets afin de toucher un public jeune. Selon Alioune Samb, cela ne constitue pas « une production industrielle ». Sans doute pas une production industrielle, mais en tout cas un véritable trafic.
Source : www.cameroonweb.com