Des individus habillés en noir, armés de gourdins et de machettes auraient tenté une « insurrection armée » et blessés des gendarmes et des policiers, en leur soutirant leurs armes. C’est ce que le Général Yark Damehame a déclaré samedi dernier au cours d’une conférence de presse. Des arguments qui ne convainquent pas l’Association des victimes de la torture au Togo (ASVITTO). Lire la déclaration !
DECLARATION RELATIVE A LA CONFERENCE DE PRESSE DU GOUVERNEMENT SUR UNE PRESUMEE ‘’TENTATIVE D’INSURRECTION ARMEE’’
L’ASVITTO CONSTATE DES ZONES D’OMBRE DANS LES ELEMENTS SERVIS PAR LE MINISTRE DE LA SECURITE ET SOUPÇONNE UNE MACHINATION A DES FINS POLITIQUES.
Le samedi dernier le gouvernement Togolais par le biais d’une conférence de presse, a informé l’opinion d’une présumée tentative ‘’d’insurrection armée’’ contre le pays et qui aurait été déjouée dans la nuit du 22 au 23 novembre 2019. Dans la présentation des faits, le Ministre de la sécurité affirme que les agresseurs seraient habillés en noir et munis de ‘’machettes, de gourdins ’’ et s’en seraient pris à une équipe de patrouille de la gendarmerie, à un commissariat de police et aux gendarmes qui gardaient une banque dans la ville de Lomé. Le Ministre affirme également que les agresseurs, dans leur tentative de prendre le commissariat d’Agoe-nyivé, auraient été repoussés.
D’abord, il est très surprenant, voire extraordinaire que les forces de l’ordre qui ont l’habitude de réprimer à balle réelle les auteurs de délits mineurs et contraventions comme les revendeurs de carburant dit ‘’frelaté’’ lors des opérations ‘’Entonnoir 2’’, ne puissent pas faire usage de leurs armes face à une ‘’tentative d’insurrection armée’’.
De plus, les militaires n’ont pas besoin de l’ordre d’un supérieur avant de faire usage de leurs armes lorsqu’ils se retrouvent devant une situation de légitime défense. Dans ce cas d’espèce, à ‘’deux heures du matin’’, c’est un temps de nuit, et face aux individus identifiés qui les agressent et tentent de leur arracher les fusils, il est incontestable que tout militaire ferait usage par réflexe de ses armes car la loi et le droit seraient de son côté parce qu’il s’agit d’un acte de légitime défense reconnu par les normes onusiennes de maintien d’ordre. Autrement dit, si les faits sont avérés, ce seraient des circonstances pouvant justifier l’utilisation des armes à feu conformément aux Normes Relatives aux Droits de l’Homme et leur Application Pratique qui affirment que : «les armes à feu ne doivent être utilisées qu’en cas de légitime défense », « ou pour défendre des tirs contre une menace imminente de mort ou de blessure grave », «ou pour prévenir une infraction particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines. »
Ceci étant, il faudrait que le Ministre de la sécurité clarifie pourquoi les militaires n’ont pas fait usage des armes pour neutraliser les présumés agresseurs, de qui serait venu l’ordre de ne pas riposter et par quel moyen les prétendus agresseurs ont été « repoussés » du commissariat d’Agoè-nyévé ?
Pour l’ASVITTO, sans une clarification convaincante du gouvernement, il est permis de soupçonner la réédition d’un complot destiné à neutraliser les activités du Front Citoyen Togo Debout (FCTD) comme celui du dossier des incendies des marchés de Kara et de Lomé qui avait pour finalité de décapiter le regroupement du Collectif Sauvons le Togo (CST) avec la complicité de certains fonctionnaires internationaux.
La prétendue tentative d’agression armée serait une stratégie du dilatoire du gouvernement pour faire croire à la communauté internationale que l’opposition n’est pas dans la logique électorale, et ce serait un argument pour se délier de ses obligations de procéder aux réformes que réclament légitimement les acteurs crédibles, et également un motif pour la restriction des libertés de manifestations pacifiques et publiques afin d’étouffer les redoutables mobilisations des adversaires politiques.
Les menaces et intimidations à l’encontre de certains acteurs de la société civile sont une preuve que le gouvernement redoute également les actions de mobilisation du FCTD qui réclame plus d’espaces démocratiques et l’application des règles d’Etat de droit.
L’ASVITTO met en garde le gouvernement contre toute forme d’instrumentalisation inappropriée de l’armée à une période aussi sensible que traverse le pays et le tiendra pour responsable de toute situation d’instabilité qui adviendrait.
Elle regrette le regain de violences et persécutions sur les populations de Sokodé, violations qui se caractérisent par les violations de domiciles, chasse à l’homme, bastonnades et autres formes de torture enregistrées particulièrement sur les jeunes militants de l’opposition.
Fort de ce constat, l’ASVITTO s’étonne par ailleurs de l’appréciation faite par l’Union européenne à l’occasion de son 27ème dialogue avec le gouvernement Togolais tenu le 26 novembre 2019. S’agissant du processus électoral en cours, les conclusions de l’UE sont erronées car les réalités sur le terrain et à l’intérieur du pays sont les prémices d’une élection contestable pouvant débouchée sur les violences et l’instabilité au lendemain du scrutin. C’est pourquoi il est souhaitable de tenir compte des informations réelles et crédibles pour une analyse impartiale en vue des positions préventives et efficaces dans l’intérêt du pays.
Enfin, l’ASVITTO demande l’ouverture d’une enquête indépendante sur la prétendue tentative ‘’d’insurrection armée’’ et invite les autorités Togolaises au respect des règles d’équité entre les acteurs politiques pour le renforcement des fondements de la cohésion sociale.
Fait à Lomé, le 28 novembre 2019.
Pour l’ASVITTO
Le Président
M. ATCHOLI KAO Monzolouwè
Source : www.icilome.com