Le Togo dispose d’une richesse minière impressionnante. C’est une lapalissade. Le pays est assis sur d’innombrables ressources naturelles à telle enseigne que certaines personnes n’hésitent pas à le qualifier de « pays béni de Dieu ». Il possède du pétrole en offshore et aussi du marbre, du manganèse, des attapulgites, du calcaire, du fer, de l’or, de l’uranium, mais surtout un très important gisement de phosphates dont il est d’ailleurs le cinquième producteur mondial. Malheureusement, ces minerais, au lieu de profiter aux populations, constituent plutôt pour elles une source de « MALEDICTION ».
Parler du secteur minier togolais, c’est prendre le risque d’ouvrir un chapitre délicat des séries de scandales dans l’histoire du pays. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, l’exploitation de ces ressources entourée d’une opacité quasi légendaire a des conséquences malheureuses sur l’environnement, mais aussi pour les populations des zones concernées. Si l’exploitation de certains gisements « prospère», d’autres par contre n’ont pas fait long feu. C’est le cas du gisement de manganèse de Nayiega (Kpendjal) où, après quelques mois de production, la société « Ferrex plc » a disparu, abandonnant les carrières de plusieurs hectares, mais aussi la main d’œuvre locale qu’elle employait.
Une visite dans la localité nous a permis de toucher du doigt les réalités liées à cette exploitation ainsi que les conditions de vie de ses populations, qui croupissent« naturellement » sous le poids d’une misère « affreuse ».
L’éphémère exploitation
Nayiega est un village de quelques centaines de personnes, situé aux abords de la Nationale 24, qui quitte Dapaong pour Mandouri à la frontière du Bénin, en passant par Naki-Est et Borgou. On y retrouve une large communauté Moba, comme dans la plupart des villages de la région des Savanes. Cette localité qui, en principe, devrait connaître une prospérité enviable puisqu’elle héberge une immense réserve de manganèse, se trouve paradoxalement dans un état de délabrement total.
Pour l’exploitation des minerais de manganèse, il ressort de nos recherches qu’elle avait été confiée à la société britannique Ferrex plc qui s’est muée en Keras Plc fin 2015. Cette compagnie d’exploitation des ressources minières possède dans son portefeuille un des actifs au Togo, au Gabon et en Afrique du Sud.
Le projet de Nayiega couvre 92 390 hectares et porte sur un gisement principal long de 2,2 km et large de 500 m, avec une épaisseur moyenne de 3,3m. Cette société avait décroché en 2014 le permis de conformité environnementale pour ledit projet et annoncé le 30 octobre de cette même année, l’obtention du précieux sésame qui lui pave la voie pour l’exploitation minière.
La compagnie minière cotée à Londres avait, par ailleurs, obtenu des extensions de ses permis de prospection, suite à sa renonciation à 50% de la superficie couverte par le projet conformément au code minier en vigueur. Lesdits permis lui avaient été renouvelés pour deux nouvelles années et devraient à échéance être reconduits pour une autre période de deux ans. «Le renouvellement du permis d’exploration démontre aussi l’appui que la compagnie reçoit au Togo et nous permet de continuer le programme d’exploration en cours qui est en train de définir une nouvelle minéralisation de manganèse hors du gisement principal de Nayiega », avait commenté Dave Reeves, Directeur général de Keras, qui s’est dit « ravi » de l’obtention du permis de conformité environnementale.
Pour ce qui concerne la convention d’exploitation, Ferrex avait annoncé le 30 mars 2015, qu’après plusieurs mois de négociations, elle est parvenue à un accord avec les autorités togolaises sur une convention minière, ouvrant ainsi la voie à la phase d’exploitation du gisement. «Nous avons fait des progrès significatifs, en amenant, au cours des deux derniers mois, le projet manganèse à sa mise en valeur», faisait savoir Dave Reeves.
Tout porte à croire que l’exploitation proprement dite a du plomb dans l’aile car, sur le terrain, les travaux sont à l’arrêt. Mais, interrogé en mars 2017 par l’agence rutilance.com, le Directeur général de Keras a affiché un optimisme quant au projet. « Nous espérons commencer le développement du projet dans le courant de l’année », a-t-il confié.
