La Chronique de Yves de Fréau : Les beaux souvenirs de Stephen Keshi et les Evangiles selon Claude Le Roy

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Le 8 juin 2016, le monde du football perdait l’un des entraineurs les plus charismatiques engendrés par l’Afrique. Il s’appelait Stephen Keshi et reste dans l’histoire du football togolais comme l’unique technicien à l’avoir amené le plus loin possible : une qualification surprenante pour une phase finale de coupe du monde. Celle de 2006 à laquelle il avait été méchamment privé par les dirigeants du football togolais de cette époque.

Sa promesse innocente et quelque peu imprudente à feu Gnassingbé Eyadéma de qualifier le Togo pour cette coupe du monde, ses discours, sa méthode basée sur le survoltage, et sa façon de surestimer les valeurs de son groupe, ont mis en confiance chacun de ses joueurs à tel point que, la Zambie, le Mali et même le Sénégal quart de finaliste de la précédente coupe du monde, se sont tous pliés face au fol appétit des Eperviers du Togo.

Un an qu’il s’en est allé, et tous les Eperviers qui ont eu le bonheur et le plaisir de bosser sous la conduite du « boss », sont toujours disposés à avouer qu’ils gardent toujours en eux le souvenir de ce sélectionneur venu de nulle part, et qui s’était toujours évertué à leur dire qu’ils possèdent eux-aussi deux pieds, deux bras, une tête tout comme les Brésiliens Ronaldinho et Ronaldo, les Français Zidane et Thierry, les Italiens Baggio et Maldini.

Poignant témoignage de Nibombé Daré, défenseur central titulaire de ce rendez-vous déterminant : « Plus mobilisateur, plus motivant que Stephen Keshi, tu meurs. Et moi j’ai toujours gardé l’image de ce match nul de deux buts partout réalisés à Dakar contre le Sénégal, et où les Sénégalais nous dominaient outrageusement. A peine 30 minutes disputées, et nous tous on était cuits. Nous avions marqué très tôt dans ce match, et après avoir égalisé et mis un second but, les El-Hadji Diouf, Mamadou Niang, Henri Camara, Aliou Cissé, Ibrahima Faye et autre Ferdinand Coly, nous faisaient voir de toutes les couleurs. On était débordés, dépassés…C’était comme on ne pouvait plus…j’ai entendu le coach nous dire de tenir encore 5 minutes, et que l’orage allait passer. Et comme par miracle, à l’arrivée de la pause, j’ai senti nos adversaires respirer plus vite que nous. J’ai lu comme une sorte d’inquiétude et de grande fatigue dans leur visage, et je me suis dit, c’est gagné ».

Cette rencontre représentait le choc du Groupe 1 de ces éliminatoires. Elle s’était soldée par un résultat nul 2 buts partout qui permit au Togo de garder sa première place, puis de se qualifier par la suite pour la coupe du monde. La rançon du courage, dirait le poète. Pour le simple littéraire il ne pouvait être question que, de triomphe d’un certain discours… Les deux reviennent au même, et en cette période anniversaire de la mort du concepteur de l’œuvre, triste moment qui coïncide avec les envolées fatalistes d’un autre sélectionneur du Togo nommé Claude Le Roy, il convient de croiser les discours : le technicien français avant de disputer sa dernière CAN en terre gabonaise sur le banc de l’équipe du Togo, n’avait jamais cessé de louer les mérites de ses adversaires…La Côte d’Ivoire championne d’Afrique, le Maroc et ses énormes potentialités, la RDC toujours solide et difficile à battre. Bref, le Togo devrait être le dernier du groupe. Ce fut fait. Naturellement ! Evangile selon Claude Le Roy.

De retour au pays, il était question d’apprêter les armes en vue d’une qualification pour la CAN 2019. Ceci apparaissait comme la principale mission assignée au technicien né deux années et 5 mois après la fin de la deuxième guerre mondiale. Pour son âge, la parole donnée devrait avoir un certain poids, mais, le « vieux » a décidé de n’en faire qu’à sa tête, reléguant au second plan son deal avec le président de la République Faure Gnassingbé. Désormais, il ne serait plus question de qualification pour la CAN 2019, mais plutôt de reconstruction d’une équipe pour le futur. Une équipe qui peut « perdre 0-3 contre le Nigeria sans honte, gagner les Iles Comores 2-0 avec une extrême joie, et réaliser (parole de Claude Le Roy), un bilan comptable moyen et un bilan de travail formidable » ; et qui pourrait se révéler bien faible face à l’Algérie « normalement ». Le Togo peut aussi continuer par faire sa chute vertigineuse au classement FIFA, Claude Le Roy n’en a cure. Puisque, ici au Togo, il lui est toujours permis de cracher comme de ces injonctions ci-dessous, tant pis si elles vont vers son prestigieux recruteur le Chef de l’Etat ou l’ensemble du peuple togolais : il faut être indulgent avec cette équipe et avoir surtout beaucoup de patience ! Evangile selon Claude Le Roy.

Comment avec ces envolées trompeuses, ne pas se souvenir des bonnes manières et des beaux souvenirs de Stephen Keshi ?

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