Ailleurs en Europe, l’extrême droite n’y penserait même pas en rêve. En Hongrie, le souverainiste Viktor Orban l’a fait. Mercredi 20 juin, le Parlement de Budapest — qui n’est plus qu’une chambre d’enregistrement soumise à l’exécutif — a adopté à une très large majorité (160 pour, 18 contre) une nouvelle loi rendant passibles d’un an de prison les militants apportant une assistance à des migrants. Les voix des députés du parti nationaliste, le Jobbik, se sont jointes pour l’occasion à celle du Fidesz, la formation du premier ministre.
Les responsables d’ONG pourront désormais se voir également notifier une interdiction de s’approcher à moins de huit kilomètres de la frontière extérieure Schengen, dont la Hongrie assume la responsabilité au nom des pays membres. L’imposition de quotas de réfugiés par l’Union européenne a par ailleurs été, au passage, rendue inconstitutionnelle.
« Une époque de peur jamais vue depuis la chute de la dictature communiste »
« Concrètement, selon Marta Pardavi, de l’ONG Helsinki Committee, c’est un nouveau chapitre dans les tentatives du gouvernement pour réduire à néant l’indépendance de la société civile et limiter l’Etat de droit. Cela va nous empêcher d’assister un demandeur d’asile dans la constitution de son dossier, rendre impossibles nos missions à la frontière pour s’assurer que les droits humains y sont respectés ou encore interdire la distribution de brochures d’information sur la procédure d’asile. Cela nous ramène à une époque de peur jamais vue depuis la chute de la dictature communiste. »
Selon Mme Pardavi, ce nouveau texte n’est d’ailleurs pas en conformité avec le droit européen et international. Surnommé « STOP Soros », il s’inscrit dans la continuité d’une politique liberticide, mise en place à partir de 2015. Il peut également se lire comme une traduction concrète de la propagande dont est victime le milliardaire américain juif d’origine hongroise George Soros, un survivant de la Shoah aujourd’hui à la tête d’un réseau de fondations promouvant les valeurs libérales ayant déserté le pays en mai.
Lors de l’interview hebdomadaire qu’il accorde à la radio publique hongroise, Viktor Orban s’était de nouveau lancé récemment dans des théories du complot développées depuis des années par l’extrême droite. Il estimait ainsi qu’avait actuellement lieu en Europe un « remplacement des populations, organisé par les élites financières et économiques » et que cela avait lieu, en partie, pour que des « spéculateurs comme George Soros puissent gagner beaucoup d’argent en dévastant le continent ». « Soros et ses gens veulent construire une Europe multiculturelle, parce qu’ils n’aiment pas la tradition de l’Europe chrétienne. Nous, nous ne voulons pas nous mélanger à d’autres », avait-il affirmé.
Mépris d’Orban pour les Nations unies
M. Orban, largement réélu pour un troisième mandat d’affilée en avril, n’a jamais apporté la preuve d’un tel plan fomenté par M. Soros. Alors qu’en Allemagne la chancelière Angela Merkel fait l’objet de pressions sans précédent pour durcir sa politique migratoire, il préfère s’arc-bouter sur des positions risquant d’avoir peu de conséquences concrètes, puisque le pays n’a enregistré que 3 390 demandes d’asile en 2017, contre 29 430 un an plus tôt. La Hongrie n’a accordé l’asile qu’à 105 personnes en première instance l’année dernière.
En 2017, Budapest avait déjà été la première capitale au sein de l’Union européenne à obliger les ONG à déclarer leurs ressources étrangères et à spécifier sur toutes leurs publications qu’elles sont subventionnées par l’étranger. Il avait notamment invoqué la lutte nécessaire contre le terrorisme, les migrants étant stigmatisés par les élus du Fidesz comme de potentiels poseurs de bombe.
Ultime provocation : le durcissement de la législation hongroise est entériné à l’heure où l’ONU tente de sensibiliser l’opinion mondiale à la cause des réfugiés, à l’occasion d’une journée dédiée aux déplacés. Il faut voir dans cette concordance des temps la preuve supplémentaire du mépris que Viktor Orban réserve aux Nations unies, dont il conteste régulièrement la légitimité, à l’image du président américain, Donald Trump. Le Haut-Commissariat aux réfugiés avait demandé en vain à la Hongrie de renoncer à cette nouvelle loi « violant les droits humains ». L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a critiqué la « criminalisation d’activités absolument légitimes ».
Source : www.cameroonweb.com