Grâce présidentielle: voici pourquoi le cas Kpatcha fait peur

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C’était un coup de tonnerre dans un ciel serein, car personne ne s’y
attendait. Alors que la Cour d’appel avait prolongé quelques jours plus
tôt son séjour carcéral en le condamnant à vingt-huit (28) mois de
détention dont six (06) avec sursis et sa sortie de prison ne devrait
être qu’en juin 2020, Foly Satchivi a été libéré par Faure Gnassingbé
qui a surpris son monde en accordant une grâce présidentielle.
Élargissant ainsi le cercle de ses graciés parmi les détenus politiques.
Tout compte bien fait, il ne reste que le gros morceau Kpatcha
Gnassingbé.

Une grâce de bon sens

Foly Satchivi était parti pour rester en prison encore neuf (09)
mois. Arrêté le 22 août 2018, jugé et condamné le 16 janvier 2019 par le
Tribunal correctionnel de Lomé à 36 mois de prison dont 12 avec sursis,
pour « apologie de crimes et délits » et « trouble aggravé à l’ordre
public », le Président du mouvement citoyen « En aucun cas » ne devrait
humer l’air de liberté qu’en juin 2020, même si sa peine a été réduite
par la Cour d’appel le 10 octobre à vingt-huit (28) mois de réclusion
dont douze (12) avec sursis. Le concerné même et sa famille qui
espéraient une relaxe pure et simple, se sont fait une bonne raison avec
le jugement de la Cour d’appel. Mais il a plu à Faure Gnassingbé de le
gracier, à la surprise générale, six (06) jours plus tard.

Magnanimité, c’est sous ce prisme que cette grâce est placée par les
caisses de résonnance du pouvoir. « Ce geste du Président de la
République, qui intervient quelques jours après sa condamnation, vient
une fois encore témoigner de sa magnanimité vis-à-vis des citoyens », a
glosé le site officiel de la Présidence de la République,
republiquetogolaise. com. Mais en réalité, cette libération n’est que
bon sens, car Foly Satchivi n’a rien à faire en prison. Il s’y trouve
simplement à cause de la cruauté humaine. Son péché, avoir simplement
outrepassé une interdiction scélérate de l’autorité (sic) et tenu une
conférence de presse sur la feuille de route de la Communauté économique
des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) concernant la récente crise
politique. Toute la litanie de crimes ou délits à lui collée n’est
qu’artificielle pour motiver sa détention. Foly Satchivi payait
simplement pour son activisme en faveur de la démocratie, de
l’alternance, bref de la lutte légitime du peuple togolais. Il payait
surtout pour le culot (sic) à s’engager contre le régime Faure
Gnassingbé. Même libéré, il n’entend pas abandonner la lutte contre son
4e mandat convoité.

Cette détention arbitraire a attiré les regards des organisations
internationales de défense des droits de l’Homme et valu au régime de
Lomé des remontrances et appels tous azimuts à sa libération. Une
mauvaise publicité en somme pour le Togo, déjà coincé dans plein
d’autres dossiers puants. C’est ce qui a nourri les regrets d’André
Afanou, l’ancien Directeur Exécutif du Collectif des associations contre
l’impunité au Togo (CACIT). « C’est vraiment dommage qu’il ait fallu un
tollé au niveau international avant que nos autorités ne libèrent
Satchivi qui n’avait rien fait pour mériter la prison », a-t-il posté
sur sa page Facebook. « Espérons que le chef de l’Etat et son
gouvernement prennent les bonnes décisions en ce qui concerne les autres
questions qui donnent une mauvaise image à notre pays. Il en est ainsi
de la fameuse loi sur les manifestations qui est décriée par tous les
défenseurs au niveau national, mais aussi par la communauté
internationale », a souhaité l’actuel Directeur du Centre de
documentation et de formation sur les droits de l’Homme (CDFDH),
histoire de rehausser l’image ternie du pays, surtout en matière des
droits de l’homme.

