Parcours enviable : Secrétaire général de l’OUA, Premier ministre du Togo, politicien et intellectuel émérite appréciable et apprécié, il a laissé à l’Afrique le souvenir d’une personnalité égoïste imbue de sa personne au profil plutôt aristocratique, vachement démesuré.
Déconnecté d’une tradition et de réalités proprement africainanistes dont il se revendiquait avec le ronflant titre de panafricaniste, grossier contraste, Edem Kodjo de son existence n’a su naviguer que sur des intérêts personnels contre les aspirations profondes et légitimes des peuples.
En témoigne la gestion de la crise de la république arabe saharahouie face au Maroc lorsqu’il était à la tête de l’organisation de l’unité africaine.
Inventeur, parrain invétéré, pour Eyadema, et cerveau scholastique du Livre Vert qui a accouché du RPT, Rassemblement du Peuple Togolais, parti Etat, arme idéologique à laquelle il a assigné une orientation monstrueuse qui a martyrisé tout un peuple depuis 50 ans, Edem Kodjo a passé sa vie, contre récompense bien entendu, à asseoir le règne sans suite de Gnassingbe Eyadema.
Il reviendra sur les lieux du crime 38 ans après la mort de celui-ci, aider à installer son fils dans le goinfre refrain de poste de Premier ministre de Faure Gnassingbe.
Ni pour le Togo, ni pour sa démocratie, il n’a été capable de laisser des traces indélébiles de son existence. Tout pour lui et pour lui seul.
Sur le plan social, son luxueux domicile dans son village natal à Noepé côtoie allègrement sans pitié les taudis des parents voisins qui s’en sortaient à peine pour le repas quotidien.
Aux quartiers Hanoukope et Tokoin hôpital, son existence ne tient qu’à empêcher les riverains de circuler librement. Des barricades stupides qui obligeaient à des contournements ennuyeux et obligatoires.
J’ai eu l’occasion de rencontrer Edem Kodjo à plusieurs reprises.
Au siège de son parti, à son domicile et dans les réunions politiques.
Le souvenir que je garde de l’une de ces rencontres remonte à 2005, j’étais Rédacteur en Chef de la Radio Kanal FM.
Apres l’élection présidentielle émaillée de violences au lendemain de la mort de Gnassingbe Eyadema, je lui ai posé la question de savoir s’il reconnaissait la victoire de Bob Akitani, candidat unique de l’opposition.
Il m’a pratiquement rabroué, a piqué une colère de cobra, s’est levé pour revenir confié à mon micro que c’est plutôt le candidat du PFC, qui devrait reconnaître sa victoire. Ce fut sans doute une entorse à la revendication de la victoire du candidat de l’opposition Bob Akitani, une victoire qui ne se lisait pas dans les incantations et les tours de prestigitations comme celle de 2020.
Edem Kodjo, c’est aussi la fondation Pax Africana, cette ONG originellement mordue par la culture de paix au nom de l’Afrique qui s’est contentée de voler perpétuellement au secours des autres pays au détriment du Togo, le pays de son animateur.
Alors que le Togo ployait sous le poids d’un déficit démocratique avec des violations graves des droits de l’homme, Edem Kodjo préférait s’occuper du Mali et de ses djihadistes, de la Centrafrique avec ses champs de diamants ou encore de la RDC avec ses mines de cobalt.
Neutralité désinvolte nourrie d’un silence coupable ou désengagement suspect consécutif au dédain pour un peuple togolais qui a refusé de soutenir son obsession d’être Président de la République. Nul ne saurait comprendre.
Ce fut un silence coupable pour être plus simpliste.
Ces coups de gueule à l’endroit de Edem Kodjo, je les ai proférées lors du vivant de l’homme. Nous en avons discuté lui et moi à plusieurs reprises.
À sa mort, je les réitère dans la logique formelle de mes observations et de mon sens de devoir, sans avoir la prétention de le juger.
Il a vécu Edem Kodjo. Il était une éminence grise, paré d’une élégance extraordinaire qui rimait avec un art rethorique châtié qui forçait l’admiration. Un grand homme de taille physique qui prenait le temps de choisir ses mots pour s’adresser à ses adversaires. Des compétences et atouts, une notoriété qu’il aurait pu mettre au service de l’alternance et du développement du Togo.
Hélas, il est parti sans avoir réussi à le faire.
Laissant un parti débridé qui n’a plus de substance à faire valoir, une fondation peu luisante, sinon enlisante, un Togo resté miné par des apories politiques qu’il lui a infligées, une classe politique émoussée qui cherche constamment des repères de résurrection…. Bref un Togo qui attend constamment les lueurs de l’alternance.
Il est parti à une période qu’il n’aura jamais souhaité de sa vie, dans monde frappé par le COVID-19 où pour organiser ses obsèques les invités doivent se résumer à 15.
Edem Kodjovi Kodjo a bien vécu. Pour lui et sa progéniture. Pour le Togo, pas évident.
Paix à son âme.
Carlos Ketohou.
Source : 27Avril.com