La justice populaire, devrait-on l’appeler ainsi quand on sait qu’aucune justice ne peut être faite dans l’anarchie ? Entre condamnations verbales et inaction du système judiciaire, les Togolais se sucrent de plus en plus d’une violence atroce à l’égard de leurs concitoyens, ces derniers présumés voleurs, voués au supplice du feu.
Après une légère période d’accalmie, le lynchage et la mise à mort par le feu renaissent progressivement dans les rues de Lomé et ses environs. Les victimes sont essentiellement des présumés voleurs, torturés et brûlés vifs par des populations sans aucune autre forme de procès.
Ces scènes se font à visages découverts, parfois en pleines villes, souvent devant les agents des forces de l’ordre et de sécurités et des enfants. Pour des défenseurs des droits de l’homme, c’est une culture par excellence de la violence dans la société et surtout une grave atteinte aux droits des victimes qui n’ont eu ni droit à la présomption d’innocence, ni à un procès équitable.
Candidats à la torture, pourvoyeurs d’essence et d’allumette pour brûler vifs les présumés voleurs, tous ces hommes s’estiment irréprochables et habileté à ôter la vie à leurs semblables qui ne sont parfois que de purs innocents, ou des jeunes désœuvrés et affamés à la recherche de pitance. Ils vont jusqu’à brûler des enfants de moins de 18 ans.
En 2015, le Mouvement Martin Luther King, une association de défense des droits humains dirigée par le pasteur Edoh Komi a mené une sensibilisation dans les préfectures de la région maritime, notamment Vo, Lacs, Yoto, Zio et l’AVé d’une part ; et dans la capitale, surtout dans les quartiers Bè kpota, Adamavo, Adakpame, Agoe, Agbalepedo et les autres banlieues où le phénomène est plus fréquent et opérationnel.
Il faut y ajouter quelques condamnations verbales, sans aucune mesure concrètes pour dissuader cette chasse à l’homme par les populations, ou plutôt des criminels déguisés en « justiciers » sans aucun respect pour la vie humaine.
Dans une vidéo sur Youtube et autres réseaux sociaux, un Africain dénonçait la vindicte populaire en relevant ce paradoxe par lequel, des hommes d’Etats au Togo, qui prennent en otage l’avenir, la chance, les emplois bref les ressources du pays sans être inquiétés, pendant que la « basse société » soutient mordicus, la mise à mort de petits délinquants par des méthodes déshumanisantes, qui laissent conclure que le Togolais n’a aucun respect pour la vie de son frère.
Ils croient, ces « justiciers anarchistes », que ça n’arrive qu’aux autres jusqu’à ce qu’ils ne tombent dans une embuscade eux-mêmes un jour où quelqu’un les accusera à tort de vol, et sans être écoutés, quelqu’un extirpera de l’essence de sa moto, un autre apportera un pneu et qu’une allumette sera offerte par un fumeur de passage pour leur mise à mort.
Le ministère de la Sécurité et de la Protection civile, et celui de la Justice se contentent pendant ce temps de cette phrase : « Nul n’a le droit de se faire justice ». Pourtant, les vidéos passent en boucle sur des réseaux sociaux avec des acteurs ayant opéré à visages découverts. Aucune autre forme de poursuite judiciaire n’est engagée pour dissuader les meneurs de ces crimes.
Par moment, il n’y a pas un seul jour à Lomé et ses environs, où l’on ne torture et ne brûle un présumé voleur devant femmes et enfants. Pourquoi s’étonner quand on apprend qu’un jeune ayant assisté à toutes ces scènes soit capable à son tour, de tuer son concitoyen et d’en extraire des organes et du sang pour des rituels sensé le rendre riche ? Ce n’est que le fruit d’une dévalorisation de la vie et de la dignité humaine, entretenue par une société anarchisée.
A. LEMOU
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