Faure Gnassingbé et ses équipes gouvernementales et militaires refusent de mettre en œuvre l’ Accord politique global (APG) signé à Lomé, le 20 août 2006. Onze ans après, la gouvernance du dilatoire a conduit à ce que les principales réformes politiques prescrites par l’APG soient systématiquement retardées par des préalables interminables. Qu’il s’agisse de la limitation du mandat, du mode de scrutin, de la question du contentieux autour du code électoral, bref des moyens d’assurer une vie démocratique s’appuyant sur la vérité des urnes au Togo, rien n’a bougé.
1. Le Bougisme : Comment faire du surplace
Les formations politiques et les représentants des confessions religieuses ne sont pas neutres dans cette histoire. Au demeurant, le statu quo semble les avantager, puisqu’apparemment, ce statu quo semble servir autant de monnaie d’échange que de chantage à double face. En onze ans, la force militaire brute du Togo, la couardise des représentants religieux, et la distribution ciblée de l’argent cash, témoignent des intentions et de la capacité du pouvoir en place comme de la dite opposition compromise, à faire du bougisme. Tout bouge pour faire du surplace. Mais rien ne change.
2. L’Accord Politique Global : Vintage ?
Alors, bien sûr, il suffit maintenant de confier le soin à une commission étrangère payée par le pouvoir en place de suggérer que l’APG est « vintage » pour le déclarer caduc. Est-ce la fin ? Pas du tout ! Un nouveau contenu permettant de renforcer l’autocratie, la déresponsabilisation de certains opposants aveuglés par l’argent devrait émerger avec un consensus général de ceux qui se tiennent tous par la barbichette. Alors le peuple dans tout ceci ? Avec une grande majorité qui ne comprend pas ce qui arrive et une partie qui profite de ce qui arrive, le Togo ne pourra se réveiller qu’à l’aune d’une prise de conscience populaire collective y compris avec la Diaspora. Mais la réalité est que les forces anti-républicaines militaires qui gangrènent l’armée togolaise devraient pouvoir être purgées. Comment ? Nul ne sait sauf Dieu !
3. Faut-il des experts rwandais pour rouler le peuple togolais ?
Entre le 13-17 février 2017, une délégation d’experts rwandais s’est rendue à Lomé pour une réconciliation unilatérale demandée et payée par Faure Gnassingbé. Ils tentent de s’appuyer sur une approche de la décentralisation. Mais celle-ci semble s’apparenter à de la déconcentration du pouvoir. Les experts se proposent d’impliquer les citoyens dans la vie politique. Mais là encore, il s’agit de la partie du peuple qui s’aligne sur les positions de Faure Gnassingbé et son parti UNIR (Union pour la République). Alors, ces experts rwandais travaillent-ils pour mieux enfoncer et rouler le peuple togolais dans la farine de manioc ?
4. L’hypocrisie, un sport national
À ce jour, il faut noyer le poisson en nommant une commission de réflexion qui ne donne qu’un avis non lié. C’est l’occasion pour d’anciens ministres et des professeurs d’université de se faire de l’argent facile. La Présidence assurée par Amadou Abdou-Nana Awa-Daboya, permet d’ailleurs un cumul de salaire avec d’une part la direction du Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’Unité nationale (HCRRUN) et au renforcement de l’unité nationale [1] et d’autre part la fonction de Médiateur de la République. Rappelons tout de même que la mission du HCRRUN se limite à « la mise en œuvre des recommandations et du programme de réparation élaborés par la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR)[2] ». Mais la CVJR avait pour objectif principal « d’œuvrer à la réconciliation nationale, à la paix civile et à la stabilité politique ». Pour ce faire, ni le HCRRUN, ni le CVJR ne pouvaient toucher au fond du dossier, à savoir l’impunité pour le régime et le système de Faure Gnassingbé.
C’est d’ailleurs une bonne l’occasion pour cette Présidente du HCRRUN d’oublier de parler de vérité des urnes, puis d’enchaîner sur la construction de l’État de droit selon la pensée Gnassingbé. Du coup, les discours sur le renforcement de la cohésion nationale et les réformes sans une adhésion des Togolais sonnent creux, comme un renouvellement de l’hypocrisie générale au Togo, une sorte d’esprit d’amnésie qui empêche de voir la réalité des faits.
