Oragroup, banque panafricaine dont le siège est à Lomé, a débuté mardi sa cotation à la BRVM, la Bourse régionale des valeurs mobilières basée à Abidjan ; elle est l’institution commune aux 8 pays de l’UEMOA.
Le patron de la Bourse, Kossi Félix Edoh Amenounve, présent au lancement, souligne dans l’entretien qui suit, que la capitalisation totale de la Bourse représente 13 % du PIB de l’UEMOA contre 5 % en 1998.
Republicoftogo.com : La cotation des actions d’Oragroup constitue la plus importante introduction à la BRVM depuis sa création en 1998. Est-ce un signe de maturité pour l’institution que vous dirigez ?
Kossi Félix Edoh Amenounve : La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) a été créée en 1996 et a effectivement démarré ses activités en 1998. Depuis sa création, la BRVM a parcouru un long chemin et mené des reformes qui renforcent l’attrait des entreprises ainsi que la confiance des investisseurs régionaux et internationaux.
Au cours de ces trois dernières années, notre Marché a enregistré des levées de ressources importantes par des groupes bancaires, notamment la Société Ivoirienne de Banque (SIB) avec 26 milliards de FCFA, CORIS Bank du Burkina Faso avec 36,7 milliards, NSIA Bank avec 34,5 milliards et Ecobank Côte d’Ivoire pour 45 milliards de FCFA. ORAGROUP a levé 56,9 milliards de FCFA ; c’est l’opération d’ouverture de capital la plus importante jamais réalisée à la BRVM.
Avec l’admission de toutes ces banques à la BRVM et de quatre autres sociétés, aujourd’hui, la capitalisation totale de la Bourse Régionale représente 13 % du PIB de l’UEMOA contre 5 % en 1998 et 10 % en 2010, avec 45 sociétés cotées. ORAGROUP sera la 46ème société cotée à la BRVM qui va porter sa capitalisation à nouveau au-delà de 5 000 milliards de FCFA. Cela constitue une avancée significative et un signe de maturité. Mais beaucoup reste encore à faire si nous voulons atteindre, dans 3 à 6 ans, le niveau minimum de 30 % du PIB comme dans les économies à forte croissance dans les autres régions du monde. Pour ce faire, il faudra une plus forte mobilisation des ressources des investisseurs institutionnels locaux (fonds de pension, caisses de retraite, compagnies d’assurance) et développer les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) pour collecter l’épargne des particuliers. Les entreprises de notre Union ont besoin de financement à long terme et veulent avoir l’assurance, qu’en face, il y a des épargnants qui pourront leur faire confiance.
Republicoftogo.com : La plupart des sociétés cotées à la BRVM sont de grandes entreprises. En revanche, très peu ou pas de PME. Comment s’y prendre pour attirer cette catégorie d’entreprises et pour séduire les investisseurs ?
Kossi Félix Edoh Amenounve : La création d’un compartiment dédié aux PME à la BRVM est récente. Elle date du 19 décembre 2017. Ce compartiment vise à permettre de mobiliser des ressources à long terme, pour le financement des PME à fort potentiel de croissance. Il n’attend que les promoteurs qui voudraient ouvrir le capital de leurs entreprises par la Bourse.
Afin de garantir le succès de son Troisième Compartiment, la BRVM a lancé en novembre 2017, le programme ELITE BRVM Lounge qui est une déclinaison du programme ELITE initié par London Stock Exchange Group. Ce programme vise à renforcer les capacités des PME en vue de leur admission à la cote. En 2018, la BRVM a lancé deux cohortes de 10 entreprises chacune et envisage en faire autant au cours de cette année 2019.
Le programme ELITE BRVM Lounge permettra d’avoir une meilleure visibilité sur le pipeline de PME qui ont pris l’engagement de se faire coter au terme des deux (2) années. Ainsi, la BRVM dispose d’un vivier de 20 entreprises déjà identifiées (Cohorte 1 et Cohorte 2).
