«…Aussi vrai que le pouvoir éternel n’existe pas, l’alternance politique est un fait obligé dans tout pays, pour tout régime, de tout temps! Le Togo ne peut pas échapper à la règle. Cela aura mis beaucoup de temps et on attendra encore un peu de temps, mais l’alternance est inéluctablement programmée, tout comme toujours, le jour se lève après la nuit…» (Kofi Yamgnane, 31 janvier 2022. Source: 27 avril.com)
La semaine des grands retours, pourrait-on tenté de dire. En effet, après un peu plus d’une semaine que Salifou Tikpi Atchadam, le leader du Parti National Panafricain (PNP), soit sorti de son silence, pour donner son point de vue sur la situation socio-politique de notre pays, c’est au tour du «grand-frère», Kofi Yamgnane de faire son retour sur la scène politique togolaise par un message-audio à l’endroit de ses compatriotes. Et on aurait comme l’impression que les deux hommes politiques se sont concertés avant de délivrer leurs messages respectifs. Comme Salifou Tikpi Atchadam, le franco-togolais, président du mouvement «Sursaut-Togo», considère que les élections ne sont pas adaptées à la lutte pour mettre fin à un régime de dictature, comme celui que nous subissons au Togo depuis plus d’un demi-siècle. Effectivement, après avoir constaté que la patrie serait en danger du fait de cette nouvelle constitution, si jamais elle était promulguée, et que Faure Gnassingbé nous entraînerait alors, sans notre avis, dans une monarchie où il serait roi et nous ses serfs ou esclaves sans aucun droit, Monsieur Yamgnane ne passe pas par quatre chemins pour fustiger toute participation à la moindre négociation, à la moindre élection que le peuple considérerait comme une traîtrise et une légitimation de la dictature. Selon lui, l’opposition togolaise devrait se référer au passé pour en tirer profit pour ne plus commettre les mêmes erreurs. «Aucune négociation ne peut libérer le peuple d’une dictature. Aucune élection n’a jamais permis aucun changement de pouvoir dans une dictature. C’est simplement factuel, l’histoire des hommes nous l’a démontré. Il ne nous reste que le rapport de forces. La force pacifique est de notre côté…»
Kofi Yamgnane estime que Faure Gnassingbé et son régime, par cette cette malencontreuse velléite de changement de la Constitution togolaise, a rendu un service inestimable au peuple togolais en le réveillant et en lui ouvrant les yeux, car il sait désormais que «quel que soit le régime installé, aux apparences démocratiques, celui-ci n’a qu’un seul but, habiller une dictature féroce avec les habits de la démocratie, afin de préserver le pouvoir à vie de son monarque…» C’est pourquoi dans son adresse aux Togolais, l’orateur a appelé à un grand mouvement populaire de libération, pour tout d’abord exiger la libération immédiate et sans conditions des nombreux prisonniers politiques qui croupissent depuis plusieurs années, et ensuite réclamer le départ du dictateur Faure Gnassingbé du pouvoir. Et il en appelle également aux Togolais de la diaspora pour que des manifestations soient organisées devant les ambassades du Togo, pour appuyer leurs compatriotes du pays. Le monde entier devrait être sensibilisé sur le calvaire que vivent les Togolais. Kofi Yamgnane compte sur l’union de toutes les forces vives et est optimiste que face à plus de 8 millions de Togolais en colère, la minorité autour du dictateur n’aurait aucune chance. Monsieur Yamgnane, le natif de Bassar, aborde ensuite dans son message le sujet tabou dont peu de leaders de l’opposition parlent à peine: il s’agit des citoyens togolais de l’ethnie kabyè, groupe éthnique auquel appartient le chef de l’état côté paternel. C’est un appel solennel qu’il leur lance et les invite à se mobiliser avec leurs frères et soeurs des autres ethnies du pays pour la libération du Togo, dont tout le monde sans exception, profitera des bienfaits. Kofi Yamgnane, dans son appel, n’a pas manqué de souligner les souffrances qui sont celles de nos frères kabyè, pourtant considérés, à tort, par beaucoup de Togolais comme des privilégiés, parce que le pouvoir politique serait de chez eux, alors qu’il n’en serait rien. En dehors de la minorité autour de Faure Gnassingbé, minorité représentée d’ailleurs par des membres de toutes les ethnies de notre pays, les Kabyè constituent les populations qui seraient celles qui manqueraient de tout, comme l’eau potable, des terres à cultiver, qui seraient méprisées, écrasées et qui n’auraient pas droit à la moindre contestation. Selon toujours l’homme politique, pour ne rien arranger à la situation, Faure Gnassingbé aurait semé la zizanie au sein de la communauté kabyè, dans sa propre famille d’abord, comme par exemple, l’emprisonnement depuis 15 ans de son demi-frère Kpatcha Gnassingbé, et ensuite dans l’armée où la persécution d’officiers kabyè ne manque pas avec le départ en exil d’Olivier Amah, de François Akila Esso Boko et de bien d’autres encore. En un mot, Kofi Yamgnane exhorte nos frères et soeurs kabyè à ne pas avoir peur du changement et à rejoindre le train de la contestation. Il les rassure qu’aucun Togolais ne serait animé d’aucun esprit de vengeance, et que tous les Togolais profiteraient au même titre de la liberté retrouvée et du développement pour tous.
