Godwin Tété sur la position d’Emmanuel Macron dans la crise togolaise

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Après avoir rappelé sa lettre ouverte adressée au président français le 20 octobre dernier, Godwin Tété, membre de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) revient sur la position de la France dans la crise politique qui secoue le Togo depuis 9 mois.

France-Togo : EMMANUEL MACRON ET LA QUESTION TOGOLAISE

Ce qui circoncit le cheval se trouve dans le ventre du cheval » Dicton togolais
En date du 20 octobre 2017, j’ai adressé au Président français Emmanuel Macron la lettre ouverte ci-après reproduite intégralement :

« LETTRE OUVERTE À SON EXCELLENCE MONSIEUR EMMANUEL MACRON, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Par Godwin TÉTÉ

L’Humanité progressiste va-t-elle laisser Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé commettre un génocide au Togo ? !

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.»
[Constitution française de l’an 1, 24 juin 1793, article 35.]

Au petit matin du funeste dimanche 13 janvier 1963, au grand dam de tous les Peuples africains, le tirailleur Gnassingbé Eyadéma – de retour des guerres du Viêtnam et d’Algérie – déclara qu’il venait d’abattre froidement le Père de la Nation togolaise : Sylvanus Kwami Epiphanio Olympio. Puis, de fil en aiguille, il s’empara du pouvoir d’État au Togo le 14 avril 1967. Et, en dépit de toutes les tentatives des démocrates togolais pour mettre fin à son despotisme obscur, celui-ci allait durer jusqu’au 05 février 2005 : date du décès de Gnassingbé Eyadéma.

Alors que le Peuple togolais se mit à se réjouir et à aspirer à un avenir meilleur, un quarteron d’officiers militaires se pointa à la Télévision et présenta Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé (fils de Gnassingbé Eyadéma) comme le nouveau Chef d’État du Togo. Il s’ensuivit un énorme tohu-bohu. Pratiquement tous les Chefs d’État africains, pour une fois, furent unanimes à rejeter une monarchisation sur notre continent. Le Président du Nigeria, Olusegun Obasanjo, alla jusqu’à obtenir de l’Assemblée nationale de son pays l’autorisation d’envoyer des troupes au Togo en vue d’y ramener l’ordre républicain le cas échéant… Le Secrétaire général de l’Union Africaine : Monsieur Alfa Oumar Konaré remua ciel et terre pour empêcher cette monarchisation de la République togolaise. En vain !

Mais, à partir du moment où Monsieur le Président Jacques Chirac leva la voix pour exiger la mise de Faure Essozimna Gnassingbé au pouvoir d’État — parce que, disait-il, Eyadéma était son ami — le monde entier s’aligna sur son bon vouloir…

On est dès lors en droit, Monsieur le Président, d’affirmer que c’est bel et bien lui qui nous a imposé Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé comme Chef d’État au Togo.

La résistance pacifique du Peuple togolais à cette accession au pouvoir d’État nous coûta, selon respectivement les Nations Unies et la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH), 500 (cinq cents) et 800 (huit cents) vies humaines, des milliers de blessés, ainsi que plus de 100.000 (cent mille) réfugiés dans les pays avoisinants.

En matière de développement humain, tout ira de misérabilisme en misérabilisme…

Voilà pourquoi, à compter d’août 2017, le Peuple concerné, de guerre lasse, s’est lancé dans une farouche insurrection. Alors, le régime éyadémao-gnassingbéen a remis en branle sa STRATÉGIE DE LA TERREUR à présent bien huilée ! À telle enseigne que, si nous n’y prenions garde, nous risquerions d’assister, impuissants, à un VÉRITABLE GÉNOCIDE (!!!) de la part de ce régime.

Excellence Monsieur le Président, puisque, en dernière analyse, il appert que c’est Monsieur Jacques Chirac qui a imposé Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé à la tête du Togo, et en vertu du principe de la continuité de l’État, j’ose prendre la liberté de vous supplier de bien vouloir user de toute votre influence pour que notre roitelet post et néo-colonial CÈDE, sans délai, en douceur, sans verser outre mesure le sang du brave et pacifiste Peuple togolais.

Je vous en remercie infiniment par anticipation, et vous prie d’accepter, Excellence Monsieur le Président, les assurances de ma très haute considération.