Je voudrais saisir l’occasion qui m’est offerte pour lancer un appel aux PME togolaises à se rapprocher de la BRVM, à travers l’Antenne Nationale de Bourse du Togo, pour avoir plus de détails sur les conditions à remplir pour bénéficier du programme ELITE et se préparer à lever des ressources à la BRVM.
Republicoftogo.com : Les particuliers ne sont pas (encore) des boursicoteurs. Beaucoup estime que la bourse ressemble trop à un casino. Comment inverser cette tendance ?
Kossi Félix Edoh Amenounve : La Bourse n’est pas un casino. Ce n’est pas un lieu des jeux de hasard. La Bourse est une affaire sérieuse. C’est le baromètre d’une économie. Les investisseurs doivent avoir des comportements rationnels à la Bourse basés sur de l’information.
Il faut que cette perception de la Bourse change. La BRVM a engagé dans ce cadre des actions visant à renforcer l’éducation financière et à améliorer la culture boursière des populations de l’UEMOA.
La BRVM s’attèle à : susciter la création des clubs d’investissement ; renforcer le dispositif de formation du grand public dans les Antennes Nationales de Bourse (ANB) ; développer des coopérations avec les Universités et Ecoles par la signature de conventions de partenariat suivie d’ouverture de salle de marché qui permettra aux étudiants de se familiariser avec le système de cotation de la BRVM ; promouvoir le Marché via les plateformes numériques (site web, réseaux sociaux, application mobile, etc.).
Pour donner quelques chiffres, depuis 2013 : 68 clubs d’investissement ont été créés dans l’Union ; 19 161 personnes ont été formées gratuitement dans les ANB ; la BRVM a signé 34 conventions de partenariat avec les Universités et Ecoles de commerce ; et 14 éditions des Journées de promotion BRVM ont été organisées dans les pays de l’UEMOA.
Toute ces actions ont contribué à la progression du nombre de comptes titres ouverts dans les livres des SGI qui est passé de 109 621 en 2015 à plus de 130 000 en 2018. Par ailleurs, le nombre d’OPCVM est passé de 63 en 2015 à 107 en 2018.
Comme vous pouvez le constater l’attrait des investisseurs formés et « rationnels » constitue un défi majeur pour la BRVM. C’est un défi que nous devons relever pour avoir une Bourse moins volatile, plus efficiente et qui inspire confiance.
Republicoftogo.com : Le Togo vient de lancer son PND sur les 7 milliards d’euros nécessaires, 65 % devront être apportés par le secteur privé. La BRVM peut-elle, d’une façon ou d’une autre, avoir une capacité de mobilisation ?
Kossi Félix Edoh Amenounve : La mise en place d’un Programme national de développement (PND 2018-2022) par le Togo est à saluer. Il traduit la volonté du Togo d’adopter une démarche prospective et proactive pour un développement économique et social harmonieux. Le Togo rejoint ainsi les autres Etats de l’UEMOA, notamment la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin, le Burkina Faso et le Mali, qui se sont engagés dans cette dynamique il y a déjà quelques années.
Oui, le Marché Financier Régional et la BRVM vont constituer des sources de mobilisation des ressources pour le financement du PND du Togo à l’instar de ce qui se fait pour les autres Etats de l’Union. C’est pour cela que le marché a été créé.
A titre d’exemple, l’Etat de Côte d’Ivoire, dans le cadre du financement de son PND 2016-2020 pour lequel les besoins sont estimés à 9 000 milliards de FCFA, a fait le choix de couvrir 56 % de ce gap par une mobilisation des ressources internes dont environ 33 % via des émissions sur le Marché Financier Régional.
C’est la conjugaison des financements extérieurs traditionnels, du marché, des fonds d’investissement (private equity), des PPP, de la diaspora, etc., qui permettra d’assurer le succès du PND du Togo.
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