Par Serge Lemask, togo-online.co.uk
Le champion d’UNIR, Faure Gnassingbé, souffle une bougie de plus ce mercredi. En cette occasion, le délégué national aux affaires intérieures du Parti des Togolais, Gnimdéwa Atakpama lui offre un énorme gâteau dont chaque part du gâteau représente l’un des échecs de sa politique. Il lui demande donc de se montrer courageux et dans un sursaut de lucidité, prendre la décision qui s’impose. C’est dans un courrier dont voici la teneur !
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Lettre ouverte à Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé
« C’est le moment de vous montrer courageux. Prenez la décision qui s’impose !»
Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé,
Aujourd’hui, vous soufflez, paraît-il, une nouvelle bougie. J’ai préparé un gâteau d’anniversaire pour vous mais je ne sais où le livrer. Chaque part du gâteau représente l’un des échecs de votre politique. Je ne vous dis pas comment le gâteau est énorme!
Je m’appelle Gnimdéwa Atakpama.
Je suis né dans les « années sacomi ».
Vous qui avez largement plus de quarante ans, vous savez peut-être que les « années sacomi » au Togo ont rimé avec disette et famine.
Savez-vous que c’est durant ces années noires que les Togolais ont découvert l’aide alimentaire internationale avec les fameuses semoules jaunes que l’Occident envoie à ses anciennes possessions pour soulager sa conscience ?
A Lomé, ce qui tenait lieu de classe moyenne tirait son épingle du jeu en s’approvisionnant en baguettes de pain à la boulangerie Sacomi. C’est la boulangerie qui a donné le nom à la baguette de pain.
Ces années de disette et de famine survenaient une décennie après l’accession tragique de votre père au pouvoir.
Monsieur le chef d’Etat sortant,
Il arrive que l’histoire se répète. Mais au Togo malheureusement, elle ne fait que bégayer. Cela dit, allons au vif du sujet car mon dessein ici n’est pas de faire le procès de vos treize années de règne.
Au moment où, comme il fallait s’y attendre, le vingt-septième dialogue intertogolais est dans l’impasse, je voudrais vous exhorter à saisir la chance qui s’offre à vous aujourd’hui pour entrer dans l’histoire par la grande porte.
C’est le moment idéal pour vous de prendre une décision courageuse dans un sursaut d’orgueil et de lucidité.
Voyez-vous, monsieur le chef d’Etat sortant, votre père, le général Eyadéma avait eu en 1990 plusieurs opportunités qui lui auraient permis d’engager lui-même notre pays vers l’édification d’un Etat de droit.
Malheureusement, il a choisi de ne pas les saisir. S’il l’avait fait, vous ne seriez pas aujourd’hui obligé d’usurper pour lui le titre de père de la Nation. Les Togolais eux-mêmes l’auraient consacré père de la démocratie.
Serez-vous en mesure de faire la différence ?
Pour vous aider, je me permets de vous rappeler quelques dates pouvant vous permettre de vous rendre compte de la similitude des actions de votre défunt père avec les vôtres depuis le rebondissement que connait la longue crise du Togo.
La première occasion manquée de votre père date du 21 mai 1990, lors du 7eme conseil national du RPT (Rassemblement du Peuple Togolais) où les responsables du Parti-Etat ont clairement dit non au multipartisme. Ils ne proposaient au peuple togolais en tout et pour tout que la séparation du parti et de l’Etat. En gros, un marché de dupes. Je revois encore Monsieur Selom Klassou, le premier ministre actuel s’époumonant sur la seule télévision du pays TVT avec ses collègues du MONESTO, une aile marchande du parti unique RPT : « Un seul pays, le Togo ! Un seul parti, le RPT ! Un seul chef, Gnassingbé Eyadéma. !»
Le dernier congrès d’UNIR n’a pas fait mieux. Comme votre père en 1990, vous avez manqué l’occasion historique d’organiser la mutation du Togo vers la démocratie. Une de plus !
La première occasion manquée étant l’atelier du HCCRUN dont les conclusions dégageaient un large consensus au sein de la classe politique et de la société civile.
La seconde erreur stratégique de votre père a été d’avoir recours à la répression en arrêtant des étudiants ayant rédigé et distribué des tracts le 23 août 1990. Et comble de tout, quatre personnes parmi les prévenus interpelés ont été torturées au fouet et à l’électrochoc.
Une meilleure réaction de la part de votre père aurait évité au pays le soulèvement populaire du 05 octobre 1990.Malheureusement, cette tragédie non plus ne sera pas suffisante pour inciter votre père à prendre la mesure de la situation.
Le 10 octobre, le comité central du RPT, présidé par votre père en personne décide de la mise sur pied d’une commission chargée de préparer un projet de référendum pour une nouvelle Constitution !
C’en était de trop pour les populations. La crise s’accentue avec la grève des chauffeurs de taxi les 26 et 27 novembre 1990.
