Selon le rapport de 2018 de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement portant sur les investissements 1, le retour sur investissement en Afrique est en constante diminution contrairement aux éloges faites par de nombreux dirigeants africains.
1- Retour sur Investissement en Afrique en Chute Libre
Entre 2012 et 2017, le retour sur les investissements effectués en Afrique est passé de 12,3 % à 6,3 %. Les cinq (5) pays qui figurent en haut du palmarès sont :
- L’Egypte avec 7,4 milliards de $EU mais en chute libre avec un baisse de -8,8% par rapport à 1996 ;
- L’Ethiopie avec 3,6 milliards de $EU mais en chute libre avec une baisse de -10,1 % par rapport à 1996 ;
- Le Nigéria avec 3,5 milliards de $EU mais en chute libre avec une baisse de -21,3 % par rapport à 1996 ;
- Le Ghana avec 3,3 milliards de $EU mais en chute libre avec une baisse de -6,6 % par rapport à 1996 ;
- Le Maroc avec 2,7 milliards de $EU mais en chute libre avec une progression significative de 22,9 % par rapport à 1996 ;
2- Le Togo n’attire Que « Certains Investisseurs »
Les flux d’investissements sortant du Togo ont connu une progression avec 0,3 % milliard de $EU et une progression de 22,9 % en 2017. Donc paradoxalement, le Togo n’attire pas les investisseurs pour soutenir le développement du pays mais pour permettre un retour sur investissement conséquent, principalement aux dépens des volets sociaux et environnementaux. Si l’environnement des affaires s’est amélioré en 2018 au Togo 2, c’est surtout qu’il y est plus facile de ne plus subir de contrôles intempestifs pour rapatrier son capital. Du coup, l’amélioration de l’environnement des affaires au Togo sert principalement à attirer des opérations de tous genres difficiles dans les pays voisins au point que de nombreuses matières premières font l’objet d’échanges et de paiement au Togo.
3- Niveau Élevé de la Perception de la Corruption au Togo
Le niveau moyen de la perception de la corruption mondiale est estimé à 43,07 sur 100. Le niveau de perception de la corruption au Togo en 2017 reste élevé. En effet, classé 117 sur 180 pays avec un score de 32 sur 100 (100 étant pour un état sans corruption), le Togo ne peut se comparer à ses voisins comme le Ghana classé 81 avec un score de 40/100 et le Bénin classé 85 avec un score de 39/100. Même le Burkina Faso, le pays des « hommes intègres » est mieux classé et figure à la 74e place sur 180 avec un score de 42/100.
4- L’Argent des Contribuables Allemands Transféré au Patronat Allemand ?
Quand le principal patronat allemand Afrika Verein der deutschen Wirtschaft s’investit activement pour convaincre l’Etat fédéral allemand d’aller investir au Togo, il faut comprendre qu’il s’agit d’une stratégie pour justifier un transfert supplémentaire de l’argent des contribuables allemands pour soutenir un patronat qui investit dans des pays dits « stables » mais autocratiques et donc avec un maximum de risques de voir leur investissement rencontrer des problèmes sur le long terme.
L’initiative allemande « Compact with Africa 3 » pourrait faire croire à une amélioration des approches pour soutenir le développement dans les pays africains et créer des emplois grâce à l’investissement. Certainement pour ceux qui disposent de plus de pouvoirs contraignants sur les dirigeants africains. Cette nouvelle approche allemande consiste à identifier les pays africains et leurs dirigeants qui sont prêts à entrer en business avec une entreprise transnationale allemande, ce sans nécessairement passer par un appel d’offres compte tenu de la compétition mondiale et les pré-carrés divers notamment la France en pays francophones ou la Chine avec des offres de projets avec financement et double-contrat. Le problème est que l’investissement s’accompagne surtout de transferts de propriétés, soit au profit de investisseurs étrangers, soit de plus en plus au profit d’un groupe d’individus liés à l’Etat africains et profitant des contrats de concessions et des nombreuses sous-traitances qui en découlent.
