Jubilé d’étain des réformes en Marchés publics au Togo : Etat des lieux et perspectives

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Jubilé d’étain des réformes en Marchés publics au Togo : Etat des lieux et perspectives

En matière de dépenses publiques, à part les salaires, tout n’est qu’acquisition, faisait entendre Georges JANDOUN, Expert en Passation des Marchés Publics à la Banque Mondiale. En effet, pour la satisfaction des missions de Service Public et l’amélioration du cadre de vie des populations, l’Etat conclut des marchés de travaux, de fournitures ou de services ou encore de prestations intellectuelles.

Les dépenses effectuées au titre des marchés publics consomment une part très importante du budget de l’Etat, raison pour laquelle il est primordial qu’elles soient encadrées par des procédures garantissant l’efficacité de la dépense publique.

Au Togo, depuis 2009, le système national des Marchés Publics a connu une revalorisation avec l’adoption de la loi n°2009-013 du 30 juin 2009 relative aux Marchés Publics et Délégations de Service Public, ainsi que de plusieurs décrets.

Il faut rappeler que cette revalorisation a été faite à la faveur du renouveau réglementaire constaté dans la sous-région ouest africaine dans le domaine de la Commande Publique. Depuis 2005, un programme régional de réforme des marchés publics visant : l’amélioration des mécanismes de dépenses publiques, la professionnalisation des acteurs de la commande publique, le renforcement de la lutte contre la corruption, la promotion des PME, et l’optimisation des échanges intracommunautaires, a entrainé l’adoption d’une directive portant procédure de passation, exécution et de règlement des marchés publics et délégations de service public et d’une directive portant contrôle et régulation des Marchés Publics et Délégations de Service Public .

Dix ans après cette refonte majeure intervenue dans le système togolais des marchés publics, que faut-il retenir ?

Il est primordial de relever que l’adoption de la loi n°2009-013 du 30 juin 2009 relative aux Marchés Publics et Délégations de Service Public a avant tout scellé une rupture avec l’ordonnance du 04 août 1993 qui régissait les procédures d’achats publics au Togo.

Une analyse sommaire de certains éléments permet d’établir indubitablement que cette réforme a positionné le système togolais des Marchés Publics sur les standards recommandés par l’OCDE et les bailleurs de fonds à l’instar de la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement, quoique des défis restent à relever.

En termes d’avancées, la reforme matérialisée en 2009 par l’adoption de la loi régissant les Marchés Publics, s’est distinguée positivement de l’ordonnance de 1993 avec la séparation des fonctions de contrôle et de régulation. En effet, L’ordonnance de 1993 était caractérisée par un cumul de fonctions, organe de passation, de contrôle et de régulation. Un tel cumul était non seulement favorable à des situations de conflits d’intérêts, mais allait aussi à l’encontre des bonnes pratiques admises dans le domaine des Marchés Publics. La nécessité d’y remédier, de faire primer la transparence et d’éviter ces situations de conflits d’intérêts peu favorables à l’efficacité de l’achat public a milité au profit de la séparation desdits organes. L’instauration d’une Direction Nationale de Contrôle des Marchés Publics (DNCMP) le 30 décembre 2009 traduit l’effectivité de cette séparation salutaire. A côté de la DNCMP qui s’est distinguée par des contrôles efficients, il ne faut pas non plus occulter le rôle des Commissions de Contrôle des Marchés Publics mises en place au sein des Autorités Contractantes. Ces dernières sont d’ailleurs plus clairement définies et distinguées en deux catégories avec pour chaque catégorie des seuils ainsi que certaines modalités de gestion des acquisitions précisées.