Mais en attendant la reprise effective de l’exploitation du manganèse, nous avions rencontré les populations de cette localité qui se sont confiées par rapport à ce projet.
L’état des lieux
Le début d’exploitation du manganèse a été bien accueilli dans un premier temps par les populations de Nayiega. Mais très vite, elles ont déchanté suite au départ précoce de la société, mais aussi à cause des conditions de travail précaires et extrêmement difficiles auxquelles la main-d’œuvre locale a été soumise.
Dans les carrières où étaient exploités les métaux précieux, on retrouve des puits de dizaines de mètres qui témoignent logiquement qu’il y a eu à ces endroits des activités minières. Ces puits ont été creusés par des habitants de la localité en contrepartie d’une rémunération. « Quand ils étaient arrivés, ils nous ont approchés pour que nous travaillions pour eux. Comme à part l’agriculture, nous n’avons plus d’activités génératrices de revenus, nous n’avions pas trouvé d’inconvénients. C’est ainsi qu’on a commencé à leur creuser les puits. Sur chaque mètre carré, nous percevions 5000F CFA. Mais le travail était pénible et nous avions revendiqué une augmentation. Ce qui fut fait », raconte un habitant du village. Celui-ci a décrit à sa façon le déroulé du travail. « Une fois que nous finissons de creuser, les Blancs mettaient les pierres aux fours et repartent directement avec la substance. Nous avions fait cela durant quelques mois », ajoute-t-il.
Ces puits laissés ouverts présentent sans doute un réel danger pour les populations dont certaines disposent des champs aux alentours des carrières. «Il arrive parfois que certaines personnes tombent dans les trous, surtout nos enfants qui se promènent dans les parages. C’est vraiment dangereux », affirme un homme du milieu.
En ce qui concerne les terrains, certains propriétaires terriens rencontrés disent n’avoir rien perçu sur les parcelles qui hébergent les gisements dans le cadre du projet. « Quand ils étaient arrivés avec les autorités locales, ils nous ont fait beaucoup de promesses, mais jusqu’à présent, nous n’avons rien perçu», confie un vieux. Cette affirmation a été confirmée par deux de ses enfants qui, eux, disent garder toujours espoir quant à une indemnisation adéquate.
La misère au crépuscule
Les difficultés sont légion à Nayiega. Les populations sont confrontées à un manque criard d’eau potable, comme on le constate d’ailleurs dans la plupart des localités environnantes. « Il y a de vieilles installations d’eaux qui ne marchent pratiquement plus. L’eau est une denrée rare ici, et ce sont surtout nos enfants qui en souffrent. Il est constant de retrouver des personnes atteintes de cécité, d’autres faire régulièrement de la diarrhée. Certains y laissent facilement leur vie », relate un chef de quartier.
Le milieu ne dispose pas de marché public. Pour des activités commerciales, les populations sont obligées de se déplacer sur Naki-Est qui se trouve à quelques kilomètres.
Lors de notre visite, les populations nous ont interpellés par rapport à un pont brisé qui reliait Tierougou aux autres quartiers du village. « Ce pont est vraiment précieux pour nous. Maintenant, pour que les habitants de Tierougou rejoignent l’autre côté du village, c’est la croix et la bannière. Les enfants qui vont à l’école sont obligés de traverser eux aussi, la rivière qui passe sous le pont. C’est une situation compliquée. De grâce, que les autorités nous viennent en aide pour résoudre cette situation », lance un jeune du milieu.
Malgré l’arrêt des travaux, les populations croient toujours à un retour de la société. La récente déclaration de M. Dave Reeves, Directeur général de Keras, qui annonce la reprise incessante des travaux ne peut qu’être salutaire pour les populations qui espèrent qu’avec l’exploitation de leur manganèse, il y aura forcément des retombées pour leur localité. « Nous accueillons favorablement les projets sociaux communautaires bien organisés et nous en avons tenu compte dans tous nos calculs des coûts », évoque-t-il à l’agence Rutilance.com. Et d’ajouter : « Dans la zone Nayiega, la compagnie envisage de réaliser un projet phare qui sera défini en consultation avec la communauté locale et le gouvernement ». Vivement !
Shalom Ametokpo
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