Dans la région rurale d’Obuasi, située dans la province d’Ashanti, les moustiques ont évolué et résistent désormais aux produits chimiques utilisés depuis des décennies. De quoi compliquer la lutte contre le paludisme, maladie la plus meurtrière dans le monde.
Bismark Owusu a retiré toute la vaisselle et la nourriture dans cette minuscule maison d’une seule pièce dans le centre du Ghana. Il a recouvert les habits et les meubles d’une grande bâche en plastique : l’opération de pulvérisation d’un insecticide de 3e génération peut commencer.
La détermination de Bismark à vouloir en découdre avec les moustiques est loin d‘être anodine. Tant le paludisme lui a déjà laissé un mauvais souvenir. Deux de ses amis ont succombé au paludisme. Ce qui l’a encouragé à s’engager dans cette cause, malgré les risques de manipulation de produits chimiques. “Pourquoi est-ce que je n’aiderais pas si des gens meurent à cause de ça? Si je suis ici, c’est pour aider à éradiquer ce maudit paludisme”, lâche-t-il dans sa combinaison intégrale de protection.
À force d’utiliser le même produit sur des années, on finit par avoir 90 % de la population de moustiques qui survit. C’est ce qu’il se passe désormais
Et selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), cette maladie, transmise par les moustiques femelles, a contaminé quelque 216 millions de personnes à travers le monde en 2016, et été responsable de 445.000 décès. À plus forte raison, 90 % d’entre eux ont été enregistrés en Afrique sub-saharienne.
Au Ghana, pays de 28 millions d’habitants, on a recensé 4,8 millions de cas, et enregistré près de 600 morts l’année dernière. C’est bien moins qu’il y a quelques années (2200 décès en 2011), mais toujours trop pour le gouvernement qui a décidé d’en faire l’une de ses priorités sanitaires.
Depuis des décennies, gouvernements africains et organisations internationales se sont engagés à faire plus de prévention, et à rendre plus accessibles les moustiquaires de protection.
« Insectes intelligents »
Mais cela ne suffit pas. Le Ghana est le premier pays d’Afrique à avoir introduit à grande échelle un insecticide de “3e génération”, auquel les moustiques ne peuvent plus résister.
À l’approche de la saison des pluies, M. Owusu et ses collègues de l’ONG AGALMal, mise en place à travers les fonds de développement du géant minier AngloGold Ashanti, travaillent sans relâche et parcourent les campagnes avec leurs machines d‘épandage.
À Obuasi, région d’extraction de l’or, il existe également un laboratoire pour étudier la résilience des insectes et développer de nouvelles formules répulsives. Les petits moustiques sont élevés dans des bocaux pour être ensuite étudiés par des scientifiques spécialisés.
Paul Osei-Bonsu est l’un d’eux. Il explique que si un seul moustique survit aux produits chimiques, il développe des anticorps qui seront ensuite transmis aux futures générations, rendant la lutte toujours plus complexe. “À force d’utiliser le même produit sur des années, on finit par avoir 90 % de la population de moustiques qui survit. C’est ce qu’il se passe désormais”, explique le chercheur.
Ce sont des “insectes intelligents”, renchérit Samuel Asiedu, le directeur du laboratoire, qui a aidé à développer SumiShield 50WG, un nouveau produit répulsif, dès 2016.
Après avoir été approuvé par l’OMS, puis par l‘État ghanéen, et avoir assuré une chute de 75 % des cas, l’insecticide a été financé par divers organismes de santé mondiaux et est utilisé dans 1,2 million de foyers à travers le pays. “Nous préparons encore un autre produit qui devrait pouvoir être mis sur le marché à la fin de l’année, pour pouvoir alterner et lutter contre l’auto-immunisation”, poursuit le directeur.
« Esprit tranquille »
Victoria Awuah a accepté tout de suite que Bismark Owusu vienne répandre le produit dans sa maison de huit chambres.
“C’est très utile pour nous, ça nous empêche de tomber malade, et ça nous permet d’avoir l’esprit tranquille”, explique cette couturière enceinte de sept mois, et donc parmi les populations les plus vulnérables à la maladie.
Tout le monde a une histoire concernant le paludisme, raconte Bismark, qui aime à discuter avec les habitants entre deux coups de spray. “Un jour, je vaporisais toute une maison. La propriétaire m’a confié qu’elle avait perdu un fils à cause de cette maladie”, raconte Bismark. “On était le jour de son anniversaire, il aurait dû avoir 18 ans ce jour-là et elle pleurait à chaudes larmes.”
« Il faut que tout le monde sache que le paludisme est une maladie dangereuse, et nous devons nous en débarrasser à Obuasi, comme dans tout le reste du pays », poursuit-il.
Mais, quelle que soit l’efficacité des insecticides, l’efficience de la lutte contre le paludisme dépend en grande partie d’un vaccin efficace. D’où l’impérieuse nécessité d’accentuer les études afin de renforcer les capacités préventives du « RTS, S/AS01 » ou Mosquirix, ce vaccin développé par le l’ONG Path et le laboratoire britannique GlaxoSmithKline et en cours d’expérimentation au Ghana, au Malawi et au Kenya.
Source : www.cameroonweb.com