Kenya: regain de tension, au moins quatre morts

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Au moins quatre personnes ont été retrouvées mortes dimanche matin dans un bidonville de Nairobi où la découverte des corps gisant dans la rue a provoqué des échauffourées, à la veille d’une décision très attendue de la Cour suprême sur l’élection du 26 octobre.

Les quatre victimes – trois hommes et une femme – ont été découvertes dans le bidonville de Mathare, un des points chauds des violences électorales dans le pays depuis l’élection présidentielle du 8 août, annulée en justice, et la nouvelle élection du 26 octobre.

Le chef de la police de Nairobi, Japheth Koome, a précisé lors d’une conférence de presse que les quatre victimes présentaient des blessures infligées par des objets contondants et pour l’une d’elle à l’arme blanche. L’opposition affirme de son côté que les victimes ont été tuées par balles.

Dans la foulée de la découverte des cadavres, des échauffourées ont éclaté entre la police et des habitants en colère. Trois véhicules, dont deux bus de transport de passagers, ont été incendiés.

M. Koome a ajouté que des renforts policiers avaient été déployés dans le bidonville, ce que des journalistes de l’AFP ont pu constater, avec la présence notamment de camions équipés de canons à eau et de nombreux membres des forces de l’ordre.

En milieu d’après-midi, la situation demeurait tendue à Mathare tandis que dans le bidonville de Kibera (Nairobi) des heurts ont éclaté entre policiers et manifestants descendus dans la rue pour crier leur colère face aux événements de Mathare.

« Ce qui se passe est totalement inadmissible. Il s’agit de violences parrainées par l’Etat pour intimider les partisans de Nasa », la coalition d’opposition, a déclaré à Mathare le chef de l’opposition Raila Odinga, appelant autorités religieuses et communauté internationale à intervenir « avant que la situation n’empire ».

Selon un responsable policier à Mathare, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, des habitants en colère du bidonville estiment que ces meurtres ont un caractère politico-ethnique et accusent des membres d’un groupe criminel appelé Mungiki d’en être les auteurs.

Les Mungiki sont un redouté gang criminel kikuyu, l’ethnie du président Uhuru Kenyatta, qui fut actif dans les violences politico-ethniques de 2007-2008 et connu alors pour se prêter au racket et pour violemment défendre les intérêts commerciaux de leur ethnie.

Le terme Mungiki est désormais appliqué de manière large à des groupes de Kikuyu armés.

« Ce qui s’est passé n’a rien à voir avec des affrontements inter-ethniques » mais relève de la criminalité, a martelé M. Koome, sans toutefois donner de précisions.

La population du bidonville de Mathare est mélangée: des Kikuyu y cohabitent avec des membres d’ethnies Luo ou Luhya dont les leaders sont les principaux responsables de l’opposition, notamment son chef Raila Odinga, un Luo.

– La Cour suprême en arbitre –

La tension au Kenya a grimpé en flèche depuis vendredi et des violences qui ont fait trois morts par balles parmi des manifestants de l’opposition venus accueillir Raila Odinga, 72 ans, de retour d’une visite de dix jours aux Etats-Unis.

Les autorités avaient interdit tout rassemblement et la police a violemment dispersé les manifestants, faisant usage de gaz lacrymogènes, de canons à eau et de tirs à balles réelles, selon les images diffusées par les télévisions kényanes. La police a catégoriquement démenti ce dernier point.

Les violences de dimanche interviennent à la veille de la décision très attendue de la Cour suprême sur l’élection présidentielle du 26 octobre: la plus haute juridiction kényane est saisie de deux recours lui demandant d’annuler le scrutin.

C’est la même juridiction qui avait pris la décision, historique sur le continent, d’annuler la présidentielle du 8 août – déjà remportée par le sortant Uhuru Kenyatta – en invoquant des « irrégularités » dans la transmission des résultats.

A l’issue du nouveau scrutin du 26 octobre ordonné par la Cour suprême, M. Kenyatta, 56 ans, a été déclaré vainqueur avec 98% des voix au terme d’une présidentielle par un faible taux de participation (39%), notamment en raison du boycottage de l’opposition qui estimait que les conditions d’une élection crédible n’étaient pas réunies.

Le pays est ainsi plongé dans une crise politique qui dure depuis plus de quatre mois et qui affecte son économie, la plus dynamique d’Afrique de l’Est.

La crise a ravivé les douloureux souvenirs de celle de 2007-2008, lorsque le pays avait plongé dans les pires violences politico-ethniques (1.100 morts) depuis son accession à l’indépendance de la Grande-Bretagne en 1963.

Au moins 52 personnes, selon un décompte de l’AFP, ont été tuées depuis l’élection présidentielle du 8 août, sans compter les quatre cadavres retrouvés dimanche à Mathare. La plupart des victimes ont été tuées par balles dans la répression des manifestations de l’opposition dans ses bastions de l’ouest du pays et des bidonvilles de Nairobi.

CamerounWeb.com