La start-up africaine de la semaine : une caisse enregistreuse taillée pour les marchés de Dakar

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Comment apporter une solution de gestion à bas coût aux commerçants du secteur informel – prépondérant sur le continent – tout en ne se limitant pas à une énième application mobile ? C’est à cette question que la société Somtou tente de répondre à Dakar depuis deux ans via un terminal simple d’utilisation et censé résister aux conditions de vente les plus difficiles.

“Là où beaucoup estiment que le software et les applications suffisent pour répondre aux besoins, nous pensons qu’il y a encore beaucoup à faire dans la forme physique et le choix des matériaux des solutions technologiques”, dit Ted Boulou, le fondateur de la société.

Fort de ce constat, le diplômé de l’École Polytechnique, passé par la Société générale et l’IFC, la branche d’investissement privé de la Banque mondiale, plaque tout pour se consacrer à cette idée d’un terminal commerçant mieux adapté aux réalités sénégalaises. Et plus largement sur le continent si affinités.

Aux côtés de Warren Nzeale, son associé, la société teste plusieurs prototypes, tant sur le plan matériel (design, forme, matière), que sur le plan logiciel (intuitif, fonctionnel), pouvant compter sur une première levée de fonds de 100 000 euros pour financer son démarrage.

La version finale de la console est fabriquée en bois et en cuir. Elle est munie d’un logiciel embarqué, avec une balance connectée et un lecteur de codes-barres compris. Tout cela permet à l’utilisateur d’enregistrer ses ventes, de gérer les ardoises des clients, fréquentes sur les marchés dakarois, et finalement de faciliter la gestion des stocks de produits.

Un appareil adapté à l’analphabétisme

Pour rendre la console attractive aux yeux des commerçants, deux aspects ont été privilégiés par les deux entrepreneurs : une construction robuste et une interface aussi accessible que possible, c’est-à-dire sans texte, adaptée au pays, où le taux d’analphabétisme dépasse les 50% selon l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). “Notre logiciel fonctionne essentiellement sur les images et la voix”, raconte Ted Boulou.

Somtou a démarré il y a quelques semaines la production d’une première série de 100 consoles. Pour en financer la construction, la société a mis en oeuvre un système de pré-achat original : il repose sur les crédits amenés par des particuliers qui sont ensuite remboursés par la location-vente des appareils chez les commerçants. Une forme de financement collaboratif parmi celles qui sont en vogue sur le continent. Et ça marche : en décembre, les 100 premiers Somtou ont été pré-achetés en deux jours et ont permis de lever 40 000 euros.

Côté commerçants, 110 appareils ont été commandés, principalement par des femmes transformatrices de produits agricoles et halieutiques qui rembourseront les terminaux à raison de 500 francs par jour pendant deux ans (soit 312 000 francs au terme du remboursement, six jours par semaine).

Le commerce des données

“La question ici n’est pas une question de prix mais une question de capacité à apporter une solution simple à un problème réel. La seule question que nous ont posée les femmes transformatrices par exemple est de savoir si elles pourraient enfin savoir quel est le prix de revient des produits qu’elles fabriquent. Une fois que nous leur avons fait la démonstration, elles ont accepté le prix sans sourciller”, raconte l’entrepreneur.

500 autres appareils doivent être financés et construits de la même façon dans les prochaines semaines. Puis 2 000 au bout d’un an dont les revenus serviront principalement à rembourser les prêteurs particuliers.

Car le modèle d’affaires réel de Somtou est ailleurs, dans les précieuses données que chacun des appareils va enregistrer sur des activités informelles sinon très opaques. « Pour la grande distribution, pour les banques et pour bien d’autres secteurs, ces données ont une valeur importante alors que le secteur informel pèse très lourd dans les activités économiques africaines. Le potentiel de chiffre d’affaires est beaucoup plus important que la seule location-vente des appareils », analyse Ted Boulou.

De quoi aussi alimenter la croissance de la société qui compte désormais 11 salariés (électroniciens, développeurs, graphistes-designers, business developers et financiers) à plein temps et qui déménagera prochainement à Rufisque en banlieue de Dakar.

C’est d’ailleurs sur ce même filon des data que Weebi, un concurrent dakarois de Somdou, s’est positionné, ayant aussi fait le constat de la rareté des données disponibles sur les habitudes d’achats de la capitale sénégalaise, tout particulièrement sur les cosmétiques ou les petits commerces alimentaires.

Jeune Afrique