Une prise de conscience de dernière minute de GilchristOlympio ? Peut-être. La lumière de Damas a-t-elle fait tomber les écailles de ses yeux ? C’est possible. Le «vieux» a tiré sa révérence politique tout en demandant à Faure Gnassingbé de quitter le pouvoir en 2020.
C’est une sortie médiatique qui continue de faire des vagues. « Mon humble contribution a été de mener cette force d’union et l’opposition togolaise, pendant un temps, vers son objectif ultime. Mais l’avenir, de l’UFC, de la contestation politique, et du Togo, devra demain être imaginé et poursuivi par des jeunes hommes et femmes de moins de 80 ans. Des jeunes qui pourront amener à la poursuite de leurs idéaux, avec la même énergie qui a été la nôtre, afin que le Togo puisse redevenir dans un futur proche une terre de fierté et d’excellence en Afrique. Le combat politique que j’ai mené tout au long de ma vie et pour lequel j’ai sacrifié tant de choses a toujours eu pour objectif de libérer mes concitoyens du joug de l’oppression et d’améliorer leurs conditions de vie. Je n’ai jamais dévié de cet objectif sacré et je laisse à l’histoire le soin de porter un jugement sur les choix que j’ai été amené à faire pour le bien de mon pays ».
C’est ce qu’a déclaré à la presse mardi, Gilchrist Olympio, président national de l’UFC. Après sept ans de collaboration infructueuse avec le pouvoir incarné par l’« homme simple » Faure Gnassingbé dont le relevé macabre déteint sur sa légitimité depuis 2005, Gilchrist Olympio a décidé de quitter la table de son allié (sic) en annonçant son retrait de la scène politique. Celui qui fut un leader charismatique voire un héros après 25 ans d’exil est-il alors rentré dans l’histoire par la petite porte ? Sur la toile le sujet est abondamment commenté. « Gilchrist a commis dans le passé des actes très répréhensibles. Mais son dernier coup de poing est un chef-d’œuvre », relativise un internaute.
Depuis la création de l’Union des Forces de Changement (UFC) le 07 juillet 1991, le «maréchal», surfant sur l’aura de son père, le premier président du Togo tragiquement assassiné le 13 janvier 1963, a été la vedette du déferlement de la vague jaune dans les rues. Il a combattu le père Gnassingbé et fini par tendre la main au fils. Ça, il l’a payé très cher. Et même au prix des humiliations.
En 2005, en pleine crise suite à une succession monarchique au sommet de l’Etat, de multiples dialogues initiés entre Faure Gnassingbé et Gilchrist Olympio aboutirent à la signature à Lomé de l’Accord Politique Global (APG) que le pouvoir dynastique refuse de mettre en œuvre. Si cet accord a légitimé le pouvoir du supposé plus policé fils du « dinosaure », c’est plutôt celui signé en 2010 dit d’ «accord des braves» entre lui et son farouche opposant d’alors qui l’a plutôt remis en selle. Et pourtant, en 2003 et en 2005, Gilchrist Olympio est écarté de la course aux présidentielles à la suite de la modification unilatérale de la Constitution en 2002. Lui qui traîne à vie les séquelles de l’attaque sanglante de Soudou (qui a fait une dizaine de morts dans son rang) perpétrée par les nervis du régime Eyadema, accepte de faire rentrer certains de ses lieutenants au gouvernement.
Cet accord politique de 2010 dit de redressement national du Togo, selon ses signataires, a permis à l’UFC d’avoir certains strapontins. Sept portefeuilles ministériels lui sont accordés. Trahison ! La sanction populaire a été sévère. Dans sa famille, c’est la scission. La création de l’ANC a vidé le parti de ses substances. Il perd ses cadres les plus importants. Dans la rue, Gilchrist est hué. Aux législatives du 25 2013, la débâcle a été sans appel. A l’issue du scrutin, Gilchrist Olympio et son parti n’ont obtenu que 3 députés, contre 27 en 2007. Malgré cette défaite, l’homme décide de poursuivre sa collaboration avec le régime. Dans le nouveau gouvernement de Kwesi Seleagodji Ahoomey-Zunu, seuls trois postes ministériels sont réservés aux AGO (Amis de Gilchrist Olympio).
