On est en 2017 et on discute du rapport 2014. Les jeudi et vendredi derniers, le groupe multipartite et le Secrétariat technique de l’ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) ont officiellement présenté au public le rapport ITIE 2014. Il s’agit du rapport dit de réconciliation, c’est-à-dire de rapprochement entre les payements effectués par les sociétés minières à l’Etat et la déclaration des régies financières que l’Etat a perçues auprès de ces sociétés.
La présentation trois (03) ans après de ce (vieux) rapport qui date de 2014 n’est pas exempte d’inquiétudes, du moins en ce qui concerne sa fiabilité. Des attitudes des responsables de l’ITIE, une structure censée opérer dans « Les Rayons de la Transparence » étonnent et laissent douter de la fiabilité des informations (peut-être manipulées) qu’ils apportent aux parlementaires, aux magistrats, aux organisations de la société civile… La preuve est qu’ à l’issue de la rencontre de vendredi dernier, les responsables de l’ITIE n’ont pas permis à la presse de poser des questions à l’économiste principal de la Banque africaine de développement, Carpophore Ntagungira.
Ce dernier a salué la qualité et la clarté du rapport. A la séance d’interview, ce sont plutôt eux qui, à la place des journalistes, lui ont posé l’unique et l’ultime question. Et même la réponse lui est soufflée aux oreilles et reprise fidèlement, au grand étonnement des journalistes. « Le Togo a fait beaucoup d’effort depuis que le pays a accepté de se conformer aux exigences de l’ITIE. Nous espérons que les autorités vont se saisir de ce rapport pour améliorer à l’avenir son record dans le processus de l’ITIE », s’est-il confié.
Cette attitude peu orthodoxe offerte devant la presse à l’esplanade de l’hôtel Sancta Maria, pourrait conduire à des supputations et même laisser penser à un verrouillage ou à une manipulation de l’information. Sinon pourquoi ne pas laisser à l’expert de la BAD, une banque qui accompagne le Togo dans ce processus de l’ITIE, la main libre pour se prêter aux questions des journalistes ? Pourquoi alors l’orienter dans le questionnaire et dans la réponse ? A moins qu’on veuille cacher le revers de la médaille et l’empêcher de se livrer à des révélations susceptibles d’accabler le travail de l’ITIE. Et pourtant ! Comment comprendre que l’ITIE, dans ses principes et dans la charte de sa création est le chantre de la transparence, mais donne l’impression de faire ombrage à « quelque chose qui devrait être dit » et que l’on veut étouffer.
Il y a alors anguille sous roche. Mais il est vraiment dommage que la BAD qui, en toute indépendance, devrait œuvrer à garantir plus de transparence dans les informations servies par l’ITIE, être au-dessus de la mêlée, se laisse embarquer dans ces «togolaiseries». Les Togolais attendent de savoir plus sur ce que rapporte le secteur minier et ce qui s’y fait, d’autant plus que les communautés des zones d’extraction et les ouvriers en souffrent. Des terres spoliées à leurs propriétaires, les localités sous-développées qui rament dans le noir, la pollution excessive de l’environnement, la propagation des maladies endémiques, le Togo souffre de la malédiction de ses ressources minières. Et c’est ce qui exige que l’ITIE soit plus transparente dans son rapport. Mais hélas, le doute semble subsister.
Tout compte fait, ce rapport a permis aux experts de dégager un écart résiduel non concilié du 30.367 348 F soit 0,18%. A l’origine de cet écart, les experts auteurs de ce rapport mentionnent la formule de déclaration non soumis par les entreprises extractives, des détails non soumise par elles, des taxes non reportées par l’Etat. Selon Didier Kokou Agbemadon, Coordonateur du Secrétariat permanent de l’ITIE, il se révèle que certaines sociétés extractives ont dit avoir effectué leurs payements sociaux sans qu’on ne retrouve la traçabilité.
Il manque dans ce document présenté à l’opinion publique, le rapport sur les payements sociaux de la Société nouvelle de phosphate du Togo (SNPT). A l’ITIE, on justifie cette situation par le fait que la SNPT n’a pas fait de déclaration.
Autre paradoxe constaté par les experts, le fait que le Togo « exporte des tonnes d’or », alors qu’il n’exste nulle part des sociétés qui exploitent ce métal ou celles qui l’importent. Le rapport déplore à cet effet l’absence des données sur le secteur artisanal qui aussi joue sa contribution en matière de l’emploi et économique. Il recommande alors qu’une étude soit faite dans ce secteur et qu’on multiplie les études et les recherches sur l’artisanat.
Autre anomalie : l’absence de texte d’application qui définit les modalités d’octroi des licences ainsi que les critères techniques et financiers d’attribution des différents permis et licences liés au secteur extractif. Selon le rapport, il faut donc inciter à sa promulgation. En ce qui concerne le Code de l’eau, le Togo ne dispose pas d’un texte d’application, ce qui fait que les sociétés d’exploitation de l’eau ne payent pas jusqu’à présent de taxe. Il est également recommandé que le Togo établisse une périodicité pour la collecte des données statistiques sur l’emploi dans le secteur extractif.
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