5. À qui profite un Accord Politique Global de 2006 non mis en oeuvre ?
Par ailleurs, les nombreuses et secrètes compromissions de certains membres de la dite opposition politique, de la société civile, des ecclésiastiques de tous bords et de certains journalistes, plus intéressées par des intérêts personnels, souvent alimentaires, ne peuvent être passées par « pertes et profits ».
Suite à des élections présidentielles et législatives non conformes à la vérité des urnes, l’Alliance Nationale pour le Changement, l’une des formations parlementaires de la dite opposition togolaise, se cramponne à l’exécution scrupuleuse de l’APG de 2006 parce qu’il a été signé entre l’opposition, le pouvoir et la société civile. Mais si chacun sait que Faure Gnassingbé n’a pas honoré sa signature depuis 11 ans, et qu’il ne le fera vraisemblablement pas dans le futur, il faut s’interroger sur l’intérêt qu’il y a pour certains partis politiques dits de l’opposition, comme ceux soutenant Faure Gnassingbé, de faire semblant de procéder à des consultations afin :
au pire, de mettre fin à ce fameux accord APG sur la base d’une affirmation unilatérale d’obsolescence ; ou
au mieux, accepter de mettre en œuvre l’APG mais selon le calendrier d’un escargot, tout en assurant que ceux qui insistent sur la mise en œuvre continuent à ne pas avoir faim.
Comme l’ensemble du peuple togolais n’était pas représenté dans l’APG et que les commissions locales choisies et payées par Faure Gnassingbé ne proposent rien de nouveau, ni d’identifier le véritable coupable du blocage de la mise en œuvre des APG, Faure Gnassingbé a choisi sa méthode favorite : la gouvernance du dilatoire. Il s’agit d’abord de perdre du temps en passant par des groupes d’experts nationaux et internationaux grassement payés par lui.
Pour tenter de lever les soupçons, celui qui est à la tête du Togo a choisi le Rwanda comme le meilleur exemple d’un développement accéléré et le meilleur exemple de modification de la Constitution pour rester au pouvoir sans limitation de mandat, dès lors que « le peuple le souhaite »… Faure Gnassingbé est le seul autocrate encore en activité dans la sous-région afrique de l’ouest depuis le départ précipité et forcé de l’ex-Président de la Gambie, Yahya Jammeh, par 7 000 militaires de la CEDEAO. Apparemment, il semble s’être vengé par des voies étranges puisque « radio trottoir » attribue la mort du fils de 8 ans du nouveau Président élu, dévoré par quatre chiens pitbulls à des règlements de compte ésotériques [3].
Compte tenu du niveau délétère du climat et de l’environnement des affaires au Togo, il faut croire que les experts Rwandais, payés par Faure Gnassingbé, ont pour mission de trouver rapidement comment proposer et faire avaliser par la dite opposition, un nouvel Accord politique.
Mais, en réalité, ne s’agit-il pas simplement de demander aux uns et aux autres, combien il faut leur payer pour permettre d’avaliser ce nouvel accord politique glauque ?
6. Le Rwanda, un modèle pour le Togo ?
Mais le Rwanda, n’est-ce pas l’apologie de l’autoritarisme qui semble trouver une part de justification dans la réussite économique malgré un enclavement et un manque de ressources du sous-sol ? Certainement. Mais le Rwanda c’est aussi la rigueur en matière de gouvernance économique et d’endettement. Sur ce point, le Togo ne lui arrive pas à la cheville. Avec un taux de croissance économique par habitant de 2,5 % en 2016, bien en dessous de 3,4 %, la moyenne de l’institution sous-régionale l’Union économique et monétaire de l’Ouest-africaine, le Togo se retrouve avec un endettement de 75 %. Le Rwanda avec un taux de croissance par habitant de 3,9 % pour la même année, bien au-dessus de 2,3 %, la moyenne de l’institution sous-régionale dite Marché commun de l’Afrique orientale et australe, plus connu sous son acronyme anglais COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa).
