Le chef de file de l’opposition togolaise estime qu’il est trop tard pour réformer. Le groupe parlementaire de son parti exclut de voter la modification constitutionnelle envisagée par le gouvernement sous la pression de la rue.
Après un début septembre marqué par plusieurs jours de mobilisation populaire dans les rues de Lomé et d’autres villes du Togo, les partisans d’un retour à la limitation du nombre de mandats présidentiels ont annoncé de nouvelles marches, ces 20 et 21 septembre.
Dans le même temps, le texte de la réforme constitutionnelle proposée par le gouvernement est en cours d’examen à l’Assemblée nationale, où les députés de l’opposition ont décidé de quitter l’hémicycle, jeudi, pour protester contre la procédure adoptée.
Dans ce contexte de bras de fer politique tendu, à la fois au Parlement et dans les rues de Lomé, Jean-Pierre Fabre, chef de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), explique à Jeune Afrique la stratégie que compte mettre en œuvre l’opposition.
Jeune Afrique : Au départ, vous exigiez des réformes. Désormais, vous demandez le départ du président. Pourquoi ce durcissement ?
Il n’y a pas de durcissement. En fait, nous avons toujours considéré que les réformes politiques prescrites par l’Accord politique global [signé en 2006, NDLR] doivent conduire à l’alternance dans le pays.
Ceux qui réclament le retour à la Constitution de 1992 et ceux qui exigent le départ de Faure Gnassingbé expriment la même revendication
Pour nous, ces réformes visent notamment, le retour du mode de scrutin à deux tours et de la limitation à deux du mandat du président de la République, « avec toutes les conséquences qui en découlent ». Lorsque l’on tient compte du fait que Faure Gnassingbé a déjà bouclé deux mandats, on n’a plus qu’à tirer les conséquences.
Ainsi, ceux qui réclament le retour à la Constitution de 1992, « avec toutes les conséquences qui en découlent » – c’est-à-dire le départ du chef de l’État – et ceux qui exigent directement le départ de Faure Gnassingbé, expriment la même revendication de deux manières différentes. Ce n’est donc qu’une question de formulation.
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Le gouvernement a fini par introduire le projet de réforme tant attendu à l’Assemblée nationale. Allez-vous le voter ?
Après onze ans de fuite en avant et de dilatoire ? D’abord, annoncer le dépôt de ce texte la veille d’une manifestation de l’opposition procède d’une stratégie visant à démobiliser les populations plutôt que d’une initiative pour satisfaire leurs revendications.
Ce projet n’est qu’une provocation qui ne fera qu’amplifier la mobilisation pour le départ de Faure Gnassingbé
Ensuite, nous avons la preuve que Faure Gnassingbé cherche à obtenir l’effacement des mandats qu’il a déjà exercés. Puisque le projet gouvernemental ne comporte plus la mention «En aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats», qui figure dans l’article 59 de la Constitution originelle de 1992.
Enfin, en violation de l’Accord politique global, qui ne vise que la limitation du mandat présidentiel, le projet de loi prétend limiter les mandats de tous les élus.
Évidemment, cela n’est pas conforme aux revendications des populations qui exigent purement et simplement le retour à la Constitution originelle de 1992. En tout état de cause, ce projet n’est qu’une provocation qui ne fera qu’amplifier la mobilisation pour le départ de Faure Gnassingbé.
Croyez-vous que le président Faure Gnassingbé soit prêt à renoncer au pouvoir ?
Il est évident qu’aucun dictateur ne renonce de lui-même au pouvoir sans y être contraint, d’une manière ou d’une autre. Mais, après les cinquante années d’un règne implacable de la famille Gnassingbé sur le Togo, Faure Gnassingbé doit se montrer raisonnable et aider le peuple togolais à tourner sans tarder et sans heurts, la page de ce cauchemar.
Nous avons connu dans l’histoire récente de notre pays des périodes, des occasions où la situation nous semblait favorable, comme actuellement, pour mettre un terme à la dictature. Mais elles ont été gâchées, dilapidées par manque de vigilance et de rigueur. Il faut éviter que cela ne se reproduise.
Jeune Afrique