Au sein du parti à l’agonie, la frustration s’empare des membres, ceux qui sont restés. Les contestations enflent. Une nouvelle vague de militants quitte le parti. L’ancien ministre Djimon Oré et les anciens députés Gbéya Tsimessé et Nicodème Habia sont exclus. Dans le gouvernement actuel, le parti compte 2 ministres dont le repêché Eliot Ohin, casé dans un coin à la Primature avec ministère fantoche. Dans le sérail, l’accord de 2010 est brandi comme un vrai symbole de la réconciliation. Pendant ce temps, le bilan de cette collaboration est resté maigre et coûte cher au «maréchal» qui a perdu de son aura et ses principaux compagnons de lutte. Pendant sept ans, le «vieux» a été roulé dans la farine, remercié en monnaie de singe par le petit. « Mais, nous ne sommes pas aveugles. Force est de constater que les termes de cet accord ne sont pas entièrement réalisés. Malgré ces insuffisances, nous avons fait le difficile choix de rester fidèle à notre engagement, conscients du fait que les espérances de changement et notre vision d’un Togo nouveau sont toujours à réaliser », regrette Gilchrist Olympio.
Appel à l’alternance
Avec la menace du naufrage qui plane sur le pouvoir cinquantenaire depuis le 19 août dernier, il faut quitter très tôt la barque avant qu’elle ne sombre tant qu’on a encore la possibilité. L’octogénaire a, peut-être, su lire l’histoire et écouter la raison. Mieux vaut tard que jamais. Au beau milieu de la mobilisation populaire, il lance l’escatode et lâche finalement le pouvoir qu’il a tant soutenu même dans ses frasques. Après avoir jugé nécessaire « le retour aux fondamentaux de la Constitution de 1992 », sans ambages, il appelle Faure Gnassingbé à « accepter le principe de ne pas se représenter à la présidentielle de 2020 afin de laisser le champ libre à une consultation démocratique libre ».
De ce fait, dit-il, « Il en ressortira grandi, évitant ainsi de vivre le sort personnel et collectif dont plusieurs pays africains ont déjà vécu l’exemple tragique ». Il ajoute : « Au Chef de l’Etat actuel, je voudrais également demander le courage d’entendre la voix de son peuple, même lorsque celle-ci est dissonante, et d’y répondre. L’occasion lui est offerte de rentrer dans l’histoire ; je l’exhorte à engager les réformes conformément aux recommandations de la Commission Vérité, Justice, Réconciliation comme il s’y était engagé ». Conseil d’un allié.
Cette sortie est un coup dur, un coup de grâce pour le Prince de la Marina. Puisqu’émanant d’un allié qui lui donne une certaine crédibilité depuis 7 ans mais qui, aujourd’hui, l’abandonne et exige son départ du pouvoir. Au parti UNIR, sans sourire en coin, on se moque de cette réaction du vieux. « Avec deux députés, il est difficile aujourd’hui à l’UFC de s’ériger en donneur de leçons, même si nous saluons sa participation au gouvernement dont il salue d’ailleurs les réalisations », a confié au site jeuneafrique.com, AtcholiAklesso, Secrétaire exécutif du parti au pouvoir. Et d’ajouter : «Il est important de faire remarquer qu’il appartient à l’Unir de décider en temps opportun et à l’issue d’un débat interne, de qui portera ses couleurs, et ce conformément aux lois en vigueur ».
De plus en plus isolé sur le plan international, secoué par la mobilisation populaire qui gronde au quotidien dans les rues à Lomé et à l’intérieur du pays, Faure Gnassingbé au pouvoir déclinant, vient de perdre un allié de taille. Un coup qui pourrait lui être fatal. Dans certains milieux, on croit savoir que ce revirement du vieux pourrait susciter la tentation chez d’autres qui n’hésiteraient pas à lui emboîter le pas. En outre, les apologistes du schéma d’un éventuel gouvernement union nationale sont aussi avertis
Source : www.icilome.com