Bref, les grands espoirs mis dans ce « Compact avec les dirigeants africains » et au profit des investisseurs allemands pourraient rapidement se révéler n’être qu’un grand mirage de plus si les projets proposés ne font pas l’objet d’un contrôle et suivi par les populations africaines systématiquement exclues du processus.
5- Une Zone de Libre-Échange en Afrique
C’est à ce titre qu’il convient de comprendre la volonté de certains chefs d’Etat africains de créer un vaste marché africain sans pour autant dans la pratique accepter de se laisser envahir par des exportations qui bloquent leur capacité à s’industrialiser.
Le 21 mars 2018 à Kigali, 44 des 55 économies membres de l’Union africaine ont signé l’Accord portant création de la zone de libre-échange continentale africaine (AfCFTA). Le Nigéria et l’Afrique du Sud n’ont pas signé. Si cet accord est ratifié et mis en œuvre, il restera dans l’histoire comme le plus important accord commercial depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce en 1995. Son objectif est de créer un marché unique pour les biens, les services et la circulation des personnes.
L’objectif est de réduire de 90% les droits de douane de leur moyenne actuelle de 6,1% à zéro et d’aborder la multiplicité des obstacles non tarifaires, tels que des infrastructures médiocres et des postes frontières inefficaces, qui constituent souvent l’obstacle dominant et le coût du commerce sur le continent. Les protocoles sur les droits de propriété intellectuelle, les investissements et la concurrence ne font pas partie actuellement de ce l’accord. Il est attendu que les investisseurs à la recherche de marchés émergents puissent investir en Afrique.
6- Risque d’Endettement Accru du Budget Togolais avec l’Allemagne
La vérité du terrain est que le pourcentage d’emplois précaires au Togo par rapport à la population active fut estimé à 85,9 % en 2016 et ne s’est pas amélioré depuis 4. Plus de 92,7 % sont occupés par des femmes.
Aussi, s’inscrire dans la logique du désengagement du secteur public allemand pour faire porter le développement en Afrique par le secteur privé allemand est un pari risqué dans les pays autocratiques où les institutions ne fonctionnent pas au service des populations. Ainsi, investir avec le programme allemand de « Compact avec l’Afrique » au Togo fait courir un risque d’endettement accru sur le budget togolais déjà autour de 85 % d’endettement, Mais la nouveauté est que ce déficit risque d’être couvert par des taxes prélevés sur le contribuable allemand. La sanction politique ne tardera pas avec la montée des partis extrémistes en Allemagne, sans pour autant stopper le flux des migrants voulus par le patronat allemand. YEA.
Alors écoutez l’audio de «Le Togo sera surendetté», l’interview de l’économiste Yves Ekoué Amaïzo avec le Journaliste Eric Topona de Deutsch-Welle sur l’analyse de « Compact avec l’Afrique de l’Allemagne » et ses possibles conséquences sur le Togo.
5 novembre 2018
Dr Yves Ekoué AMAÏZO.
© Afrocentricity Think Tank et CVU-Togo-Diaspora.
info@afrocentricity. info
Notes:
1- UNCTAD (2018). World Investment Report 2018. Investment and New Industrial Policies. UNCTAD : Geneva.
2- World Bank Group (2019). Doing Business 2019. Training for Reform. Economy Profile Togo. The World Bank Group : Washington D. C.
3- Afrika Verein der deutschen Wirtschaft (2018). “G20 Investment Summit – German Business and the CwA Countries. Under the Patronage of Dr Angela Merkel, Chancellor of the Federal Republic of Germany”. 30 Octobre 2018. Berlin. Accédé le 3 novembre 2018. Voir https://www.compactwithafrica .org/content/dam/Compact%20with%20Africa/events/Programm_AfricaSummit_091218.pdf
4- AfDB (2018). West Africa Economic Outlook 2018. Macroeconomic developments and poverty, inequality, and employment. Labor markets and jobs. African Development Bank : Abidjan.
27Avril.com