« Lorsqu’un nègre détient une parcelle de responsabilité, il devient dangereux pour ses semblables », affirmait péremptoirement René DUMONT, dans L’Afrique noire est mal partie. Il y a environ cinquante ans que l’agronome français jetait à la figure du monde cette phrase amère, choquante et révoltante pour qualifier l’ingéniosité plate de la grande majorité de ceux que font office de gouvernants et des cadres qui s’alignent sur leurs choix insensés avec un zèle morbide pour les accompagner.
Même s’il faut se méfier de cette vision globalisante et totalisante de l’agronome qui a si longtemps servi au sud du SAHARA dans de nombreux pays et parfois en qualité de conseiller, même si son analyse est teintée de généralisation et de quelque condescendance européo-centrique, nous sommes durement au stade du constat que nos pays piétinent, reculent et se noient, dans une majorité effarante, dans des options détraquées de nos gouvernants ivres d’ambitions personnelles et pétris de férocités à écraser nos peuples pour piller nos richesses, les détourner pour en constituer des fortunes immondes et immensément mortelles pour nos populations. Il faut lire à ce sujet deux livres-enquêtes des journalistes français, Biens mal acquis de Thomas HOFNUNG et de Xavier HAREL; puis Le Roi prédateur, Main Basse sur le Marocde Cathérine GRACIET et d’Éric LAURENT pour se convaincre des crimes économiques qui sont orchestrés sur le continent noir et qui accompagnent insidieusement les crimes de sang pour de longs règnes de malheurs pour nos populations. L’obsession d’enrichissement par le service public fait éclater les méninges de ceux qui font office de gouvernants sous les tropiques. Ils sont les grands abonnés aux arsenaux de la répression sous le prétexte sécuritaire au lieu de s’affirmer dans des options salvatrices pour leurs peuples, efficaces dans les prévisions et bénéfiques pour des générations entières.
Mais, il faut lire La Françafrique, le plus long scandale de la République de François Xavier VERSCHAVE pour comprendre le jeu de l’ancienne administration coloniale qui a choisi de demeurer et de faire payer très cher les « esclaves même libérés » en plaçant à la tête des comptoirs nominalement indépendants des serviteurs exclusifs, des garçons de courses parfois couverts par des bases militaires ou par des accords secrets et des cellules de palais pour une spoliation assistée sous le parapluie de l’impunité.
Les bonnes consciences patriotiques, nationalistes et citoyennes qui défendent la plus-value au bénéfice des africains sont taxés d’arrogance, passibles de peine de mort, de coup d’Etat pour leur outrecuidance, LUMUMBA, Sylvanus OLYMPIO, SANKARA…Des bougres fauves aux réflexes de crimes sont désignés, protégés pour remplacer des leaders de choix qui illuminent la conscience des peuples.
Des intellectuels étonnamment s’aliènent massivement à des minables qui font office de dirigeants sans conscience heurtée pour donner forme au totalitarisme rapace, pilleur qui dessert nos républiques.
Si nous sommes tenaillés par la faim, la soif, abattus par des maladies bénignes, réduits à l’errance, à l’humiliation, que nous reste-t-il à faire en tant que peuple pour nous débarrasser des pieuvres de la conspiration ?
Nos espérances collectives peuvent-elles échouer si nous nous engageons crânement contre nous-mêmes, contre nos petitesses, contre les véreux et contre toutes les collusions mortelles pour nos populations ?
1) Fonctionnalité des préjugés et leurs crimes
Le système colonial de ponction des ressources d’Afrique a été simplement délégué à nos propres dirigeants dans nos jeunes Etats. Des pantins et des girouettes qui bougent au souffle du désir de ceux qui les ont placés ont cru devoir tirer eux aussi meilleur profit du vol organisé pour se constituer aisément des fortunes dans des banques étrangères et sont magistralement assistés à cet effet par des courtisans-profiteurs qui leur indiquent des filières de placement de capitaux sécurisés. Dans un pacte de la corruption réciproque, les maîtres et leurs chefs-comptoirs conspirent contre nos peuples.