Paris, le 20 octobre 2017
Godwin TÉTÉ
Togolais et Français « Ancien fonctionnaire international des Nations Unies »

Et, en lisant ce jour l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique » n°2994 du 27 mai au 02 juin 2018, je me suis senti hautement gratifié (!) par les lignes qui suivent, émanant d’une interview de Monsieur Jules – Armand Aniambossou : collaborateur direct (!) d’Emmanuel Macron et Coordonnateur (!) du « Conseil présidentiel pour l’Afrique » (CPA) – interview réalisée par Anna Sylvestre – Treiner :

« Comment croire que la France puisse avoir les mêmes relations avec les pays africains qu’avec, par exemple, ceux d’Amérique latine?

La France a une politique extérieure, pas une politique africaine. Dans ce cadre, l’Afrique est une priorité. C’est bien pour cela, d’ailleurs, que le président s’adresse à tous les chefs d’Etat, même à ceux qui sont parfois qualifiés de « dinosaures » ou de « dictateurs».
Cela lui a été reproché…

Je vous arrête tout de suite. La règle dans les relations internationales, c’est qu’on reçoit tous ses homologues. Qu’est-ce qu’on lui reproche ? Pourquoi est-ce qu’il voit Déby Itno? Pourquoi est-ce qu’il voit Ouattara? Mais parce qu’i1 n’a pas le choix ! Et c’est même la raison pour laquelle le président privilégie d’autres canaux, comme la société civile ou les jeunes entrepreneurs. Mais soyez assurés que, lorsque des chefs d’Etat se rencontrent, ils se disent des choses. Si Macron parle franchement à Trump ou à Merkel, pourquoi voulez-vous qu’il ne dise pas ce qu’il pense aux chefs d’Etat africains? Il estime que tout le monde doit être logé à la même enseigne.

N’est-il pas plus conciliant que ses prédécesseurs avec certains régimes?

Notre maître mot, c’est le respect de la souveraineté. Lorsqu’il y a des situations de crise, c’est d’abord aux pays concernés de trouver la solution, puis aux organisations sous-régionales. Regardez Yahya Jammeh: il a été «déguerpi» parce que la Cedeao a considéré que les limites avaient été franchies. Il faut qu’il en soit de même en Afrique centrale et en Afrique australe. La France n’est pas le gendarme du continent. On lui a souvent rapproché d’intervenir de manière intempestive, est-ce qu’on va aujourd’hui lui reprocher le contraire? Nous ne sommes ni dans 1’indifférence ni dans l’excès de prudence.

S’agissant de pays comme la RD Congo, où Joseph Kabila se maintient au pouvoir après l’expiration de son mandat, la France n’est-elle pas trop discrète?

Dans le cas de la RD Congo, on reproche à la France tout le contraire de ce qu’elle fait en réalité. Certains nous disent: la France nous a-t-elle laissés tomber? Parfois, i1y a des incompréhensions, et c’est mon rôle de les faire remonter. Il y a eu trois situations dans lesquelles le CPA a alerté Emmanuel Macron: le Togo, la RD Congo et, plus récemment, le Burundi.

Quels sont les messages que vous avez alors fait passer à Emmanuel Macron?

On a bien senti que des gens étaient troublés. À tort ou à raison, ils pensent qu’on cautionne ces situations. Nous avons dit que cela méritait une explication de la position française, qu’elle soit publique ou réservée aux dirigeants concernés.

Avez-vous été entendus?

Tout incite à penser qu’il n’y a ni collusion, ni soutien, ni double 1angage. Il y a un principe de réalité, qu’il faut admettre. Nous ne pouvons pas faire les choses sans les Africains eux-mêmes. Mais si la jeunesse veut « dégager » les dictateurs au pouvoir, lesdits dictateurs dégageront plus vite qu’ils ne le pensent.

Ces aspirations au changement peuvent donc, selon vous, être légitimes ?

Pensez au Togo. Lorsqu’i1 était à Abidjan, le président a dit les choses comme il les pense, à savoir que cinquante-sept années de pouvoir de la même famille, ça peut à juste titre inciter les Togolais à réclamer le changement. Par le passé, je ne sais pas si un chef de 1’État français se serait exprimé ainsi. L’aspiration au changement est légitime partout. Et je pense même que, si les gouvernants étaient bien inspirés, ils s’appuieraient davantage sur ces aspirations légitimes de la jeunesse et de la société civile pour essayer de reconstruire autre chose ». [Cf. l’hebdomadaire sus-mentionné, pp.31 – 32].

À BON ENTENDEUR, SALUT TROIS FOIS !!!

Lomé, le 31 mai 2018
Godwin Tété

Source : www.icilome.com