L’on ne saurait mettre en valeur les réformes dans les Marchés Publics au Togo sans évoquer la création d’une Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) chargée de réguler le secteur et d’en assurer le fonctionnement adéquat, dont l’apport à la maturation du système actuel est déterminant. De plus, la mise en place d’un Comité de Règlement des Différends (CRD) en son sein, est à mettre à l’actif de l’ARMP. En effet, totalement inexistant sous l’ordonnance de 1993, ce comité, fait office de « Juridiction » de première instance en matière de contentieux de passation des Marchés Publics. Au cours des dix années d’existence, une analyse des décisions rendues, permet d’établir le professionnalisme du CRD. Celui-ci a su concilier promptitude, mais aussi efficacité. Ses décisions, à quelques exceptions rarissimes, n’ont souffert d’aucune contestation ; bien au contraire elles font jurisprudence.

Qui plus est, il convient de mettre en exergue l’apport économique de la réforme de 2009 en Marchés Publics. En termes économiques le système actuel des Marchés Publics a permis de dérouler une procédure de plus de quatre mille quatre cent soixante-dix-neuf (4 479) contrats signés entre les Autorités Contractantes et les Opérateurs Economiques donnant une moyenne annuelle de huit cent quatre-vingt-seize (896) contrats par an, pour une valeur financière de plus de mille cent soixante milliards de francs CFA (1160) soit une moyenne de 232 milliards par année. Ces chiffres peuvent également exprimer l’efficacité qui est attachée au système actuel des Marchés Publics.

Encore, il est à rappeler que l’instauration de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics a contribué activement à la redynamisation du système des Marchés Publics, par un nombre pléthorique de formations adressées aux différents acteurs en charge de l’achat public. Comme le mentionnent d’ailleurs les statistiques, l’année 2016 a enregistré 70 sessions au cours desquelles 2129 acteurs de la Commande Publique, qu’ils soient de l’administration, du secteur privé ou de la société civile ont été formés sur environ 14 thématiques, chaque type d’acteurs selon les thématiques relevant de leurs domaines d’exercice.

Par ailleurs, même s’il est clair, au regard des précédents, que d’énormes avancées ont été réalisées par la réforme portée par la loi de 2009, il est reste tout de même primordial de préciser que l’actuel système des Marchés Publics n’est pas exempt d’améliorations. Conscient de ce fait, l’on a assisté en 2018 à l’adoption du décret n°2018-171/PR du 22 Novembre 2018 modifiant les seuils de passation, de publication, de contrôle et d’approbation tels que définies par le décret n°2011-059/PR du 04 mai 2011, et récemment à l’adoption du décret portant réglementation de la maîtrise d’ouvrage public déléguée et de la maîtrise d’œuvre en République Togolaise ( en transposition de la Directive n°02/2014/CM/UEMOA du 28 juin 2014) ainsi que celui portant code éthique et de déontologie dans la commande publique (en transposition de la directive n°04/2012/CM/UEMOA du 28 septembre 2013).

Cependant plusieurs défis restent encore à relever dans le domaine. A ce titre, il faut préciser que malgré moult accompagnements de l’ARMP, les Autorités Contractantes font toujours face aux maux d’insuffisances en capacités opérationnelles et le capital humain dédié aux opérations de passation et de gestion des différents outils de la Commande Publique est encore faible aussi bien en terme d’effectif que de capacités techniques. Il devient donc important de procéder à un renforcement de capacités à travers des recrutements de spécialistes formés aux curricula des Marchés Publics, mais également par la mise en place d’un statut clair pour les agents de la fonction publique désirant se spécialiser dans la Commande Publique. Pour ce qui est des acteurs du secteur privé dont l’apport est important pour la bonne santé du système, il est nécessaire qu’ils renforcent leurs capacités en se dotant aussi de personnel aguerri dans la passation et la gestion de la Commande Publique et notamment les marchés publics. Ainsi pourront-t-ils mieux contribuer à la maturation d’un système déjà satisfaisant.

Au final, quoiqu’il est appelé à s’améliorer au fil du temps, le système actuel des Marchés Publics séduit déjà par ses premiers pas comparables à ceux d’un géant!

GUENKOU Lévi Fidèle, Juriste Spécialiste en Marchés Publics

Source : www.icilome.com