Interview/Jean-Pierre Fabre  »Nous ferons tout pour qu’il s’en aille »

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Dans une inteview accordée ce matin à la Radio France Internationale (RFI), le chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre martèle le désir du peuple togolais, celui du départ de Faure Gnassingbé du pouvoir.

Christoph Boisbouvier : Jean-Pierre Fabre bonjour

Jean-Pierre Fabre : Bonjour

Ce mercredi vous avez pris connaissance du projet de loi sur la réforme constitutionnelle, comment réagissez-vous ?

Je ne suis pas très surpris, parce que je connais nos adversaires politiques. Alors il y a deux points importants là-dedans. Il y a l’article 59 de la Constitution, la phrase « En aucun cas nul ne peut faire plus de deux mandats » a été supprimée. Ensuite, il y a le fait que, en violation de l’Accord politique global qui ne parle que de la limitation du mandat présidentiel, le projet de loi de révision constitutionnelle prétend vouloir limiter le mandat des députés. Bon maintenant il y a le retour du scrutin uninominal majoritaire à deux tours.

Alors, c’est de la provocation, une manœuvre de diversion visant à désamorcer la tension dans le pays. Il n’y a rien de sérieux là-dedans. Et ça va plutôt envenimer la situation. Ce qui n’est pas une mauvaise chose d’ailleurs. On va se remobiliser pour obtenir ce que nous voulons, le départ du chef de l’Etat.

Mais le projet de loi ne prévoit-il pas la limitation du nombre de mandats présidentiels ?

Oui. Mais vous savez la question aujourd’hui c’est le départ du chef de l’Etat. Lorsque nous disons le retour à la Constitution de 1992, nous ajoutons aussitôt toutes les conséquences qui en découlent. Ça veut dire que le chef de l’Etat ayant déjà bouclé plus de deux mandats, il est frappé par la mesure aussitôt et il part.

Mais pourquoi ne pas avoir la patience d’attendre la fin de son mandat actuel, c’est-à-dire en mars 2020 ?

C’est que nous connaissons les ruses du pouvoir en place. Et nous ne voyons pas pourquoi nous attendrons la fin de son mandat pour se soumettre au coup de force du pouvoir en face, non, c’est encourager le refus d’exécuter les engagements pris. La modification constitutionnelle s’applique aussitôt à lui. Et dès lors que le texte est voté.

Selon le ministre de la Fonction publique, Gilbert Bawara, l’adoption de ce projet de loi en conseil des ministres la semaine dernière est un signe de bonne foi de la part du président Faure.

Ce n’est pas ce qu’indique le contenu du texte. Vous savez, on est dans un dialogue de sourds. Il dit des choses pour se maintenir au pouvoir, et nous en avons marre et nous ferons tout pour qu’il s’en aille.

Alors si la majorité à l’Assemblée refuse vos propositions, qu’est-ce que vous allez faire ?

Refuse quelles propositions ? C’est nous qui allons refuser leurs propositions. Lorsque monsieur Faure Gnassingbé fait 13 ans au pouvoir ajoutés aux 38 ans ou même un peu plus ; parce que finalement monsieur Gnassingbé Eyadéma (NDLR, son père) a pris le pouvoir en 1963 ; et lorsque on ajoute tout ça, on est en face d’un régime cinquantenaire. Je crois que ça devrait ramener monsieur Faure Gnassingbé à la raison.

C’est vrai qu’il y a beaucoup de monde dans les rues depuis un mois, mais les appels à la manifestation de ces derniers jours ont été moins suivis que ceux de la semaine dernière, est-ce qu’ il n’y pas un essoufflement ?

(Rire). Il n’y a pas un essoufflement. Au contraire, vous allez voir dans les jours qui vont venir. Bon, hier les artères donnant sur le siège de l’Assemblée nationale ont été bouclées, mais vous allez voir la semaine prochaine.

Longtemps le pouvoir a opposé le sud, proche de l’opposition au nord, poche de la majorité, est-ce qu’il ne va pas encore jouer sur ces divisions nord-sud ?

Ce qui se passe actuellement est très intéressant et encourageant pour nous parce qu’il y a l’implication plus forte de la partie nord de notre pays dans la lutte. Nous avons vu les manifestations du 19 août, nous avons vu les grandes villes du nord, Dapaong, Mango, Sokodé, s’impliquer dans les manifestations à un très grand niveau. Nous avons vu la fermeté de monsieur Tikpi Atchadam donc il n’y a pas aujourd’hui de possibilités pour le pouvoir d’opposer le nord au sud comme il l’a toujours fait.

Alors en effet, Tikpi Atchadam est originaire de Sokodé, qui est une ville proche du nord du pays, voulez-vous dire qu’avec ce nouveau leader de l’opposition, vous trouvez un nouveau souffle vous-mêmes ?,/b>

Mais je ne me suis jamais essoufflé. N’oubliez pas que le 3 août dernier, avant la manifestation du 19 août, nous étions dans les rues, nous avons fait une manifestation qui a connu une très grande mobilisation des populations. Maintenant avec l’arrivée de quelqu’un d’autre qui est originaire de ce qu’on appelle le nord de notre pays, évidemment il y a quelque chose de neuf.

Est-ce que le régime ne va pas essayer de vous diviser, Tikpi Atchadam et vous-mêmes dans une bataille d’égo ?

Vous savez, pour le moment, les rivalités politiques ne sont pas à l’ordre du jour. Lorsque le moment viendra, on verra. Mais concentrons-nous sur la lutte pour nous débarrasser d’un cauchemar qui hante le Togo depuis plus de 50 ans.

La semaine dernière, vous avez rencontré le représentant du Secrétaire général de l’ONU, le Ghanéen Ibn Chambas. Qu’est-ce que vous en attendez ?

Je vais vous surprendre en vous disant, pas grand-chose. Parce que, je le lui ai dit d’ailleurs, nous avons pris nos destins en mains. Et nous avons peut-être commis l’erreur par le passé d’attendre auprès de la communauté internationale une contribution, une aide, qui nous est jamais venue. Je lui ai dit que le message de la population qu’il doit transmettre au chef de l’Etat, c’est de lui demander de partir. J’espère qu’il lui a transmis ce message.

Et du nouveau président français, Emmanuel Macron, attendez-vous quelque chose ?

Nous sommes des Togolais, nous voulons ressembler aux autres peuples, surtout aux peuples des pays qui nous entourent. Nous ne voulons plus rester une exception, un cas atypique dans la sous-région ouest-africaine. Alors le président Macron, bon si le sang des Togolais l’émeut, qu’il intervienne comme il peut, mais nous ferons ce que nous pouvons pour sortir de cette situation tout seul.

Jean-Pierre Fabre merci.

Entretien transcrit par A.H.

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