62 ans après l’indépendance du Togo, seules la misère et la pauvreté marquent les pas
« Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue, mais le jour vient… Le grand jour tant souhaité est enfin arrivé. Notre pays, le TOGO qui, depuis 1884, a été successivement protectorat allemand, condominium franco-britannique, territoire sous tutelle de la France, retrouve en ce jour du 27 avril 1960, sa liberté d’antan. De ce moment et à jamais, affranchi de toute sujétion, de toute entrave, maître de ton destin, TOGO, mon pays, te voilà libre enfin, Libre d’être toi-même, de suivre tes idées et tes inclinations, de choisir selon ta raison et tes sentiments, de décider d’après ta propre volonté, Libre enfin, dans la dignité retrouvée, de prouver et d’affirmer ta personnalité… »
A lire ces lignes du discours prononcé par feu Sylvanus Olympio ce mercredi-là, il n’y a pas raison de douter de la joie y décrite, qui a prévalue et qui a permis au peuple Togolais tout entier de célébrer la brise de la chaîne d’esclavage qu’il a porté au cou, avec cette affaire successivement de pays sous protectorat allemand, condominium franco-britannique, territoire sous tutelle de la France. Et cette dernière donc qui continue de constituer un cauchemar pour le Togo, depuis la nuit des temps.
Oui, l’histoire raconte que le Togo a acquis son indépendance, le 27 avril 1960, par un accord avec l’administration française, sous le contrôle de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). L’autonomie interne remonterait à 1956 et Sylvanus Olympio devint président et il reste d’ailleurs le seul Président démocratiquement élu que le Togo a connu jusqu’à présent. Ses jours ont été écourtés par la force des armes assassines qui continuent de hanter l’esprit de quiconque ose dire NON à la dictature qui a pris place suite à l’assassinat de cet homme de vision et d’ambition.
Cette même histoire bien traficotée raconte qu’un certain Commandant français Georges Maitrier serait celui-là à qui l’honneur était revenu de porter le coup fatal à la courte joie des Togolais de vivre en paix. Malheureusement ils sont jusqu’ici obligés de vivre en « PAIY ».
Bref, le 13 janvier 1963, le Togo a été plongé dans un profond deuil, un très long et profond deuil suite à l’assassinat de Sylvanus Olympio.
62 ans après, on se retrouve à se demander si c’étaient donc tout simplement une déclamation euphorique, ces lignes concoctées pour composer le discours prononcé par le Père de l’Indépendance et père de la nation, Feu Sylvanus Olympio ce mercredi 27 avril 1960 là !
Ce discours de l’indépendance aux mots bien choisis qui a donné un espoir à tout un peuple, s’est vite révélé un cauchemar, suscitant des questions qui taraudent l’esprit à longueur de journée.
Ainsi donc : La « Notre joie est profonde, immense » n’a eu pour durée de vie que le temps qu’il a fallu au prédateur d’assassiner lâchement cet homme de vision dont le passage éclair est si loin à rattraper par ceux qui usurpent depuis lors, le fauteuil présidentiel ?
De toutes les façons, ces questions n’émeuvent personne. L’essentiel, c’est la fête. Il suffit de lâcher du lest pour voir les affamés danser au rythme des rires de moquerie. Comme quoi, le Togolais ne souffre pas assez pour se plaindre. Il préfère faire plaisir aux yeux de ceux qui profite de l’histoire tragique du Togo et qui amassent au-delà de la suffisance, les richesses du pays, pour eux seuls, abandonnant dans une misère ambiante et excessive, la majorité du peuple Togolais dépourvu de souveraineté.
Comment un pays en deuil peut-il fêter pour une indépendance confisquée ? Comment un peuple qui n’est pas libre peut-il fêter la liberté ? Comment cela est-il possible ?
L’indépendance est-elle synonyme de ces maux qui résistent aux vains mots glisser au quotidien dans un torrent de sigles gouvernementaux ? Est-elle synonyme de l’emprisonnement de ceux qui osent vouloir la liberté d’expression, d’opinion, d’association, de réunion ? L’indépendance voudra-t-elle que les enfants du peuple qui se prétend l’être soient abattu à balles réelles par les Hommes qui sont censés les protéger contre les agressions extérieures ?
En quoi et au nom de quoi le peuple Togolais doit-il célébrer une fête de l’indépendance qui ne lui rappelle que le triste souvenir d’une joie prématurément noyée dans un océan de souffrance atroce ?
Comment un pays dont les enfants vivent chez eux-mêmes comme de parfaits étrangers peuvent-ils fêter l’indépendance ?
62 ans après l’indépendance, que reste-t-il d’autres à présenter comme acquis ?
Tant les œuvres qui ont été réalisées au début de l’ère nouvel qui s’est ouvert à un peuple qui venait de sortir martyr d’une histoire coloniale, souffrent le martyr entres les mains de ceux qui ont capté le pouvoir et le gère sans aucune concession pour au moins permettre ou faciliter la cicatrisation des plaies qui saignent malheureusement encore !
Le grand marché d’Adawlato est parti en fumée, abandonnant ces braves femmes qui se sont battues au nom et pour cette liberté, dans le dénuement total. L’espace civique est davantage rétréci. Les ressources du pays ne profitent qu’à une dangereuse minorité qui est spectatrice de la souffrance de la majorité au visage défiguré par la vie chère fabriquée de toute pièce, juste pour se faire plaisir.
Le Togolais sont plus divisés et nourrissent la haine, les uns envers les autres.
Le suicide prend de l’ampleur sous l’effet de la misère.
L’éducation est sacrifiée et la porte des prisons est ouverte aux enseignants qui osent réclamer leur dû.
La santé est cauchemardesque et les centres de santé abandonnés dans l’insalubrité totale sont devenus de véritables mouroirs. On y entre en marchant et on en ressort les deux pieds devant.
La liberté de presse souffre le martyr entre la calomnie, la médisance, le mensonge, la propagande, le culte de la personnalité… Peu sont ceux qui résistent à la tentation de baigner dans l’océan du privilège moindre laissé à ceux qui dansent sur la cadence imposée par le système.
Que fêtent-ils au juste ? Je ne suis pas sûr que ce soit l’indépendance. Le nom est juste attribué à une fête dont on ignore en réalité les motivations.
Ce qu’il faut aujourd’hui pour une journée de 27 avril au Togo, ce sont des réflexions profondes sur les voies et moyens qui vont permettre de refonder une NATION, une REPUBLIQUE, un PAYS, un PEUPLE, une LIBERTE et donc une INDEPENDANCE VERITABLE.
Il ne s’agit pas du folklore pour amuser la galerie. NON. Il faut refonder la NATION car elle a cessé d’exister depuis qu’on a introduit les armes comme moyen pour arriver au pouvoir et pour le conserver aussi longtemps, contre le gré du peuple.
Toutes mes condoléances aux familles qui pleurent leurs morts, dans ce parcours tragique de l’histoire tragique du Togo.
Bonne fête aux fêtards.
Rodrigue Ahégo
Libre penseur
Source : icilome.com