Le souffle tentaculaire de la métropole s’est greffé sur les palais d’Afrique pour happer nos ressources au nez et à la barbe de nos peuples martyrisés, relégués au déclassement humain avec la complicité féroce des valets qui ne sont redevables qu’à leurs maîtres. Cette situation de pérennité de l’exploitation crue de nos pays est décrite par l’universitaire algérien Albert MEMMI, dans Portrait du colonisé, précédé du portrait du colonisateur où il souligne : « Aujourd’hui encore nous voyons que certaines décolonisations s’effectuent difficilement, parce que l’ex-colonisateur n’a pas renoncé à ses privilèges qu’il essaie de les rattraper ».
Pour comprendre cette attitude pernicieuse, il faut se référer à la psychologie occidentale, aux principes qui ont fondé l’invasion du continent. René DUMONT, dans son ouvrage revient sur ces principes en rapportant le théoricien français du pillage du continent noir, Jules FERRY, son argumentaire le 28 juillet 1885 au Parlement français : « La Déclaration universelle des droits de l’Homme n’avait pas été écrite pour les noirs de l’Afrique équatoriale ». Il faut en inférer qu’elle n’est pas écrite pour le noir tout court. L’imaginaire européen continue de faire d’une différence biologique, c’est-à-dire de la couleur de la peau, une infériorité fondamentale. Ce drame conceptuel est la source de la dépression et des guerres de positionnement géostratégiques qui enfoncent nos pays dans la pénombre de l’histoire. La République démocratique du Congo (RDC) et la tragédie qui se déroule de façon infernale dans ce bassin et dans la plupart de nos pays nous fournissent les preuves d’une course aux profits exorbitants sur le cadavre du « nègre » avec des « nègres » sans conscience.
L’esprit occidental sur l’Afrique ne s’est pas beaucoup dialectisé pour progresser véritablement chez les officiels. Edith CRESSON, Premier ministre français, socialiste, sous MITTERAND déclarait à propos de l’immigration sur TF1 : « La France ne peut pas accueillir toutes les misères du monde ». Elle dit la même chose que TRUMP et sensiblement la même que SARKOZY et CHIRAC. Les indigents qui n’ont pas d’histoire et qui sont à peine policés doivent être cantonnés chez eux au risque de venir polluer l’air et le rendre irrespirable par leurs odeurs dans un milieu qui n’est pas le leur.
Cet écheveau d’abaissements du noir, de nos pays, de notre continent ne rencontre pas assez une insurrection de la conscience de nos universitaires trop souvent dans une posture de scribes et de rhétoriciens pour valider un positionnement dans l’arène du syndicat du crime. Leurs estomacs tendus en gamelles d’aumône au pied des potentats et des roitelets illustrent la monstruosité de leur responsabilité criminelle à être engoncés dans la hantise du bien matériel exclusif. Partout sur le continent, nous voyons des déficiences et des tares intellectuelles s’afficher dans des circonvolutions argumentaires et baver de juridisme pestilentiel pour couvrir des palais totalitaires dans nos pays cassés, ruinés et malades d’une « démocratie introuvable ». La sénégalaise Mariama BÂ a tout à fait raison d’écrire dans Une si Longue Lettre : « L’appétit de vivre tue la dignité de vivre ».
Comment peut-on être universitaire et justifier une mitraillade dans une foule de manifestants aux mains nues, valider par des cabrioles argumentaires l’usurpation du pouvoir, le drame absolu d’un détraqué qui s’adosse aux armes de guerre pour massacrer son propre peuple, confisquer le pouvoir, accaparer les richesses du pays avec une véritable mafia en République ?
