«Tant qu’il y aura des dictatures, je n’aurai pas pas le coeur à critiquer une démocratie.» Jean Rostand
Au détour d’une conversation la semaine passée au téléphone avec un ami depuis Lomé, il nous était arrivé de parler de la justice togolaise avec tous ces scandales qui la jalonnent. Surtout cet embrigadement et cette instrumentalisation politiques dont elle est en permanence victime, ne font pas d’elle une justice pour les pauvres, les opprimés, les laissés-pour-compte, sur le plan social et surtout sur le plan politique. C’est malheureusement connu que notre pays le Togo subit une dictature militaire depuis presqu’un demi-siècle, et personne ne se cache plus pour traiter la justice togolaise d’instrument de bâillonnement et de persécution de l’opposition entre les mains du régime dictatorial, au même titre que l’armée tribale, les milices tribales, la police politique et les caciques radicaux du parti au pouvoir. Ce qui se passe depuis mercredi 31 août 2022 dans le dossier concernant le drame des prisonniers politiques du régime Gnassingbé est une confirmation, comme s’il en était encore besoin, que la justice togolaise ne l’est que de nom. La décision d’un juge ou d’un procureur ne compte pas, tant que cette décision n’arrange pas les intérêts de certaines personnes au sein ou autour du pouvoir de Faure Gnassingbé.
Qui ne se rappelle pas de ces plusieurs dizaines de prisonniers politiques, surtout du PNP (Parti National Panafricain), dont beaucoup sont déjà morts sous la torture en détention, ou peu après leur libération? Qui ne se rappelle surtout pas de ceux kidnappés le 27 janvier 2022? Il s’agit du trésorier-général du PNP, Sébabé-Gueffé Tchassanti Nouroudine, de Boukari Abdoulrazak et de Alfa Ibrahim, un togolais de la diaspora allemande en séjour au pays. En dehors des raisons politiques, propres au régime Gnassingbé, qui consistent à s’acharner sur une formation politique légalement constituée, et des raisons tribales, cet enlèvement ne pouvait s’expliquer. C’est connu: «qui veut noyer son chat, l’accuse de rage.» Pour camoufler le kidnapping politique et le fait que les dossiers soient vides, on leur colle des délits fantaisistes comme «apologie du crime et délits, association de malfaiteurs.» Il est clair pour tout le monde, à commencer par les persécuteurs en chef de l’opposition togolaise, que rien de tout ça n’est vrai. Les informations qui circulent ou qui ont circulé sur les réseaux sociaux selon lesquelles Sébabé-Gueffé et ses compagnons d’infortune auraient participé à une manifestation au Mali au nom du PNP, -ce qui ne serait pas un crime-, sont fausses. Les trois citoyens croupissent donc en prison depuis 7 mois avec des dossiers vides.
Sébabé-Gueffé, Boukari Abdoulrazak et Alfa Ibrahim furent à plusieurs reprises convoqués à la cour d’appel de Lomé sans aucun résultat; mais mercredi le 31 août 2022 nous recevions des informations de la prison civile de Lomé selon lesquelles les trois étaient libérés d’office par une décision de justice, donc sans possibilité de faire appel, et qu’ils se trouveraient encore entre les quatre murs de la maison d’arrêt, le temps d’attendre la fin des formalités administratives. Dans plusieurs forums de la messagerie whatsapp, et surtout ceux concernant le parti à l’emblème du cheval, le PNP, des messages sur leur libération en langue vernaculaire Tem commencèrent à être diffusés. Mais malheureusement, les partisans du PNP, les amis et parents de Sébabé-Gueffé Tchassanti Nouroudine, de Boukari Abdoulrazak et de Alfa Ibrahim, et tous les défenseurs des droits de l’homme semblent s’être réjouis trop tôt; car au moment où nous écrivons ces lignes, les trois sont encore maintenus en détention. Quand nous avons cherché à en savoir plus, il nous a été confirmé que les juges de la cour d’appel avaient bel et bien fini par reconnaître le caractère vide de leurs dossiers et décidé de les libérer d’office.
Les trois prisonniers politiques attendent donc depuis cinq jours que le précieux sésame, qui est l’ordre de mise en liberté, rédigé et signé par le procureur général, leur soit remis pour pouvoir quitter l’enfer de la prison civile de Lomé. D’après nos investigations dans le milieu de la justice à Lomé, le blocage se trouverait donc au niveau du procureur général qui rechignerait à signer le fameux ordre de mise en liberté. Le procureur général aura-t-il les mains libres pour le faire? De qui reçoit-il les ordres? Qui, autour de Faure Gnassingbé, tapi dans l’ombre, tire les ficelles? Sébabé-Gueffé Tchassanti Nouroudine et compagnie recouvront-ils enfin la liberté, comme ils l’espèrent depuis mercredi, ou leur calvaire ne fait que commencer? Voilà des interrogations qui consacrent malheureusement le fait que la justice togolaise n’en soit pas une. Trop manipulée, trop corrompue, trop politisée, trop tribalisée, trop lâche, la justice au Togo, pour pouvoir jouer le rôle de défenseur de la veuve et de l’orphelin. Malgré la réalité pas très rayonnante qui est celle de la justice de notre pays, le Togo, nous osons espérer une suite favorable et heureuse à cette annonce de libération de nos trois compatriotes. Nous n’oublions pas le calvaire du reste des prisonniers politiques du PNP comme par exemple, Aboubakar Tchatikpi dit Janvion et de tous les autres, comme Aziz Gomah, Jean-Paul Omolou, Djimon Oré, et surtout Kpatcha Gnassingbé; nous dénonçons le caractère arbitraire de leur détention et demandons leur libération.
Et puisque nous sommes au chapitre des prisonniers politiques ou de tous les citoyens togolais lésés dans leurs droits pour quelque raison que ce soit, nous voulons joindre notre modeste voix à celle du Pasteur Edoh Komi du Mouvement Martin Luther King (MMLK) pour réclamer la libération des enseignants grévistes incarcérés depuis presque 5 mois, ainsi que celle de leurs élèves également emprisonnés pour la même cause. Il faut être sans coeur comme ces pères et mères de familles au sein du régime togolais pour envoyer des enfants en prison. Quant aux enseignants licenciés pour avoir fait grève, alors que le Togo a prévu dans ses textes ce droit pour tous les travailleurs, nous considérons un tel acte de la part du pouvoir togolais, comme un abus, une violation des droits du citoyen, et demandons également qu’ils soient réintégrés dans la fonction publique.
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com