La faillite du contrôle de la constitutionnalité au Togo

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Existent-ils encore des organes de contrôle de la constitutionnalité au Togo ? Les deux institutions désignées sont devenues si invisibles que les violations prospèrent dans presque tous les secteurs de la République. Mais jusqu’à quand cette situation de déni constitutionnel va-t-elle prospérer ?

Au Togo, il revient au ministère chargé des relations avec les institutions de la République et à la Cour constitutionnelle de veiller au bon fonctionnement des institutions républicaines. Sauf que ces deux institutions brillent plus dans la proclamation des résultats des élections et le maintien d’une partie de la classe politique au pouvoir que pour la tâche principale qui leur est dévolue.

En se basant sur certains cas, on constate par exemple que, s’agissant de la première institution qu’est la présidence de la République, au lieu que ce soient les hommes qui passent et les institutions qui demeurent, c’est plutôt au phénomène inverse auquel on assiste : les institutions sont modifiées pour que demeure un seul homme au pouvoir.

S’agissant de la révision constitutionnelle de mai 2019, le ministère en charge des relations avec les institutions de la République et la Cour constitutionnelle auront sur la conscience la gymnastique par laquelle en lieu et place d’un référendum, c’est plutôt à un simulacre de modification par voie parlementaire que les citoyens et le monde entier ont assisté ; tout simplement parce que la voie référendaire serait synonyme d’échec pour le régime.

Petit rappel de l’histoire

La modification constitutionnelle est vivement critiquée par l’opposition, en particulier la non-rétroactivité de la limitation du nombre de mandats, qui permettrait à Faure Gnassingbé, président depuis 2005, de se représenter en 2020 et 2025.

Pour être adopté par seule voie parlementaire, un projet de révision de la constitution doit être adopté à la majorité des 4/5 des 91 membres du parlement. Le 19 septembre 2017, cependant, le projet ne réunit que 62 voix sur 91, toutes provenant du parti présidentiel, l’Union pour la République (UNIR). L’opposition ne participe pas à la séance, l’Alliance nationale pour le changement (ANC) estimant qu’il s’agit d’un « simulacre de plénière ». La majorité des trois cinquièmes ayant été atteinte, le projet de révision est néanmoins valide pour un passage par voie référendaire.

Initialement, le gouvernement comptait sur une organisation du scrutin avant la fin de l’année, mais l’opposition le contraint à entamer préalablement un dialogue, repoussant le scrutin à 2018. Le 19 septembre 2018, la Ceni annonce finalement la tenue d’un référendum le 16 décembre, le même jour que les municipales et quatre jours avant les législatives, sans toutefois en préciser le contenu exact.

Les élections municipales sont cependant repoussées au 30 juin, et le référendum annulé. Le parti présidentiel, UNIR, sort vainqueur des élections législatives de 2018 boycottées par une grande partie de l’opposition à la suite d’irrégularités dans la préparation du scrutin et au refus du président Faure Gnassingbé d’abandonner définitivement son projet de révision constitutionnelle. Initialement vu comme un semi échec car ne permettant pas avec 59 élus sur 99 à recueillir la majorité des quatre cinquièmes des sièges nécessaires à une modification constitutionnelle par seule voie parlementaire, le régime parvient cependant à convaincre les partis alliés et les indépendants à voter son projet. Le 8 mai 2019, la révision est votée par 90 voix pour sur 91.

La Cour constitutionnelle est demeurée atone durant ce processus, sans jamais hausser le ton pour recadrer le pouvoir, la frilosité s’étant saisie de ses membres, par intérêt ou par lâcheté. Ailleurs, on aurait assisté à autre chose que ce cinéma qui est resté indigeste pour le commun des Togolais. Et rien ne dit que ces deux institutions élèveront de la voix si au bout de la rallonge des deux mandats qui sont offerts au locataire actuel de la présidence, un autre tripatouillage constitutionnel ne s’opèrera pas, toujours dans le but de garantir le pouvoir à vie à une seule personne : changer les institutions pour que demeure un seul homme.

Une Cour constitutionnelle qui s’est tue, se taira toujours !

Sur un terrain plus judiciaire, le silence de cette cour et de ce ministère a fait le lit à certains magistrats qui sont maintenus à leurs postes d’affectation pendant plus de dix ans en dépit de la directive du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui interdit à tout magistrat, quels que soient son rang et son poste, d’effectuer plus de quatre années à un seul poste. Aujourd’hui, on en connait qui sont dans leur 10ème année au même poste, tels des chauves-souris accrochés à des branches dont ils ne veulent se séparer pour rien au monde. Une situation qui crée des « embouteillages » dans la carrière de nombres de magistrats.

Mais lorsqu’on y voit de plus près, un constat dérangeant apparaît : la violation de la directive du CSM limitant à quatre années au plus à un poste semble l’apanage de magistrats « tout puissants », surtout syndicalistes de l’Association professionnelle des magistrats du Togo (APMT) au-dessus des lois : Tchiakoura Sanoka Guillaume, président de l’APMT, une association « aile marchante d’Unir », Tchamdja Kobauyah du service des nationalités, Idrissou Akibou de l’administration pénitentiaire, tous membres. Ah, détail qui vaut le détour, l’actuel président de la Cour constitutionnelle fut président de l’APMT. Ceci n’expliquerait-il pas cela ?

Même la Cour des comptes qui compte des magistrats n’échappe pas à ce laisser-aller dommageable pour l’image de l’administration togolaise. Des juges admis depuis des lustres à la retraite, mais qui continuent d’émarger sur le budget de l’Etat togolais, pendant que des jeunes nantis de diplômes triment pour trouver un emploi.

Quid de la haute cour de justice ?

Si les membres de la Cour constitutionnelle se voulaient des magistrats d’honneur, des juges « au-dessus de la mêlée », ils ne sauraient garder éternellement le silence sur cette autre incongruité constitutionnelle : l’inexistence de la Haute cour de juste prévue par la Constitution. Si ce n’est pas un aveu d’impuissance face à l’exécutif, ça y ressemble fort.

Parce que les prétendus représentants du peuple, par couardise et par crainte de se voir enlever leurs « pains mensuels », refusent de ne pas ouvrir les yeux sur l’organe devant poursuivre le président de la République ainsi que les « gros poissons » en cas de crimes économiques ou de liberté prise envers les deniers publics, la Cour constitutionnelle avec à sa tête son président n’osent pas interpeller dame Victoire Tomégah-Dogbé et Faure Gnassingbé sur cette « honte constitutionnelle ».

La Haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HAPLUCIA) n’a pas compétence à connaître des crimes économiques commis par les ministres, les hauts magistrats et autres gros poissons. Seule la Haute cour de justice a ce pouvoir. Mais allez demander à Aboudou Assouma, à Tsegan Yawa et compagnie les raisons pour lesquelles personne ne veut ouvrir cette boîte de pandore. De quoi se demander où se trouve l’esprit patriotique et républicain des dirigeants togolais.

Godson K.

Source : Liberté / libertetogo.info

Source : 27Avril.com