L’éducation à l’éthique, aux valeurs disparaît à mesure que le discernement se noie dans la fange conceptuelle du gain à n’importe quel prix. Ceux qui se font passer pour des leaders africains et les faux monnayeurs de diplômes se sont si grandement déshumanisés qu’ils ne méritent aucune considération, parce qu’ils infectent de leur pacotille morale tout le continent de la corruption, de rapine, du vol… L’exemplarité développe le principe d’identité, c’est-à-dire, des modèles de proximité absolument nécessaires à l’émergence des talents. Au Togo, par exemple, deux millions d’âmes valides ont vidé le pays en l’espace de vingt ans à cause d’une famille qui transforme tout un pays en une maternité où ne grandit pas un enfant. L’avenir n’est plus sur le territoire national. Tout le continent est maintenant à la mer méditerranée et nos richesses sont convoyées pour enrichir un ailleurs qui ne veut pas de noms
2) Affrontons notre conscience coupable, démantelons le syndicat du crime, réinventons l’avenir
Il y a dans les hommes deux instincts qui, au fouet de l’engagement, changent la vie: la libido et l’instinct de conservation. Mais, le tranchant dont se revêt le dernier face à l’exaspération ne permet à aucun tyran, aucun dieu de résister à la rage féconde de liberté. La cuirasse de l’espérance se cultive à mesure que la vie s’essouffle et s’éteint dans l’horreur du crime. Les hommes et les peuples se condamnent à l’action salutaire, à l’exploit par nécessité. Lorsque tout un peuple se pique à l’insurrection de la conscience, sa responsabilité envers lui-même s’érige en une muraille d’engagement, de choix d’âpreté pour des résultats inespérés. Les Etats-Unis d’Amérique ont lamentablement échoué au Vietnam par la seule Volonté populaire. La France a abandonné son entreprise de confiscation des puits pétroliers en Algérie sous la puissance de résistance solidaire d’un peuple
Nous devons avoir conscience que les criminels de l’extérieur ont des éclaireurs et des associés de l’intérieur. Ce cran de conscience nous permet de compter sur nous-mêmes dans un combat généralisé proprement citoyen de libération. Si nous diffusons abondamment les crimes organisés contre nos peuples avec des explications simples, édifiantes distillées dans l’esprit du plus grand nombre, nous réussirons la grande œuvre de mettre hors de nuisance la pègre politique qui décime nos vies. Il ne s’agit nullement de livrer la guerre à des filous et leur système pour permettre à d’autres criminels de prendre leurs places. La société civile doit trouver toute sa place en tant que contre-pouvoir dans un nouvel horizon démocratique de surveillance citoyenne. Il nous revient de concevoir une rupture active et de la mettre à l’épreuve du progrès qui transcende les médiocrités et les connivences des tyrans avec leurs maîtres et des rhétoriciens qui prennent maladroitement leur défense pour des honoraires maudits, engorgés de sang. On voit bien qu’au Sénégal, au Burkina-Faso, en RDC, au Togo, l’ancre d’une nouvelle génération de la société civile est dans les eaux du quai démocratique avec des armes loyales qui portent la conscience souveraine des peuples. Cette phase de propagation assumée de la responsabilité du citoyen est ce que MEMMI nomme l « urgence de la révolte » et qu’il apprécie fort bien: « La révolte contre le père est un acte sain et indispensable à l’achèvement de soi. Elle permet de commencer une vie d’homme »
Les Africains doivent effectivement commencer une vie d’homme. Comment la commencer sans s’éduquer, se former, se définir, et s’approprier les principes nouveaux de fertilité et d’efficacité qui nous renversent pour nous régénérer? Quel type d’Africain peut-il porter le développement sur la base éthico-morale, du respect de l’ « humain patron », des vrais savoirs endogènes et de l’inclination pour la recherche scientifique, du respect de lui-même et des autres avec l’exploration des opportunités nouvelles des énergies renouvelables?
Donnons une puissance prioritaire au sérieux dans un culte de la vérité, de la justice, du mérite par la rigueur de l’éducation. Notre châssis d’une nouvelle ère est la responsabilité fortifiée par la culture de la bonne action pour changer notre environnement, nos pays, notre continent.
Que nous est-il permis d’espérer en laissant les pieuvres et la racaille universitaire, des faux-monnayeurs du savoir prêter leur assistance de crapules à des médiocres supérieurs assis sur des républiques-comptoirs des maîtres de la criminalité?
Debout, toute l’Afrique au galop dans une forteresse solidaire qui ne laisse aucune chance à la pègre politique de se pérenniser sur le continent. Et de notre sérieux et de notre responsabilité assumée nous réussirons à mettre sur l’échafaud et à vous débarrasser des faiseurs de merde qui trouvent leur aise dans nos pays.
Source : www.icilome.com