Mais au demeurant, est-ce que le Rwanda a réussi la réconciliation entre les peuples Tutsi, Hutu et Twas ? Vraisemblablement pas, puisque l’opposition n’y est pas tolérée. Est-ce que le Rwanda a réussi à opérer des réformes politiques et institutionnelles qui satisfassent le pouvoir en place ? La réponse est affirmative. Enfin, est-ce que le Rwanda a réussi la réconciliation ? La réponse est mitigée, pour ne pas dire oui tant que l’autocratie primera sur une véritable pluralité d’opinions et de représentativité. Alors, est-ce que le Rwanda est un modèle pour le Togo pour ce qui est de la mise en place de nouvelles réformes politiques, institutionnelles et électorales ? La réponse est non.
Enfin, est-ce que le Rwanda est un modèle pour la réconciliation ? La réponse est évidemment aussi non. Alors à quoi joue Faure Gnassingbé ? À gagner du temps et préparer les élections de 2020. En attendant, il refuse toujours de se faire conseiller par la Diaspora togolaise indépendante [4], tout en refusant de la recenser. Pire, il refuse aussi de procéder aux élections locales en usant et abusant de la gouvernance du dilatoire. Alors, la signature de Faure Gnassingbé, vaut-elle quelle que chose aux yeux du peuple togolais ? Vraisemblablement, Faure Gnassingbé lui-même n’a fait que des vœux de fin d’année qu’il ne tient quasiment jamais. Donc c’est clair, sa signature n’engage que ceux qui y croient. Mais alors la parole de Gnassingbé ? Une parole de « gentleman » ? Vraisemblablement pas. Puisqu’il n’honore pas non plus sa parole. Mais alors, il honore qui ? Ceux qui l’ont mis à ce poste et d’ailleurs semblent bien le soumettre à un chantage simple : « Si tu démissionnes, on devient quoi ? Alors tu restes… »…
7. Le peuple Togolais doit d’abord exiger la Vérité des Urnes
Aussi, la crise togolaise ne peut se résoudre par des conciliabules d’experts nationaux et étrangers alors que c’est le peuple togolais que l’on prive de son droit à trancher les crises et conflits en promouvant la contrevérité des urnes au Togo.
Donc pas de réformes véritables avec ou sans l’APG sans un peuple qui exige la vérité des urnes. Certains partis politiques dits d’opposition ne se rendent pas compte du niveau de rejet dont ils sont l’objet au sein de la population togolaise. Espérons que tout ceci ne finira pas mal et aux dépens du peuple togolais. Pourtant il suffit que tous ces acteurs du passé démissionnent ! Car le vrai « vintage [5] », ce n’est pas l’accord Politique global comme l’affirme le pouvoir togolais, mais c’est bien Faure Gnassingbé qui est « vintage ». Au lieu de chercher à dévoyer l’APG, Faure Gnassingbé devrait se demander s’il n’est pas celui qui empêche le peuple togolais de dormir tranquille… YEA.
Dr Yves Ekoué Amaïzo.
Coordonnateur CVU-Togo-diaspora
18 février 2017
Notes:
1- Voir site official du Haut-commissariat à la réconciliation et au renforcement de l’Unité nationale (HCRRUN), http://hcrrun-tg. org/
2- Voir le site de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), http://www.cvjr-togo .org/fr/index.html et le rapport final Volume 1 daté du 3 avril 2012 et portant sur « les activités, le rapport d’investigation et les recommandations », http://www.cvjr-togo .org/document/Rapport-Final-CVJR-TOGO.pdf
3- Ndiaye, A. (2017). « En Gambie, quatre pitbulls ont tué le fils du président élu, peu après sa fuite au Sénégal ». In Le Monde. 19 janvier 2017. Accédé le 18 février 2017. Voir http://www.lemonde. fr/afrique/article/2017/01/19/en-gambie-quatre-pitbulls-ont-devore-le-fils-du-president-elu-peu-apres-sa-fuite-au-senegal_5065104_3212.html
4- Kossi, T. (2017). « Togo De la nécessité pour la Diaspora togolaise de s’impliquer ». In Liberté Hebdo. Accédé le 17 février2017. Voir http://news.icilome .com/?idnews=833114&t=de-la-necessite-pour-la-diaspora-togolaise-de-s-impliquer
5-Republicoftogo.com (2017). «Réformes : l’ANC brandit un accord vintage ». In Republicoftogo.com. 8 février 2017. Accédé le 17 février 2017. Voir http://www.republicoftogo .com/Toutes-les-rubriques/Politique/Reformes-l-ANC-brandit-un-accord-vintage
27Avril.com