La lutte politique au Togo atteint depuis un mois un tournant décisif. Pour une fois, le pouvoir aujourd’hui cinquantenaire est ébranlé. Il vacille. Et il faut un peu plus de détermination du peuple pour que son « cauchemar » s’arrête.
Mauvaise foi. Lorsqu’en 2005, il eut la « catastrophe nationale », suivie d’une succession aux relents monarchiques, le peuple a dit non. Et pour calmer son ardeur, plusieurs centaines de Togolais ont été tués. Rapidement les acteurs politiques et de la société civile se sont retrouvés autour d’une table de négociation d’où est sorti l’Accord politique global (APG) en 2006. En acceptant cette discussion assortie d’une feuille de route qui précise clairement les réformes à opérer pour que le Togo s’ouvre à la démocratie, involontairement, cette signature légitime le pouvoir du rejeton de Gnassingbé Eyadéma.
Onze ans après, le fameux Accord politique global n’est toujours pas mis en œuvre dans sa partie importante. De dilatoire en manipulation en passant par la division des opposants, le locataire du palais de Marina et la minorité pilleuse ont manifesté leur volonté de ne pas faire les réformes et de s’éterniser au pouvoir. La réintroduction de son projet de loi relatif à la révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale, il y a quelques jours, n’est qu’une autre manœuvre pour berner l’opposition et gagner du temps.
Le réveil. Bien que Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’opposition ait dit dans une interview accordée à Radio France internationale (Rfi), largement relayée par les journaux de la place, qu’il n’est pas essoufflé dans la lutte pour l’avènement de la démocratie, il faut reconnaître que l’arrivée sur la scène politique du juriste anthropologue, Tikpi Atchadam, donne un nouveau souffle à la lutte.
Eloquent et percutant certes, mais sans injures ni propos déplacés, cet opposant que le pouvoir n’a pas vu venir séduit par ses discours et mobilise plusieurs personnes derrière lui. Un bon facteur pour que l’opposition fasse son union réclamée. Chose faite. Désormais, elle parle et agit d’une seule et unique voix. Les 6 et 7 septembre derniers, elle a démontré que l’« union fait la force ». Et tout porte à croire que désormais rien ne sera plus comme avant. Les dernières manifestations de l’opposition ont été une réussite. La presse internationale en a fait échos. Plusieurs personnalités ont apporté leur soutien au peuple togolais qui réclame depuis une cinquantaine d’années l’alternance. Il n’a jamais aussi été si proche de son but, disent les observateurs avisés.
Mobilisation populaire. Un régime aussi brutal que celui que combattent les opposants a beau avoir un parcours sanglant, il ne peut résister au peuple. On l’a vu un peu partout dans l’histoire. Aucune force ne vient à bout du peuple. Les Burkinabé l’ont montré tout récemment. Le Prof, AyayiTogoata Apedo-Amah le résume bien : « Si le peuple veut que Faure Eyadema Gnassingbé parte tout de suite même si la Constitution dit le contraire, il devra partir comme est parti le médiocre tyran burkinabè Blaise Compaoré. Aucune vraie révolution ne prend des gants pour chasser un tyran… »
Pour le moment, le régime résiste ou donne l’impression de contrôler encore la situation. Tout se jouera donc les prochains jours. Une mobilisation populaire plus grande que celles des 6 et 7 , et des 20 et 21 donnera une idée de ce que le Togo sera dans un futur immédiat. Et c’est justement l’enjeu. C’est pourquoi le Combat pour l’alternance politique en 2015 (CAP 2015), le Groupe des Six, le Comité d’action pour le renouveau (CAR), le Parti national panafricain (PNP), la formation politique Santé du Peuple lancent l’appel aux « Togolaises et Togolais des villes et campagnes du Togo et de l’étranger, organisation de défense des droits de l’Homme, associations de presse, syndicats et associations de société civile, travailleurs des secteurs public et privé, artistes, élèves, étudiants, revendeuses des marchés, taximen, zémidjans » de façon générale à réclamer prioritairement la Constitution de 1992 dans sa version originelle. Et d’arracher ainsi leur liberté.
C’est dire que l’enjeu est de taille. Et l’opposition de rappeler aux uns et aux autres de démontrer au régime ce qu’ils veulent. Les contre-manifestations de RPT/UNIR ne sont que des signes de sa faiblesse. Le régime croit encore. Peut-être qu’il oublie que dans une dictature, tout va bien jusqu’aux derniers quarts d’heure.
A.H
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