Le Togo, à travers l’assemblée nationale, vient de se doter d’un nouveau code foncier pour résoudre les nombreux litiges fonciers sur toute l’étendue du territoire national. Mais la question essentielle à se poser est de savoir si les nombreuses décisions controversées rendues par les juridictions seront désormais annulées. Ou bien doivent être appliquées parce que devenues définitives, c’est à dire ayant acquis autorité de la chose jugée et considérées comme des lois. De l’annulation de certaines décisions controversées des juridictions togolaises en matière foncière dépendra la préservation de la paix sociale. A moins que cette paix sociale n’importe pas au chef de l’Etat et son entourage.
Il y a quelque temps, certaines décisions comme celles concernant des collectivités de Davié sur la route de Tsévié et celles en faveur des Boby à Agoè Lomé ont montré toute la difficulté que ces genres de décisions créent tant en ce qui concerne les troubles à l’ordre que dans la confiance des Togolais en la capacité de leur justice à régler de manière légale ces litiges collectifs. La gourmandise des magistrats indélicats de tout grade, ajoutée à l’absence totale de contrôle et de sanctions contre ces juges conduisent à des situations compliquées, susceptibles de dégénérer un jour.
En effet une décision rendue par la Cour suprême est considérée comme définitive et devient une loi. Donc insusceptible de recours. Mais la question qui se pose en profondeur est de savoir s’il n’y a pas possibilité ou obligation d’annuler une décision de la cour suprême obtenue de manière frauduleuse.
En prenant le cas d’Agoè ou des délits de corruption ont été commis depuis la première instance –le juge ayant rendu la décision était affecté quatre mois auparavant, et pire, le plan aillant servi à rendre cette décision était faux avec toutes ses caractéristiques- jusqu’à la cour suprême –le rapporteur de la cour devenu aujourd’hui président de cette cour avait reçu en retour dix lots comme gratification-, il y a lieu de se poser la question de savoir si malgré tout, une telle décision doit être appliquée coûte que coûte.
Nous savons aujourd’hui qu’en France – les textes du Togo étant calqués sur ceux de la France -, une décision définitive rendue dans un pays étranger ne peut recevoir application que si cette décision est exempte de fraude et conforme à l’ordre public. Ainsi les magistrats, les officiers de police judiciaire, de même que les huissiers chargés de l’application de ces genres de décisions controversées doivent, au-delà des avantages financiers qu’ils peuvent en tirer, se demander d’abord si l’exécution ne pose pas un problème à l’ordre public, par les multiples fraudes qui ont émaillé la prise d’une telle décision. Lesquelles fraudes pouvant –mieux, devant- être combattues et dénoncées lors de l’exécution. L’obéissance à la loi certes, mais une obéissance raisonnée à la loi, car lorsqu’un ordre est manifestement illégal et fondé sur des considérations frauduleuses qui plus est, émanant du président de l’instance suprême judiciaire, il devient un impérieux devoir pour un fonctionnaire public qui le reçoit, d’y désobéir. Les personnes chargées d’appliquer ces genres de décisions doivent refuser tout simplement de le faire et ce ne sera que justice. Ainsi par cette désobéissance, ils préserveront l’ordre public et la confiance des populations en leur justice.
A Davié, il a suffi que des juges cautionnent le faux sur un immeuble litigieux pour que des collectivités et autres acquéreurs se retrouvent dépossédés de leurs biens fonciers acquis de haut labeur.
Dans ce litige, il nous est revenu que le père d’une certaine dame, Gavon Yawa devrait recevoir 3 hectares de terrain suite à un règlement à l’amiable par le chef d’alors. Mais par la suite, le document original du règlement aura été modifié par ses héritiers dont Gavon Yawa pour porter cette superficie à…162 hectares pour la succession. Et pour faire avaliser la forfaiture, les héritiers inventent un litige avec une personne qui n’est même pas de ce village, juste pour obtenir un jugement, un arrêt de la Cour d’appel et un arrêt définitif de la Cour suprême. Tout ceci avec l’aide de magistrats dont les noms apparaissent, pour peu qu’on s’intéresse à cet autre dossier. Depuis, on s’en tient à la décision de la Cour suprême comme étant inattaquable.
Le même scenario aurait pu se produire si à Agoè, il n’avait pas été mis en évidence que le président de la Cour suprême, Patrice Akakpovi Gamatho –le même qui a tranché à Davié- était juge et partie dans le litige. La décision de reddition de comptes et partage N°037/2009 du 9 janvier 2009 de la Chambre civile et commerciale du Tribunal de première instance de Lomé à laquelle avaient siégé : Wottor, Bakaï et le greffier Essodjolo Kpatcha.
La justice togolaise et le garant de son indépendance, Faure Essozimna Gnassingbé sont-ils injustes au point d’abandonner plus d’une centaine d’acquéreurs de bonne foi à la boulimie du président de la Cour suprême Patrice Akakpovi Gamatho ?
Nous avions déjà écrit sur cette affaire qui a jeté l’opprobre sur toute la magistrature du Togo. Le nouveau code foncier vient d’être voté sans que les représentants du peuple n’aient cherché à interpeller les initiateurs de ce code dont les populations attendent beaucoup. Mais si pour faire plaisir à une seule personne, la justice togolaise est capable de sacrifier les biens fonciers d’une centaine de personnes, il serait bon qu’on retienne que : quand les populations sont dépossédées de leur bien de la façon dont ont opéré des magistrats indélicats au rang desquels le président de la Cour suprême, il y a trouble à l’ordre public ; et que quand des jeunes s’organisent pour résister à l’action des huissiers et officiers de police judiciaire venus exécuter des décisions corrompues, il y a également trouble à l’ordre public. Alors, que le droit s’applique, peu importe les titres et peu importent les noms.
Faure Essozimna Gnassingbé, les populations attendent que tu réagisses, à moins que tu ne sois le protecteur du faux !
Ces deux affaires risquent de faire couler du sang si rien n’est fait. Car une chose est certaine, l’actuel président de cette cour suprême partira très bientôt à la retraite et plus l’enquête pour déterminer sa responsabilité sera retardée, mieux ce sera pour lui. Et après qu’il aura pris sa retraite –on parle de décembre prochain-, son successeur pourra recevoir des pressions ou des –incitations- pour faire appliquer ces décisions ô combien scélérates. D’où une fois encore, l’obligation pour le garant de l’indépendance de la justice togolaise de FAIRE QUELQUE CHOSE EN FAVEUR DU DROIT.
Alex KOFFIKAN/La Nouvelle N°0034 du 15 Juillet au 15 Août 2018
Source : www.icilome.com