La question des réformes ne cesse de donner de l’imagination fertile aux partisans du maintien de l’ordre ancien. De l’APG au HCRRUN en passant par les CPC, Togotelecom 1, 2 et l’atelier de réflexion sur les réformes, les tenants du pouvoir de Lomé tardent à trouver l’alchimie pouvant conduire à des réformes convenables à leur aspiration. La tournée en rond finit par s’assimiler au mythe de Sisyphe, à un éternel recommencement sans issue.
À quoi ont servi les recommandations de la CVJR?
Pour amener les Togolais à se pardonner, à se réconcilier et à promouvoir la non-répétition des actes de violence connus par le passé, une mission a été confiée à la Commission Vérité – Justice – Réconciliation dont le coût avoisine dix milliards de nos francs. Au terme des travaux, des recommandations contenues dans le livre blanc ont été arrêtées et remises au gouvernement en vue de leur mise en application.
En effet, dans sa recommandation Numéro 5, la CVJR précise : « Les réformes institutionnelles doivent notamment viser la mise en place de mesures garantissant de meilleures conditions pour l’alternance démocratique. Il s’en suit que le mandat présidentiel devra être, à l’avenir, limité. À cet effet, la CVJR recommande le retour à la formule originelle de l’article 59 de la constitution du 14 octobre 1992 : Le Président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois ».
La recommandation Numéro 6, quant à elle, stipule : « Des réformes en profondeur liées aux élections et aux conditions de leur organisation devront être menées. Ces réformes qui devraient faire l’objet d’un débat national propre à dégager un large consensus viseront, entre autres : les modes de scrutins qui seront choisis de manière, d’une part, à toujours garantir l’élection du Chef de l’État à la majorité absolue des votants; d’autre part, à assurer une représentation fidèle de toutes les sensibilités politiques au parlement et dans les assemblées locales ».
Telles sont les recommandations sorties des travaux de la CVJR, recommandations qui datent de 2012. Pour être plus clair et explicite, les deux points du livre blanc cités plus haut recommandent la limitation de mandats présidentiels de 5 ans à deux et un mode de scrutin à deux tours. Plus de cinq ans après, ces recommandations sont restées coffrées dans les tiroirs et on tourne toujours dans tous les sens à la recherche d’une solution magique.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, le même gouvernement crée un nouveau cadre de réflexion qu’il nomme « Atelier de réflexion du HCCRUN sur les réformes ». L’objectif de cet atelier, selon la présidente même de cette structure, Mme Awa Nana, est de créer les conditions favorables à la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles au Togo. Elle va plus loin en ajoutant qu’au-delà de cet objectif immédiat, cet atelier permettra la prise en compte des réalités nationales, des bonnes pratiques en matière de réformes afin de pouvoir innover pour notre pays. Cela fait 12 mois jour pour jour que les conclusions de cet atelier ont aussi recommandé la limitation de mandats de cinq ans à deux et toujours le mode du scrutin à deux tours. Tout ceci était convenu après un consensus avec la participation des acteurs politiques, de la société civile, des personnalités religieuses, des experts internationaux et des chanceliers.
Au vu de tous les objectifs clairs définis par tous ces cadres déjà créés pour les seules réformes qui attendent depuis onze ans déjà (depuis 2006), on est tenté de se demander ce qui fait encore courir Awa Nana entourée du prof Kokoroko et Ayassor dans une tournée dénuée de tout sens.
Une mission mise à rude épreuve
Pour opérer les réformes, en toute franchise, les idées et recommandations émises dans les multiples cadres de réflexion sont déjà plus que géniales et largement suffisantes.
Ceci étant, tous les arguments sont bons pour justifier la tournée actuelle de la commission des réformes, sauf celui de recueillir l’avis des Togolais car ces derniers se sont déjà prononcés mille et une fois. Point n’est besoin de revenir sur l’enquête d’Afro Baromètre dont les résultats démontrent que près de 80% des Togolais veulent les réformes. Il en est de même du référendum de septembre 1992 où près de 97% des Togolais ont donné leur aval pour la constitution d’octobre 1992 qu’ils n’ont jamais souhaité modifier jusqu’à ce jour. C’est ce qui fait dire que la raison de la tournée d’Awa Nana se trouve ailleurs.
Et d’après les enquêtes et analyses, le pouvoir dans sa fuite en avant chercherait éperdument d’autres idées contraires à celles déjà consignées dans les différents accords et recommandations qu’il peine à mettre en œuvre. Tout porte ainsi à croire que cette tournée vise à forger un appui auprès des populations qu’on croit pouvoir manipuler facilement dans le but d’écrire une nouvelle constitution de la 5ème République pour une remise du compteur à zéro avec un mandat de 7 ans renouvelable, on ne sait combien de fois. Tout ceci, juste pour la conservation du pouvoir par la minorité qui pille infiniment les richesses du pays.
Malheureusement pour l’équipe d’Awa Nana, les populations ont encore réitéré leur volonté ferme du retour à la constitution de 1992, notamment à un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois et au mode du scrutin à deux tours. À vouloir chasser le naturel, il vous revient toujours au galop. Partout où passe Awa Nana, c’est toujours la même vérité qui l’accueille : « Nous voulons deux tours et la limitation de mandat. Il faut donner la retraite aux vieux pour laisser la place aux jeunes ».
Les informations provenant des débats lors des rencontres de Dapaong et de Tandjouaré viennent confirmer cette volonté du peuple togolais à vivre une alternance politique que le pouvoir RPT/UNIR empêche depuis un demi-siècle. Les informations provenant de l’étape de Kara ce lundi restent plus éloquentes. En plus de la volonté exprimée des participants de voir le mandat présidentiel limité, ils réclament la libération de Kpatcha Gnassingbé.
Et pour qu’elle puisse trahir ses intentions, la maladresse a poussé Mme Awa Nana à vouloir s’opposer à un mode de scrutin à deux tours en plein débat avec les populations de Dapaong. Elle estime que le Togo manque de moyens financiers pour l’organisation d’une élection à deux tours. Un arbitre qui joue au juge dès le début d’une tournée appelée à recueillir l’avis des populations. Quelle contradiction!
La présidente du HCRRUN a-t- elle déjà une idée arrêtée sur le mode de scrutin à adopter? Si tel est le cas, pourquoi encore une tournée? Certainement que le plan échafaudé par cette commission se heurte à l’opposition des Togolais qui disent non un énième complot contre le peuple. Cette tournée n’est pas seulement une mission impossible confiée à Awa Nana par son maître, mais aussi un gâchis de plus puisqu’on n’en a plus besoin.
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