Avec la réévaluation du produit intérieur brut à la hausse, les prochains rapports de conciliation de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) au Togo verront la contribution des revenus du secteur minier au PIB fondre encore plus ; déjà qu’elle n’atteignait pas 4% dans le dernier rapport de conciliation portant sur l’année 2015. Et si le gouvernement recherchait un concessionnaire qui accepterait d’installer des rails de Lomé jusqu’à Cinkassé contre la garantie d’exploitation de la montagne de fer ?
L’Etat cherche à créer des emplois. Le séminaire gouvernemental l’a révélé. Mais il n’est pas aisé d’en créer. Seulement, il existe un secteur qui peut faire l’affaire, le secteur minier.
Depuis janvier 2014, par une lettre adressée au ministère des Mines, la société MM Mining qui exploitait le fer à Bandjeli a plié bagage. Sans avoir construit un seul mètre de voie ferrée, ce qui était pourtant dit dans le contrat dont les citoyens n’ont jamais eu connaissance. Et depuis, tout est à l’arrêt. Mais pour combien de temps encore ?
Il se murmure en que Faure Gnassingbé veut « gouverner autrement ». Qu’à cela ne tienne, la montagne de fer peut constituer un test grandeur nature. Il est vrai que sur le marché international, les cours du fer n’ont plus la côte. Pour octobre 2020, le prix du kilogramme est de 0,103 euro, soit moins de 70 FCFA, et la tendance n’est pas prête de changer. Mais que faire alors ? Espérer une hypothétique remontée des cours du métal est la meilleure manière pour que le minerai ne soit jamais exploité.
Pour construire un chemin de fer, ce qui doit voir le jour pour désenclaver les contrées lointaines autrefois parcourues dans un passé lointain par le train, on a besoin du fer. Le groupe Bolloré avait nourri les espérances des Togolais avec la construction d’une gare flambant neuve. Mais très vite, on s’est rendu compte que c’était du vent. Et si l’Etat recherchait une société avec laquelle il y aurait un système de troc : faire exploiter gratuitement le fer de Bandjeli contre l’installation de chemins de fer. L’avantage sera certain d’une part avec l’embauche des centaines voire de milliers de Togolais pour la construction des voies ferrées, et d’autre part le désenclavement de milieux reculés autrefois desservis par le train.
Pour avoir effectué une mission jusqu’au-dessus de cette mine, on peut dire que le jeu en vaut la chandelle. Pour peu que les autorités veuillent tourner un regard citoyen vers ce coin du Togo qui héberge une mine, mais dont les populations ne profitent pas. C’était en 2016, lorsqu’ensemble avec Solidarité et action pour un développement durable (SADD) nous avons effectué une visite de terrain pour toucher du doigt la réalité.
« Quels résultats des études d’impacts environnementaux ?
A notre arrivée le premier jour dans la localité, il nous a été demandé la question suivante : « Vous irez rendre visite à nos frères aux yeux de drosophiles ? », une allusion faite par rapport à la couleur des yeux des employés de MM Minning. Nous avons appris qu’au temps où la mine tournait encore, la quasi-totalité des employés et manœuvres utilisés sur le site avaient des yeux rouges.
A côté de ce constat, la localité ne semble pas avoir beaucoup profité de la présence de l’entreprise depuis 2008. A en croire le Chef canton de Bandjeli, Sertchi Madjintiba en poste depuis 1992, l’entreprise n’aurait versé que deux fois des ristournes qui devraient profiter à la communauté, soit…40.000 F et 80.000 FCFA depuis 2008. Et encore, c’est au bureau de la préfecture que l’opération se serait déroulée.
Il est connu que des projets de l’envergure de la mine de Bandjeli ne pourraient être réalisés qu’après une étude d’impact environnemental (EIE) pour relever les conséquences éventuelles qui pourraient en découler. Mais selon les propos du chef canton, « la communauté n’a jamais été associée à cette étude ». Pire, « les recommandations issues de cette étude n’ont jamais été respectées », affirme-t-il. Conclusion, une certaine grogne règne au sein de la population au-dessus de laquelle une chape invisible faite de peur semble planer.
