La Déraison Au Pouvoir

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La Déraison Au Pouvoir

« Moi, je dis que les bonbons
Valent bien mieux que la raison ».
J’entends la comptine enfantine
Mais n’entends pas qu’un homme d’âge mur,
Soit d’un entendement aussi dur
Qu’il nous tourmente, nous assassine
Devienne sanguinaire, farouche
Pour garder son bonbon en bouche,
Un adulte, oui, je suppose
Qui ne veuille pas entendre la chose
La plus commune aux humains,
Qu’on nomme simplement limite,
Ce qu’un enfant nie et évite
Pour s’accrocher de toutes ses mains
Des pieds, s’il le faut, au bonbon.

Mais il y a un peuple qui marche
Et même un prêtre patriarche
Qui disent : le bonbon rend fou
Ils l’ont dit le Dix-neuf Août
L’Enfant répond : « Non et non ! »
Trépignant furieusement,
Grondant comme un torrent.
« Même s’ils sont un million
Je ne cède pas mon bonbon
Mon père a tué pour ça
Je suis la voie de papa ».

Croyant son bonbon tombé
Il crie à tous, le bébé :
On le lui rend ou il meurt !
Là, tout le monde prend peur.
L’évêque lui dit, paternel :
« Trop de bonbon rend malade »
Mais prenant un accent cruel
L’Enfant menace : « Je meurs ou tue
Tout ce monde-là, dans la rue,
Voyez-vous, ne m’impressionne guère
Nous sommes en guerre !»
« Ce prêtre pour tous est un guide »
Lui murmure quelqu’un tout bas.
« Je ne l’écouterai pas ! »
Répète l’Enfant avec emphase.
« S’il continue, je l’écrase.
Je refuse d’être lucide. »
C’est donc bien un bain de sang
Que nous promet cet Enfant.

Un bain de sang, tout un fleuve !
Et il en a fait la preuve,
Dès son accession au trône.
Quiconque le sait en frisonne :
Des morts, des morts par milliers.
Le meilleur des héritiers
Rassurait le clan Klitchaa
Par cette grande action d’éclat


Tyrannique, la hantise de bonbon,
Poursuit toujours le garçon,
Qui alors, frileux, tue, torture
Quinze ans déjà que cela dure !
Cinquante-trois, de feu et de sang,
Avec le père, cela s’entend.
Le fleuve coule toujours impétueux
Et l’Enfant crie toujours : je veux !
Le fleuve devient toujours plus rouge
Mais qui ôterait de la bouche
De l’Enfant ce bonbon si doux ?
Nos foules sont en vain en courroux !

Même au prix du sang des enfants,
De leurs pères et de leurs mamans
Qu’est-ce que cela peut bien lui faire ?
C’est une guerre cinquantenaire
Ceux qui la livrent dès le départ
Au peuple citadin ou campagnard
N’hésitent, ne reculent devant rien
Pour protéger leur suprême bien,
Le sacré bonbon du pouvoir
Qu’ils font tout pour toujours avoir,
Cela n’est plus à cacher.
Il peut prendre un goût de citron
Quand l’adversaire veut l’arracher.
L’Enfant au bonbon somme sa bande
Ordonne que celle-ci le défende.
Ils sortent de partout par milliers
Envahissent écoles, ateliers.
Tout un peuple devient otage
D’un tragique enfantillage.
Klitchaa ! Klitchaa ! Klatchaa ! Klatchaa !
Le bonbon par-ci ou par-là.
Clamer que quinze ans de succion
Suffit, mérite mort ou prison.

« Le bonbon ne se partage pas,
C’est la leçon de papa
Qu’un homme ou un animal,
Un frère se pose en rival
Pour le bonbon, gare á lui !
Je le traite, pire qu’un ennemi
Mes hommes ne redoutent personne
Ils considèrent qu’en vain raisonne
Dans son ensemble l’opposition. »
Pour la faire taire, il n’y a qu’un mot :
Allons, Messieurs, à l’élection !
Oui, il le faut ! Oui, il le faut !
Répètent partout les protecteurs
Du bambin qui aime le bonbon.

L’enfant, naturellement, s’entête
Et souffle partout dans sa trompette
« Je veux mon bonbon, je le veux ! »
Écumant, crachant tous les feux
Bébé Klatchaa va faire la guerre
Tout comme hier la fit son père
Pour garder le bonbon clanique
Que ceux qui veulent nomment République.
Et les protecteurs de toujours
L’assurent en tout de leurs amours
Et d’année en année plus fort
Ne cessant de semer la mort,
Bébé Klatchaa chante sa comptine.
Ses soutiens d’ici et d’ailleurs
Lui disent : « Ne manque pas de faire mine
De te soumettre aux électeurs
Hi ! hi ! hi ! Démocratie.
On joue bien la comédie. »

Sénouvo Agbota Zinsou
25 novembre 2019

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