Interdiction tous azimuts et répression des manifestations publiques : La LTDH condamne des « pratiques peu orthodoxes » du régime

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Interdiction tous azimuts et répression des manifestations publiques : La LTDH condamne des « pratiques peu orthodoxes » du régime

Le régime de Faure Gnassingbé, dans sa course pour offrir un nouveau mandat au « champion », se livre depuis quelque temps à des violations des principes élémentaires de la démocratie. C’est ainsi toutes les manifestations publiques pacifiques sont systématiquement interdites, sous des arguments fallacieux. Cette situation indigne la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH) qui réagit à travers cette déclaration. Lisez !

DÉCLARATION DE LA LIGUE TOGOLAISE DES DROITS DE L’HOMME (LTDH) RELATIVE À L’ACHARNEMENT CONTRE LES MILITANTS ET LES RESPONSABLES DU PNP ET LA SITUATION QUI PRÉVAUT À BAFILO

Intimidations, menaces, crainte pour leur vie, psychose, tentatives d’enlèvement sont les mots qui décrivent dans une certaine mesure, la situation que vivent certaines personnes ciblées à Bafilo comme partisans et militants du Parti National Panafricain (PNP) considérés comme ennemis à abattre et ce, depuis la répression sanglante et barbare des manifestations du 13 avril 2019, suivie d’actes de torture et des traitements cruels, inhumains et dégradants qui ont eu raison de la vie d’un Togolais, augmentant ainsi le nombre de personnes tuées dans le cadre de simples manifestations pacifiques.

En effet, à Bafilo, depuis les manifestations du 13 avril 2019, nombreuses sont les personnes qui ont quitté leur domicile sans trouver où poser leur tête, car ignorant ce qui se trame contre eux, du fait que des individus peu scrupuleux et difficilement identifiables sont toujours à leur trousse et ne cessent de les filer. Au rang de ces victimes, se trouve entre autres l’imam Babayi dont la vie et la sécurité sont sérieusement menacées.

Cette situation se trouve malheureusement aggravée par l’arrestation tous azimuts des militants du PNP, jugés et condamnés dans la précipitation, ainsi que l’interpellation des responsables de ce parti pour des motifs dénués de tout fondement juridique.

La Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH) dénonce et condamne une fois de plus ces manœuvres d’intimidation orchestrées contre des militants et responsables du PNP et aussi contre la population de Bafilo, ceci dans le but de créer la psychose et la démobilisation en leur sein et partant, une renonciation à la jouissance de leur droit politique de manifester pacifiquement.

La liberté de manifestation constitue une liberté fondamentale et précieuse, mais au-delà, le seul moyen qui garantisse le respect du droit de la minorité qui, par ce canal, pourrait faire entendre sa voix et ses préoccupations. Par conséquent, porter atteinte à cette liberté, veut juste signifier qu’on s’érige ouvertement en ennemi de la démocratie.

Il importe de rappeler que dans notre pays (au Togo), la liberté de manifestation pacifique s’exerce sous le seul régime d’information ou de déclaration préalable conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi N° 2011- 010 du 16 mai 2011 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifiques. En d’autres termes, le principe est la liberté de manifester et l’exception reste la restriction.

En outre, l’article 13 alinéa 2 de la même loi fixe les conditions relatives à cette exception qui est le report ou l’interdiction de la manifestation, en indiquant que l’autorité administrative compétente peut par décision motivée soit différer la manifestation, soit l’interdire, s’il y a des risques sérieux de troubles à l’ordre public.

Il est donc clair que pour interdire une manifestation, il faut d’abord que le risque de trouble existe, et en suite qu’il soit réel et sérieux. Cependant dans la lettre N° 0121/MATDCL/CAB en réponse à la lettre N° 0017/BN/SG du PNP portant déclaration préalable du parti informant l’autorité administrative de son intention de manifester, il n’en a nullement été fait référence à l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public pouvant justifier l’interdiction à la manifestation à Bafilo et dans les six (6) autres localités du pays. Dans sa lettre, qui n’est pas une décision administrative, le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales déclarait : « en effet, plus de 115 partis politiques sont légalement déclarés dans notre pays. Les forces de l’ordre et de sécurité doivent rester disponibles pour encadrer les manifestations de tous ces partis politiques ; cela a pour conséquence de limiter le nombre de manifestations simultanées par parti politique (en dehors des campagnes électorales), afin que leur encadrement par lesdites forces de l’ordre soit efficace et éviter ainsi que des troubles graves à l’ordre public ne se produisent lors du passage des cortèges de manifestants ».