Kpatcha Gnassingbé attend son tour

Foly Satchivi n’est que le nième prisonnier à bénéficier de la grâce
de Faure Gnassingbé. Conformément à l’article 73 de la Constitution
togolaise qui stipule que « Le Président de la République exerce le
droit de grâce après avis du Conseil supérieur de la magistrature», le «
Prince » use depuis un bon moment de ces prérogatives
constitutionnelles pour élargir des prisonniers. Il y a eu suffisamment
de détenus de droits communs dont plein de voleurs et autres malfrats
libérés qui ont constitué juste après des problèmes pour la population.
Certains ont repris des braquages… Mais dans le lot, il y a une
catégorie particulièrement qui retient notre attention : les détenus ou «
otages » politiques.

Avant Foly Satchivi, il y a eu tout récemment le 11 août 2019, soit à
la veille de la tabaski, la libération d’Ouro-DjikpaT chatikpi, le
conseiller du leader du Parti national panafricain (PNP) Tikpi Atchadam,
appréhendé le 20 avril dernier suite à une manifestation de son parti
une semaine plus tôt. Même si officiellement ce n’est pas une grâce
présidentielle, cet élargissement en a bien l’air. Précédemment, ce sont
les membres du Mouvement citoyen Nubueke, notamment Joseph Dodji Eza et
Messenth Kokodoko, qui bénéficiaient aussi de la remise de peines
accordée le 30 janvier 2019 à une pile de détenus par Faure Gnassingbé.
On peut remonter le temps et évoquer d’autres cas. Mais dans ce registre
des détenus politiques élargis, il reste un gros morceau : Kpatcha
Gnassingbé.

Arrêté depuis le 15 avril 2009, dans une affaire de tentative
d’atteinte à la sûreté de l’Etat, l’ancien député de la Kozah et
demi-frère de Faure Gnassingbé avait été jugé au cours d’un procès
mouvementé en septembre 2011 et condamné à vingt (20) ans de prison, de
même qu’un certain nombre de coaccusés. En septembre dernier, Kpatcha
venait de passer la moitié de sa peine en détention. Beaucoup de
personnalités ont intercédé auprès du « Prince » afin qu’il le gracie.
Du Président de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation Mgr
Nicodème Barrigah au Président ghanéen et Facilitateur dans le récent
dialogue togolais Nana Akufo-Addo en passant par la Cheffe canton de Pya
Mme Essoham Samah-Sizing ou encore l’archevêque émérite de Lomé Mgr
Philippe Fanoko Kpodzro, tous ont plaidé pour sa libération. Mais Faure
Gnassingbé, qui n’hésite pas à accorder la grâce à d’autres détenus, en
sèvre son demi-frère jusqu’à ce jour.

Dans le cas de la libération de Satchivi, le timing par rapport à la
condamnation de la Cour d’appel fait dire à beaucoup d’observateurs
avisés qu’il s’agit d’un scénario bien huilé. En effet, tout porte à
croire qu’il était quelque part décidé que la Cour d’appel le juge et le
condamne, et que Faure Gnassingbé vienne le gracier et ainsi récolter
les lauriers et les dividendes politiques. Peu importe, l’essentiel est
que la victime recouvre sa liberté. Et d’ailleurs Kpatcha Gnassingbé ne
devrait pas se plaindre, s’il devrait être aussi l’objet de ces calculs
politiciens, l’important étant de recouvrer sa liberté. Après tout,
c’est Faure qui récolterait les dividendes d’une éventuelle grâce
présidentielle. Surtout avec l’imminence de la présidentielle de 2020,
ce serait un argument de campagne de plus au cas où…Certaines
indiscrétions rapportent justement que le Prince réserve ce coup de com
pour le dernier virage pour la campagne…Une chose est sûre, avec cette
valse de grâces accordées par Faure Gnassingbé aux détenus politiques,
il n’y a pas de raison qu’il garde son demi-frère en prison. Et ce
dernier attend son tour…

Tino Kossi

Source : Liberté

Source : Togoweb.net