Un mouvement de grève est de nouveau annoncé à l’Université de Lomé. Les initiateurs, un groupe d’enseignants-chercheurs qui entendent dénoncer les précomptes effectués sur leurs salaires, à la suite d’une précédente cessation de travail, en juin dernier. Pourtant, le droit de grève obéit à une réglementation précise, y compris dans l’enseignement supérieur. Et cela, il serait curieux voire inquiétant que des enseignants-chercheurs l’ignorât.
Début juin, un groupe d’enseignants-chercheurs lançait une grève de six (06) jours autour d’une plate-forme revendicative en onze (11) points. Notamment « la prise en compte des augmentations obtenues en 2011 dans le calcul des pensions des retraités, le remboursement des cotisations faites par les contractuels intégrés dans la fonction publique, l’intégration systématique dans la fonction publique des enseignants inscrits sur une liste d’aptitude du CAMES, l’élection des doyens de faculté par tous les enseignants, la fin de l’ingérence de la gendarmerie dans les affaires universitaires, l’augmentation des moyens pour leurs recherches » etc. Une grève illimitée soutenue par certains syndicats a été lancée par la suite.
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Mais des négociations ouvertes avec le gouvernement et la présidence de l’université ont abouti à la levée du mot d’ordre avec en contrepartie, l’effectivité des augmentations des primes et salaires pour le mois de juillet et un rappel de ceux-ci pour les mois de janvier et février 2018. Fin juillet, les enseignants chercheurs constatent que des précomptes ont été effectués sur leurs salaires correspondant à cinq (5) jours de grève. Ils s’en émeuvent et décident de mener une série d’actions pour contraindre les autorités universitaires à revenir sur cette décision. Et menacent de bloquer les copies des étudiants. Un cadre juridique clair Le droit de grève, consacré par l’article 39 de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992, « s’exerce dans le cadre des lois qui la réglementent ».
Toute cessation concertée de travail par des agents publics constitue une manifestation de grève et par conséquent, une absence de service fait. À cet égard, lorsqu’un préavis de grève a dûment été déposé, le recensement des agents ayant cessé le travail incombe à l’Administration. Ce point a fait l’objet d’une directive du ministre chargé de la Fonction publique. En effet, le droit de grève doit être concilié avec le principe selon lequel, la rémunération constitue la contrepartie du service fait. C’est la règle dite du trentième indivisible qui s’applique en cas de service non fait. Le décret n° 91-167 du 31 mai 1991 aménageant l’exercice du droit de grève dans la fonction publique en ses articles 6 et 7 retient que « l’absence de service fait, par suite de cessation concertée de travail, entraîne une retenue proportionnelle du traitement ou du salaire et de ses compléments autres que les suppléments pour charges de famille. Les retenues sont opérées en fonction des durées d’absence », « Il n’y a pas service fait lorsque : l’agent s’abstient d’effectuer tout ou partie de ses heures de service?; l’agent bien qu’effectuant ses heures de service, n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction ». Par la suite, l’article 8 du décret précité dispose que pour chaque journée, le calcul de la retenue se fait de la façon suivante : lorsque la grève n’excède pas deux heures, la retenue est égale à un cinquantième du traitement ou du salaire mensuel ; lorsqu’elle dépasse deux heures, sans excéder une demi-journée, la retenue est égale à un quarantième du traitement ou du salaire mensuel et lorsqu’elle dépasse une demi-journée, la retenue est égale à un trentième du traitement ou du salaire mensuel».
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Longtemps épargnés, l e s enseignants-chercheurs pensent que la suspension de toutes activités est sans conséquences pécuniaires. Soyons clairs, il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire.
La retenue sur salaire est un simple calcul comptable. La retenue pour absence de service inclut le traitement, les primes et indemnités versées à l’agent en considération du service accompli. Au fait, la retenue sur salaire pour absence de service fait est illustrative de l’histoire de la bête et de la belle. Ils doivent comprendre qu’ils subissent cette diminution de salaire dans l’optique que si les discussions aboutissent, ils obtiendront une augmentation subséquente.
Dès lors que l’augmentation de salaire ainsi que les autres revendications sont prises en compte par le Gouvernement, tout naturellement, les enseignants du supérieur doivent être heureux que leur sacrifice ait été salutaire. En réalité, cette dernière amélioration de leur traitement salarial est l’aboutissement du doublement des salaires retenu par le Gouvernement en 2011. Ignorance de la pratique syndicale : De fait, la grève est totalement non pertinente. Si les enseignants chercheurs sont mécontents des retenue s sur sa la ire opéré précédemment, il leur appartient de se retourner contre l’organisation syndicale indicateur du mouvement. En effet, dans la pratique syndicale, c’est aussi un élément aire. Lorsque le mouvement de grève dépasse un jour, c’est l’organisation syndicale qui supporte le manque à gagner qui est lié à la retenue sur salaire pour fait de service non-accompli.
Toutefois, la menace de grève de cette semaine sera préjudiciable aux enseignants du supérieur. Par hypothèse d’école, si le mouvement est lancé à partir du 7 août de façon illimitée, à la fin du mois d’août, les enseignants ne percevront que 6 jours de salaire. Plus encore, ceux qui font des remboursements de prêts bancaires se retrouveront en situation d’insolvabilité avec son lot de conséquences. Au fond, les enseignants du supérieur n’ont rien à gagner, sinon tout à perdre en cette fin d’année universitaire. La grève ne les dispense que de la mission d’enseignement sur laquelle ils ont la maîtrise. En revanche, les activités d’évaluation jusqu’à la proclamation des résultats sont des obligations intangibles qui leur échappent. Leur refus d’évaluer les étudiants ou de remettre des notes serait tout simplement une grève administrative non protégée par aucun texte.
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À partir de là, l’Université de Lomé pourrait remettre les enseignants fonctionnaires grévistes cherchant à paralyser l ‘ administration académique à la disposition de la Fonction publique. Mais ceux qui sont sous contrats se verront systématiquement licencier. La désorganisation syndicale est la face d’ombre du système universitaire. Pour l’enseignant supérieur, l’ordre, la liberté et la discipline sont aujourd’hui des indicateurs minimums et globaux de réussite, les conditions nécessaires et parfois suffisantes de l’auto-estime comme de la réputation professionnelle
Source : Focus Infos N°203
Source : www.togoweb.net