Grève du SYNPHOT : Cris de détresse des patients

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Le mot d’ordre de grève lancé lundi par le Syndicat des praticiens hospitaliers du Togo (SYNPHOT) a été largement suivi ce mardi. Un tour dans les différents hôpitaux de la capitale laisse découvrir la gravité de la situation.

Du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) Sylvanus Olympio à l’Hôpital de Bè, en passant par le CHU Campus et le Centre Hospitalier Régional (CHR) de Lomé, l’ambiance est morose. Couloirs sont vides, pas un seul médecin ou infirmier dans les salles. Bon nombre des malades et les gardes malades ont déserté les lieux. Au CHU Sylvanus Olympio, le service d’urgence est complètement vide. Il n’y a que les bancs et les chaises vides qui accueillent les curieux. Quelques patients grabataires, complètement atteints et n’ayant plus la capacité de se déplacer, sont cloués aux lits et livrés à eux-mêmes. Leurs accompagnateurs, eux, ne savent plus à quel saint se vouer. A la vue de nos caméras, ils s’éclipsent. Ils ne veulent pas être filmés, ni se prononcer sur la situation.

Mais certains patients, malgré leur état de santé, prennent le courage à deux mains et nous décrivent, sans ambages, l’enfer qu’ils vivent dans ce mouroir dirigé.

M. Abdoul Moussa, la cinquantaine, allongé sur son lit d’hôpital totalement amorti, très soucieuse et presque au bord des larmes, nous confie : « Cela fait plus d’un mois et demi que je suis hospitalisé ici. Voici les médicaments prescrits par le docteur pour mon opération. Mais depuis, je suis dans l’entente. Et ce, à cause des grèves à répétition du personnel soignant. Normalement, mon opération est programmée pour aujourd’hui. Mais à cause de la grève, je suis cloué au lit ici, et à la merci des punaises et des moustiques. Aucun médecin ni infirmier n’est venu nous assister ce matin. Moi, je n’accuse personne. Les agents de santé sont dans leur droit. A part la libération de leur collègue et les deux étudiants en médecine arrêtés par le SRI, ils ne réclament que les matériels nécessaires pour la prise en charge des patients. Ils n’en demandent pas plus ».

Plus loin, dans le service de traumatologie, c’est la même galère. Le lieu est à moitié vide. Aucune trace du personnel soignant. Dans la salle mal équipée où sont hospitalisés les patients, l’état vétuste des lits force le regard. Les quelques patients, allongés sur leur lit d’hôpital, ont le visage émacié d’émoi.

M. Abli a la jambe droite en plâtre et suspendue en l’air. A la vue de notre caméra, il nous faisait signe avec la main de venir. « Vous êtes des journalistes non ?J’ai quelques mots à dire à nos autorités ». Le sexagénaire, très affaibli, a quand même fait un petit effort pour nous présenter sa situation.

« Cela fait plus de deux moi que je suis venu dans cet hôpital après mon accident. A chaque semaine, les agents de la santé observent des grèves. Nous leur avons demandé mainte fois les motifs de leur débrayage. Et ils nous ont dit qu’ils réclament de matériels pour pouvoir bien nous soigner. La semaine dernière, alors que nous sommes dans l’attente d’une solution, on nous apprend qu’un professeur est arrêté et que ce professeur est l’un des docteurs du pays. Voilà qu’hier, le personnel soignant entre encore en grève sèche. Hier c’était la catastrophe ici. Des gens ont pleuré. Certains ont piqué crise après avoir appris la nouvelle grève sèche. De nombreux patients sont rentrés chez eux. C’est par témérité que nous, nous sommes restés ici. Je voudrais que mon message parvienne au chef de l’Etat en personne. Nous les patients, nous souffrons trop dans cette situation. Quand les agents de la santé font grève, c’est nous qui ramassons les pots cassés. Depuis le matin, nous sommes ici. Aucun médecin n’a daigné venir nous rendre visite. C’est triste mes enfants », a-t-il lâché. Et de poursuivre : « Nos conditions de vie dans cet hôpital sont exaspérantes. Que nos autorités prennent la mesure de la situation et satisfassent les revendications du personnel soignant. Sinon nous allons mourir ».
Dans les autres services, la situation est presque la même. Du côté du service de Chirurgie Pédiatrie, c’est la désolation. Là, certains patients et leurs accompagnateurs, lassés par la situation, ont dû simplement ramasser leurs bagages pour rentrer chez eux.

Ce n’est que le début des 96 heures de grève lancée par les agents de santé réunis au sein du SYNPHOT. Interrogé, le Lieutenant-colonel Adom Wiyao Kpao, Directeur Général du CHU S.O trouve « exagérer » cette grève de 4 jours décrétée par les responsables de SYNPHOT. « Il faut dire que chez moi, les gens font un peu de la paresse. Ils disent qu’ils font grève, mais on les retrouve dans les cliniques en train de travailler. Ils refusent de venir travailler, et si on prélevait ces heures d’absence sur leur salaire, ils vont encore crier qu’on ne les paie pas. Vous avez filmé ? Vous avez vu l’état dans lequel se trouvent les malades ? Voilà le comportement de ceux qui ont prêté serment de sauver des vies. Ce n’est pas bon », a-t-il argumenté.

Rappelons que le syndicat des praticiens proteste contre la détention arbitraire du Professeur Watéba Ihou, premier Vice-doyen de la Faculté des sciences de la santé et des étudiants par le Service de renseignement et d’investigation (SRI). Les détenus ont été libérés. Le syndicat a maintenu la grève pour exiger l’équipement des centres de santé au Togo, afin de faciliter le travail au personnel soignant qui est à bout.

Le SYNPHOT maintient la grève pour dénoncer également le dilatoire du gouvernement face à sa plateforme revendicative élaborée depuis quelques années. Vendredi prochain, le syndicat tiendra encore une autre Assemblée Générale.

A. Godfrey

Source : www.icilome.com