Interview/ Francis Kpatindé : « Il n’y a rien de mieux qu’un régime démocratique »

0
767

Il fait partie des conférenciers à l’occasion du 2ème Colloque international de CAP 2015 sur la problématique de l’alternance politique en Afrique tenu du 28 au 29 avril dernier à Lomé. Francis Kpatinde, journaliste, ancien Directeur de la Rédaction de Jeune Afrique, Maître de Conférences à Sciences Po Paris et Consultant ONU, a exposé sur le libre accès aux medias et égalité des chances pendant les compétitions électorales Afrique. Au sortir de son exposé, le franco-béninois Kpatinde a relaté le menu de son panel et la situation de la démocratie et l’alternance en Afrique et plus particulièrement le cas du Togo. Lecture :

Bonjour Professeur Kpatindé. Libre accès aux médias, égalité des chances pendant les compétitions électorales en Afrique, c’est le thème que vous avez exposé au colloque de Cap 2015. Qu’est-ce qu’on peut en retenir ?

Dans tous les pays africains, on doit pouvoir accéder aux médias. Qu’on soit de l’opposition ou du pouvoir, la société civile également, on doit pouvoir accéder aux médias publics parce que ces médias sont financés par les fonds publics. Le citoyen doit accéder aux médias publics, l’homme politique quel que soit son obédience doit accéder aux médias publics que sont la radio, l’organe de presse écrite nationale, la télé. Mais, par extension, on pourrait même étendre le principe aux médias privés qu’en périodes électorales, qu’il y ait au moins un principe d’égalité ou d’équité pour renforcer les médias privés. Pour les médias internationaux et la presse en ligne, cela peut être négocié.

De par vos expériences, est-ce que vous pensez que c’est le cas en Afrique ?

Moi je ne vois pas l’Afrique comme vous au Togo. Je vois 55 pays. Ça bouge beaucoup dans les pays africains. En Afrique de l’Ouest, à part un (1) ou deux (2) pays, tout fonctionne. Les gens ont accès aux médias. Il y a eu débat entre Gbagbo et Ouattara en Côte d’Ivoire en 2012, tout le monde a oublié ça. Au Ghana à côté, il y a eu plusieurs alternances que vous ne pouvez pas nier. L’économie se développe, il y a de l’industrialisation, les gens observent le civisme. La démocratie aide à booster l’économie, le bien-être de la population car il n’y a rien de mieux qu’un régime démocratique.

Le débat des candidats pendant les joutes électorales commencent à prendre corps en Afrique de l’Ouest également. Est-ce que vous pensez que les candidats en prennent véritablement conscience ?

Non ! Justement c’est ça je disais dans mes propos que les gens n’insistent pas sur ça alors que c’est important. C’est important pendant les élections que les différents candidats viennent débattre devant la nation. Non, ce n’est pas pour une élite. Quand vous regardez au Bénin, ce qui s’est passé au Ghana, au Kenya, il n’y avait pas un char dans la ville de Nairobi quand il y avait débat.

A Madagascar, j’ai organisé trois débats, il n’y avait aucun char. Les populations comprenaient. Il y avait aussi des journalistes qui sont chargés de traduire dans différentes langues. Vous savez les gens suivent et ne sont pas idiots. Tous les votes ont une signification en Afrique. Quand on dit que tel a été élu dans telle région, il y a mille façons de l’expliquer. Donc si vous organisez un débat serein, équilibré et équitable, les gens suivront.

Quel regard portez-vous sur la problématique de l’alternance politique en Afrique ?

Je pense que c’est une bonne chose. Vous ne pouvez pas mangé du gboma (la sauce d’épinard) et ablo tous les jours. Il faut changer aussi parce que ça permet de relancer les pays et de donner un nouveau souffle, la jeunesse ça donne de l’espérance. Cela évite aux jeunes de traverser le désert (le Sahara), l’océan pour aller mourir dans la méditerranée. Vous ne vous posez pas de question pourquoi il n’y a pas de Béninois, de Mauricien, ni de Cap-verdien parmi les gens qui traversent le Sahara ? Pourquoi il y a beaucoup d’Erythréens ? Parce que l’Erythrée est une prison à ciel ouvert. Vous voyez les gens fuient parce qu’ils ont besoin de respirer. Si vous leur dites travaillez au pays et lorsque vous avez envie d’aller en France, en Suède vous prenez un billet ; vous visitez et vous revenez. Si vous avez des soins de santé ici et vous allez à l’école et que ces écoles sont de bon niveau, vous n’avez plus besoin d’aller là-bas. Moi je suis allé en France parce qu’il y avait la révolution au Bénin au temps de Kérékou 1. Tout le monde est obligé d’aller travailler au champ pendant deux (2) ans.

Aujourd’hui, le Togo fait partie des deux (2) pays, j’imagine dont vous faites cas qui ne font pas vraiment ce qui se passe ailleurs.

Je ne crois pas que quelque chose bloque au Togo. Moi j’ai connu le Togo dans les années 1980 et je suis venu en reportage en 1986 quand il y a eu l’attaque venu du Ghana. Ça bouge, mais pas au même rythme que le Ghana, la Sierra Leone et le Libéria qui sont des démocraties maintenant en Afrique. Il y a un frémissement et c’est à l’opposition de s’organiser pour représenter une véritable alternative. Il y aura des votes vraiment libres et transparents au Togo. Je n’en doute pas du tout.

Vous aviez été annoncé au premier colloque, mais vous n’y étiez pas. Aujourd’hui vous y êtes. Dites-nous davantage ce qui s’est passé?

C’est pour des raisons privées. Ceux qui devraient savoir, l’ont su.

Quel message vous avez à l’endroit des acteurs politiques au Togo ?

Beaucoup de persévérance, de pragmatisme, de travailler vraiment avec beaucoup de rigueur.

Propos recueillis par
Honoré ADONTUI

www.icilome.com