Kénya: Dr Tatu Kamau lance une action en justice pour légaliser l’excision

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L’opposition à l’excision au Kenya est attestée en 1929, lors de protestations menées par des missionnaires britanniques. Ces protestations furent initialement l’objet de résistances de la part de populations autochtones, notamment des Kikuyu, le groupe ethnique majoritaire du pays. Notamment sous l’impulsion de la chrétienté, la contestation de cette pratique va progressivement s’étendre jusqu’à la population kényane et à partir des années 1980 et jusque dans les années 1990, le Président Daniel arap Moi s’oppose publiquement à la pratique. En 2001, la pratique est interdite pour les moins de 18 ans et en 2011, elle est totalement criminalisée. Cette décision légale est parfois promue par des représentants de populations autochtones où l’excision est traditionnellement pratiquée.

Face à cette décision se sont manifestées des voix dissidentes qui ne sont pas qu’issues des représentants de communautés traditionnelles. C’est le cas, par exemple, du Docteur Tata Kamau, une médecin kényane.

Le 17 janvier 2018, Kamau paraissait devant la Cour Suprême du Tribunal de Machakos, une ville située au sud du-est de la capitale du pays, Nairobi. Elle avait lancé une action en justice pour légaliser l’excision dans le pays. Ses motivations sont de nombreux ordres. Culturelle, tout d’abord, puisque pour le Docteur Tatu Kamau, la criminalisation de la pratique pourrait être un précédent à une criminalisation des cultures du pays. S’exprimant au micro de nos confrères de Daily Nation, elle a déclaré :

« Si le Parlement peut essayer d’abolir une culture demain il pourra abolir la religion ou quelque chose d’autre. La loi anti-excision est un mauvais exemple d’essayer de micro-manager notre culture. »

Une autre motivation de Kamau dans sa volonté de légaliser l’excision est le droit qui devrait être alloué aux femmes adultes de décider librement de leur corps.

« Autant nous souhaitons protéger les jeunes filles, autant un grand nombre de femmes ont été harcelées et emprisonnées les trois dernières années. Une fois adulte, il n’y a aucune raison que l’on ne puisse pas [avoir le droit de] prendre cette décision. »

Kamau a exprimé sa volonté de voir les dangers de l’excision continuer à être vulgarisés comme c’est le cas de la consommation de tabac et d’alcool, sans pour autant que sa pratique par des adultes consentantes ne soit criminalisée.

L’action en justice de Kamau pour légaliser l’excision pour les femmes adultes et consentantes peut être à première vue être considérée comme une régression dans le combat pour les droits des femmes kényanes, particulièrement actives ces dernières années. Toutefois, il semble à mon avis s’inscrire dans la tendance générale du féminisme de la troisième vague qui prône le droit aux femmes de disposer de leurs corps comme elles le souhaitent, même si leurs conséquences étaient considérées comme nuisibles pour la condition de la femme selon les tenantes du féminisme radical de la vague précédente (pornographie, prostitution, etc).

Source : www.cameroonweb.com