Ce qui vaudrait également pour les militaires togolais auxquels le Franco-Togolais de Saint-Coulitz lance un appel pour qu’ils se sentent eux aussi concernés par la nécessité d’un changement de régime. Eux, qui seraient, selon Monsieur Yamgnane, «mal nourris, mal habillés, mal logés, mal considérés par leurs chefs les plus zélés et les plus jusqu’au-boutistes…» Les militaires togolais ne devraient pas oublier le lot d’humiliations, d’exploitations dont ils sont l’objet, sans oublier la persécution pour les plus récalcitrants d’entre eux qui sont réduits au silence par des arrestations arbitraires et des mises aux oubliettes. Kofi Yamgnane n’a pas oublié d’évoquer dans son message le crapuleux assassinat du Colonel Toussaint Madjoulba dans son bureau dans un camp militaire. Vu un tel lot de désagréments de toutes sortes dont sont victimes les militaires togolais, le président de Sursaut-Togo se demande jusqu’où ils peuvent encore supporter tout ça, et les encourage à permettre un changement pacifique qui profiterait à tous sans exception, et dont ils ne devraient pas avoir peur. Il les convie surtout à ne pas tirer sur leurs compatriotes pendant les manifestations.
Presque le même message est adressé aux Togolais du parti politique UNIR(Union pour la République), le parti de Faure Gnassingbé, donc du pouvoir. Kofi Yamgnane leur rappelle le manque d’avenir politique au sein de cette formation politique pas comme les autres. Penser vouloir changer le système de l’intérieur, ou prétendre que UNIR permettrait de travailler pour le bien-être des populations, ne serait que pure utopie, car le parti présidentiel serait un parti verrouillé, avec à sa tête un chef qui ne respecte ni personne, ni rien.Monsieur Yamgnane prend comme exemple, pour souligner le fait que Faure Gnassingbé ne recule devant aucune forfaiture pour son pouvoir qu’il veut à vie, ce vote en catimini dans la nuit du 27 mars 2024, où on avait fait voter 50 députés absents par de fausses procurations. Utilisés comme du bétail électoral, nos frères et soeurs à UNIR qui défendent encore ce régime pour des raisons ethniques ou financières, devraient savoir qu’ils seraient de moins en moins nombreux, et que le dictateur, au moment de sa fuite inéluctable, les laisserait seuls face à leur destin.
Né le 11 octobre 1945 à Bassar au Togo, Kofi Yamgnane obtient la nationalité française en 1975 et possède alors la double nationalité. Le 20 mars 1989, il est élu maire de Saint-Coulitz, devenant ainsi l’un des premiers maires noirs de France. De 1991 à 1993 il est secrétaire d’État chargé de l’Intégration auprès du ministre des Affaires sociales et de l’Intégration, sous la présidence de François Mitterand. En 2005, après la mort du président Gnassingbé Eyadema, il déclare vouloir se porter candidat à l’élection présidentielle. Il annonce sa candidature à l’élection présidentielle du Togo, pour finalement se retirer de la course. Il soutient ensuite le candidat unique de l’opposition et dénonce les trucages des élections du 24 avril 2005, appelant la communauté internationale à refuser toute reconnaissance du régime illégitime installé à Lomé. En 2009, il a annoncé officiellement sa candidature à l’élection présidentielle de 2010. Il fait campagne dans le pays malgré les difficultés créées par le régime en place (interdiction de tenir des meetings, pas d’accès aux chaînes de télévision, obligation de renoncer à sa nationalité française, etc.) Dans l’impossibilité de se présenter, il devient porte-parole du FRAC (une coalition de l’opposition togolaise), coalition dont Jean-Pierre Fabre est le candidat.
Aujourd’hui Kofi Yamgnane, ingénieur des mines, repose son pied dans le paysage politique togolais et promet, après avoir tant donné à son pays d’adoption, de se consacrer dorénavant entièrement à son pays natal, le Togo. «Après avoir construit tant de ponts et de routes pendant ma carrière professionnelle en France,…désormais je vais me consacrer à la construction des ponts entre les hommes sur la terre de mes ancêtres.»
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com