Déni ou désinvolture, votre père s’envole pour un sommet de la CEDEAO à Bamako. La démobilisation sur laquelle tablait votre père n’a pas eu lieu. Au contraire !
Le 03 janvier 1991, des incidents fonciers surviennent dans la Béna (Wawa) sur fonds d’exodes massifs de populations.
Le message à la Nation très attendu de votre père ne survient que sept jours plus tard et n’annoncera que, comble de l’ironie, comme mesure de sortie de crise, la suppression des cotisations prélevées à la source au bénéfice du RPT depuis 1977.
Les évènements vont très vite s’emballer.
12 mars 1991 : troubles et affrontements sur le campus universitaire de Lomé (la seule à l’époque).
Dix associations se coalisent pour créer le FAR, Front des associations pour le Renouveau, et appellent à une manifestation de rues le 16 mars 1991.
Comme à son habitude, votre père fait réprimer la manifestation. Peine perdue ! Puisque le 18 mars, il est obligé de négocier avec le FAR la tenue d’un forum national de dialogue.
Rebelote le 11 avril où votre père a fait voter à son corps défendant des lois portant amnistie et charte des partis politiques.
Que de temps perdu !
Le pire n’était pourtant pas encore connu.
Le 12 avril 1991, l’opinion nationale et internationale est traumatisée par un drame. L’Agence France Presse (AFP), citant les riverains, révèle la découverte de 19 cadavres dans la lagune de Bè. Ces personnes avaient été tuées par les forces de sécurité dans la nuit du 10 au 11 avril 1991.
Malgré le traumatisme, le peuple est resté mobilisé.
A la faveur de la récente charte des partis politiques, le FAR se dissout et laisse la place au FOD (Front de l’opposition démocratique).
Ce dernier lance un mot d’ordre de grève générale illimité à compter du 06 juin pour exiger une Conférence Nationale souveraine avec décisions exécutoires en lieu et place du forum national de dialogue cher à votre père.
La grève générale a bien eu lieu, et 4 jours durant (du 06 au 09 juin), tout le pays est bloqué. Votre père est obligé de rendre les armes. Il reçoit une délégation du FOD. Le 12 juin 1991, un accord est signé pour la tenue d’une conférence nationale à Lomé.
Si vous m’avez suivi jusqu’ici, vous avez sans doute vu le rapport entre les trajectoires respectives de votre père et vous.
Face à un peuple qui voulait entrer dans une ère de démocratie par la porte d’une conférence nationale, votre père, comme vous aujourd’hui, a sorti de son chapeau un projet contestable et contesté de référendum consacrant une nouvelle République. Le peuple n’en voulait pas. Il a résisté puis sous la pression populaire, il est obligé de céder. Et la Conférence Nationale Souveraine eut lieu.
Sauriez-vous tirer les leçons du passé ?
Monsieur le chef d’Etat sortant,
Le Togo ne demeurera pas éternellement le canard boiteux de la sous-région.
Dire aujourd’hui que le Togo, le plus malchanceux des pays de la CEDEAO va connaître la démocratie est une prédiction raisonnable.
De quel côté de l’Histoire serez-vous alors ?
Monsieur le chef d’Etat sortant,
La roue tourne ! Forcément !
En 1999, j’étais en Terminale D dans le seul lycée de la ville de Kara. En tant que président du Club Unesco du Lycée Kara, j’ai organisé le premier concours « Miss collégienne » de l’histoire de cette ville.
Le lendemain, des militaires envoyés par feu votre frère aîné Ernest Gnassingbé-Essoham sont venus me chercher parce qu’il était irrité de ne pas avoir été invité par ce « petit fraichement débarqué de Lomé qui ne connait pas les usages de notre ville ».
J’ai échappé à l’enlèvement en prenant le maquis. Pour pouvoir revenir dans la ville et continuer de suivre les cours, j’ai dû envoyer à feu votre frère aîné une lettre d’excuses.
Sept ans plus tard, j’étais professeur d’Histoire-géographie dans une école française de la place, et, devinez qui j’avais parmi mes élèves !
Yonathan et Liora, les propres enfants de feu votre frère aîné Ernest Gnassingbé-Essoham.
Quelle ironie du sort !
Je vous le disais, la roue tourne.
J’ai eu aussi comme élève en classe de Sixième et de Cinquième, dans la même école, votre fille Laurence. Qu’elle était polie et studieuse ! Si je compte bien, elle doit être actuellement à l’université, probablement en 2e ou 3e année.
Que souhaitez-vous pour elle ?
Monsieur Faure Gnassingbé,
C’est le moment de vous montrer courageux !
Dans un sursaut d’orgueil et de lucidité, prenez la décision qui s’impose !
Prenez-la maintenant !
Il n’y aura aucune chasse aux sorcières ! Les Togolais n’en veulent pas et n’aspirent qu’à la paix.
Lomé, le 06.06.2018
Gnimdéwa Atakpama
Délégué National aux Affaires Intérieures
Parti des Togolais
Togo-Online.co.uk