26 avril 2017, veille de l’anniversaire du jour où le Togo s’est affranchi du joug de l’oppression, Faure Gnassingbé a décidé de remettre une distinction de la République au très controversé et cité dans d’innombrables crimes, Major Kouloum. Même si cet acte est loin d’être surprenant, il vient de tirer les choses au clair. Le pseudo- projet de réconciliation n’est qu’une véritable farce qui de jour en jour mérite bien ce nom.
Le 26 avril 2005, soit onze ans jour pour jour, avant sa décoration, Major Kouloum, comme un chef de gang, faisait tirer sur des militants de l’opposition à Atakpamé. « Vers 14h30, un groupe de jeunes du RPT envoyé par le Major Kouloum serait allé affronter les jeunes de l’opposition. Selon les témoignages recueillis, le Major Kouloum aurait également fait venir à Atakpamé des renforts armés composés de jeunes d’autres régions, notamment du nord pour apporter un soutien aux militants du RPT. Il semblerait que par mégarde, les renforts auraient tirés sur leurs propres partisans. En se rendant compte de cette méprise, ce groupe d’appui du RPT aurait commencé à tirer de manière aveugle sur la population et les habitations. D’autres informations communiquées à la mission corroborent l’idée que les renforts armés étaient constitués d’éléments provenant d’autres régions ou localités. Les éléments armés du RPT seraient entrés dans une maison et auraient tué le propriétaire, croyant avoir identifié le responsable politique recherché qu’ils ne connaissaient pas. Conscients de cette nouvelle méprise, les éléments armés seraient retournés sur les lieux et auraient identifié la maison recherchée. Ils l’auraient définitivement saccagée et brûlée. Ensuite, ils se seraient dirigés dans d’autres quartiers notamment à Djama », lit-on dans le rapport des Nations Unies produit sur les violences de 2005.
« Selon les témoins, le siège du RPT à Atakpamé aurait servi de centre de détention et de torture. Les noms des dignitaires du RPT qui ont toujours semé la terreur dans la localité d’Atakpamé et ses environs ont été communiqués à la mission. La plupart des témoins rencontrés ont désigné notamment le Major Kouloum, comme l’auteur et le meneur des tueries commises dans la Préfecture d’Ogou. Il aurait aussi formé et armé les milices. Les informations recoupées par la Mission indiquent qu’à la suite de la destruction de son hôtel et de sa radio, le Major Kouloum aurait mené des actes de représailles se traduisant notamment par une violence aveugle et extrême contre les responsables, les partisans de l’opposition ainsi que d’autres personnes. De nombreux témoins ont souligné également que dans la nuit du 24 au 25 avril 2005, le Major aurait abattu six jeunes qui continuaient à détruire ses biens. Par ailleurs, il aurait orchestré toutes les opérations de riposte en réaction aux violences perpétrées par des militants et des sympathisants de l’opposition ainsi que la venue des renforts venant apporter un appui pour réprimer les militants de l’opposition », a poursuivi le rapport qui cite nommément le nom du bourreau d’Atakpamé.
« En recoupant les informations, la Mission a notamment pris connaissance du fait qu’environ 2500 soldats habillés en civil et armés de coupe-coupe, machettes et gourdins cloutés auraient été regroupés en unités de 200 pour porter un appui aux militants du RPT et mener la répression au cours des manifestations. Les éléments des Bérets verts et rouges auraient fait partie de ces effectifs. Par ailleurs, 2500 coupe- coupe auraient été achetés à cet effet par l’armée. Le deuxième dispositif mis en place aurait été constitué par la nomination d’un Officier chargé d’encadrer les soldats devant porter un appui aux militants et aux milices du RPT. Cet officier serait encore en service auprès du RPT et de sa milice. Ce dispositif a été mis en place au niveau national et régional. Au niveau régional, les troupes seraient sous le commandement du Major Kouloum qui a semé la terreur dans la préfecture de l’ Ogou et ses environs. Des militaires seraient aussi venus du nord du pays pour apporter un appui aux militants et aux milices du RPT et perpétrer des exactions à Lomé et dans d’autres localités. A l’issue de leurs exactions, ils auraient reçu 20.000 francs CFA chacun pour, selon les traditions locales, procéder à des cérémonies de purification afin d’éviter d’être poursuivis par les esprits de leurs victimes », ont complété les rapporteurs des Nations Unies.
Le rôle sinistre du bourreau d’Atakpamé ne s’est pas limité à 2005 ou avant. Jouissant d’une impunité, l’homme a continué à manipuler les questions tribales au sein de cette région, opposant les communautés entre elles, prenant systématiquement position contre certaines parmi elles. Ses agissements ont été par exemple à l’origine des récents affrontements de Djéréhoué en 2015. Sans avoir aucune responsabilité officielle, sans être ni préfet, ni maire, ni commandant de troupe, il fait office dans toute la région des Plateaux de tyran-gouverneur (comme un certain Ernest Gnassingbé dans le temps, dans le nord du pays) qui a une mainmise totale sur tous les aspects de la vie dans cette région, jusque dans les moindres détails. Tous les représentants de l’administration civile et militaire lui doivent des comptes réguliers, ce qui lui permet d’être au cœur d’un redoutable dispositif de renseignements et d’organiser ses répressions et intimidations. Bien qu’il ait sa radio (Peace Fm) sur laquelle il déroule la propagande au profit du pouvoir, il exerce son influence jusque sur les contenus des autres médias qui se voient parfois obligés de censurer des émissions dès qu’ils sentent l’humeur du gourou changer.
Les insignes de la République sont décernés à des personnes qui se sont distinguées par un service particulier (républicain) rendu à la Nation. En dehors du fait qu’il a été militaire et qu’il superviserait les champs et intérêts de la famille « royale » dans la région, quel service ce monsieur a-t-il rendu de particulier à la Nation pour qu’il soit décoré et exhibé aux yeux du monde entier, y compris ceux de ses innombrables victimes qui attendent que justice leur soit rendue un beau jour?
La décoration de ce tortionnaire ressemble à celle d’un autre sieur, du nom de Massina qui, après avoir été cité dans des actes ignobles, s’est vu décerner des insignes de la République et, plus grave, a été promu à la tête de la Direction de la Gendarmerie nationale. Pendant qu’au même moment, les victimes continuent d’être persécutées, si elles ne sont pas tout simplement abandonnées à leur triste sort, bien souvent toujours exposées à leurs bourreaux. Le message qui ressort de tout cela est que le parti au pouvoir est celui des bourreaux du peuple. Et tout ce qui émane de lui comme projet de réconciliation n’est que cynisme et poudre aux yeux afin d’endormir l’opinion pour mieux consolider sa mainmise sur le pays et ses ressources.
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