L’analyse de cette motivation du ministre pour « interdire » les manifestations du PNP dans certaines localités de l’intérieur du pays suscite des interrogations :

1- Est-ce que tous les 114 autres partis politiques togolais ont aussi voulu manifester à la même date que celle retenue par le PNP ?

2- En quoi et pourquoi la disponibilité des forces de l’ordre et de sécurité pour encadrer les manifestations de tous les 115 partis politiques devrait-elle limiter le nombre de manifestations simultanées, si tant est que les 115 partis ne manifestent pas le même jour ou au même moment ?

3- Le problème éventuel de sécurité n’est-il pas pris en compte par les dispositions des articles 12 et 13 alinéa 1er ? Pourquoi Monsieur le Ministre n’en a pas parlé ouvertement ?

4- Enfin et si l’on comprend bien la motivation du Ministre, l’encadrement efficient des forces de l’ordre et de sécurité ne s’est jamais posé sur toute l’étendue du territoire en période de campagnes électorales, mais lorsqu’il s’agit de la jouissance de la liberté de manifestation, toutes les inquiétudes seraient au rendez-vous : En quoi et pourquoi le droit de vote primerait sur le droit de manifester ?

Il est évident que les moyens évoqués par Monsieur le Ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales, sont fallacieux, voire illégaux car la loi précise bien que seuls les risques sérieux de trouble à l’ordre public devraient justifier une mesure d’interdiction de la liberté de manifestation. Par conséquent, et conformément au respect que doivent les autorités administratives à la loi, la population ne devrait pas se voir interdire le droit de manifester. Qui plus est, aucun arrêté d’interdiction n’a été pris par le Ministre comme l’exige la Loi, ce qui rend cette prétendue mesure d’interdiction nulle et non avenue.

Ainsi donc, lorsqu’une population manifeste malgré une interdiction entachée d’irrégularités flagrante et qui se voit réprimée par l’armée, cela révèle sans équivoque l’intention et la volonté manifeste des autorités d’aller jusqu’au bout de leur violations et la notion d’Etat de droit n’est alors plus qu’une illusion.

Dans un Etat qui s’étiquette Etat de droit, il est inadmissible que des militants des partis de l’opposition fassent l’objet d’une si grande persécution.

C’est pourquoi la LTDH condamne avec fermeté ces pratiques peu orthodoxes qui consistent à réduire au silence l’adversaire politique et ces entraves à la liberté de manifestation pacifique à travers la violation manifeste de la loi régissant la matière, notamment en imposant aux organisateurs desdites manifestations des itinéraires et des lieux autres que celles prévues pour l’exercice de cette liberté fondamentale comme ce fut également le cas avec les dernières manifestations projetées par la Ligue des Consommateurs du Togo (LCT) et le Mouvement Martin Luther King (MMLK).

La LTDH une fois encore interpelle les autorités togolaises à mettre fin à cette violation continue des droits humains et particulièrement de la liberté de manifestation en faisant libérer les personnes interpellées dans le cadre des manifestations qu’elle n’ont point daigné interdire régulièrement et à assurer à la population de Bafilo, particulièrement aux militants du PNP qui y résident, la sécurité, la sûreté individuelle, ainsi que la liberté d’aller et de venir.

La LTDH invite par ailleurs le Rapporteur Spécial sur la torture de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à mener des investigations au Togo sur les allégations de torture dans notre pays depuis plusieurs mois déjà et qui concernent particulièrement les cas des personnes arrêtées dans le cadre des manifestations publiques.

Fait à Lomé, le 23 avril 2019

Pour le Bureau Exécutif,

Le Président,

Me Célestin K. AGBOGAN

Source : www.icilome.com