Bien que la montagne de fer soit une mine d’or, Bandjeli est oublié par les autorités
Voir la montagne de fer de loin est une chose, mais grimper à son sinciput en est une autre. S’il est vrai que c’est depuis 2008 que MM Minning a commencé l’exploitation du fer et ceci, pour vingt ans, les « quelques scarifications » aperçues au sommet de la montagne laissent croire que son exploitation n’aurait pas encore duré un mois, car cette mine d’or a à peine été écorchée, bien qu’en haut, soient encore visibles les perforations devant contenir les dynamites chargées d’éclater le fer mélangé au sable et les énormes cratères témoin de l’ambition de l’exploitant de tirer profit de la manne. Mais il suffit de voir l’état de la route qui mène dans le canton pour comprendre que si rien n’est fait, le pays sera perdant sur tous les fronts.
La montagne de fer devrait être une mine d’or pour les populations. Et pourtant. Que ce soit à Tabalé, Biakpabe ou Bissibe, tous des villages situés au pied de la montagne, les populations vivaient dans le noir 19 heures sur 24, sauf les jours de fêtes où le groupe électrogène du canton tourne pendant 24 heures, à compter de 18 heures la veille du jour de fête. Et pour avoir jeté un coup d’œil sur les compteurs qu’utilisait la Compagnie énergie électrique du Togo (CEET), ainsi que les systèmes de câblage pour alimenter les habitations, il n’était pas osé de dire qu’à Bandjeli, « les toiles d’araignée sont reines ». Nous avions aperçu de loin un ordinateur sur un bureau de la Gendarmerie de la localité. Des villageois ont affirmé que c’était un « cadeau » de MM Minning qui disposait, elle, de deux groupes électrogènes autonomes qui tournaient à plein régime. Les gendarmes devraient changer leur emploi du temps s’ils voulaient profiter du cadeau du donateur donc.
Que ce soit la voie Sokodé-Bassar –Bandjeli ou Kara-Bandjeli, le goudron résistait très mal aux poids des camions qui les empruntaient. Avec le pont à bascule installé à l’entrée de la mine de Bandjeli, les camions devraient charger 40 tonnes du minerai en quittant Bandjeli. Or, il nous avait été rapporté et confirmé par d’autres sources qu’en haute saison, c’était parfois une centaine de camions chargés de ce tonnage qui dévalaient les routes en direction du Port autonome de Lomé. Conclusion, les deux voies sus-cités étaient dans un état tel que des voleurs en tiraient profit. Ce ne n’étaient pas des nids de pigeon, mais bien d’autruche qui jalonnaient ces deux axes par lesquelles le fer est convoyé.
Heureusement que la bretelle Kabou-Bassar était interdite à ces camions destructrices d’asphalte, mais nous avons appris que certains téméraires enfreignaient l’interdiction faite à ces camions de rouler sur cet axe. Mais à notre sens, la solution à ce problème est ailleurs.
Depuis quelques mois, la Nationale N°1 est en réfection. Et ce sont des centaines de milliards que le contribuable togolais est tenu de rembourser à moyen et long terme. Mais reste à savoir si ces nouvelles infrastructures pourront résister à l’exploitation le jour qu’elle reprendra. Car un contrat reste un contrat et si les autorités togolaises tentent de le rompre de façon unilatérale, ce sont des tribunaux communautaires qui condamneraient une fois encore l’Etat togolais à verser d’énormes dommages, comme dans le cas de Togo Electricité.
Et pourtant le 7 août 2008, lors de la signature de la convention de 20 milliards dont les termes sont aussi perceptibles et visibles qu’un fantôme dans le vent, la création de 2500 emplois avait été brandie –sans préciser que ces futurs employés seraient moins que des Smicards- comme argument, tout comme l’installation de 100 km de voie ferrée entre Blitta et Bandjeli. Autrement dit, les autorités étaient déjà conscientes que la meilleure voie de transport de ce minerai était la voie ferrée. Que s’est-il passé par la suite pour que la route soit devenue la solution ?
Godson K.
Source : Liberté
Source : 27Avril.com