Directeur général de l’Agence nationale de la cybersécurité (ANCy), le Commandant Gbota Gwaliba, rappelle que « la cybersécurité est un enjeu majeur pour » le Togo dans un entretien accordé au confrère Lomegraph.
Qu’est ce qui explique, à votre avis, ce sprint des autorités gouvernementales vers la digitalisation de l’administration publique au Togo ?
En effet, comme vous l’avez si bien dit, la digitalisation de l’administration publique au Togo est un phénomène récent qui s’est accéléré avec la crise sanitaire liée à la Covid-19. Les autorités gouvernementales ont pris conscience de la nécessité de moderniser les services publics et de faciliter l’accès des citoyens aux démarches administratives en ligne. Cette mutation était indispensable pour répondre aux besoins et aux attentes des usagers, mais aussi pour renforcer l’efficacité et la transparence de l’action publique.
En résumé, à mon avis, ce sprint des autorités gouvernementales vers la digitalisation de l’administration publique au Togo s’explique par plusieurs facteurs :
D’abord, la digitalisation permet de simplifier les procédures administratives, de réduire les coûts et les délais, et d’améliorer la transparence et l’efficacité des services publics.
Ensuite, la digitalisation répond à une demande croissante des citoyens et des usagers, qui souhaitent accéder aux informations et aux démarches en ligne, de manière rapide et sécurisée.
Enfin, la digitalisation s’inscrit dans le cadre d’une vision stratégique du développement du pays, qui vise à renforcer son attractivité, sa compétitivité et son intégration régionale et internationale.
Cette mutation était ce nécessaire ? Si oui, pourquoi ?
Cette mutation était nécessaire, car elle représente une opportunité de moderniser l’administration publique, de renforcer la confiance des citoyens et des partenaires, et de soutenir la croissance économique et sociale du Togo. La digitalisation est un levier essentiel pour relever les défis du XXIe siècle, tels que la lutte contre la pauvreté, la promotion de l’éducation, la protection de l’environnement ou encore la prévention des crises sanitaires.
Quels sont les enjeux de cette transformation numérique pour les différents départements ministériels ?
La transformation numérique de l’administration publique au Togo présente des enjeux majeurs pour les différents départements ministériels.
Il s’agit d’adapter les processus, les compétences et les outils aux nouvelles réalités du numérique, mais aussi de créer de la valeur ajoutée pour les services rendus aux citoyens.
Il s’agit également de favoriser la collaboration interministérielle et la coordination des politiques publiques à travers des plateformes communes et des systèmes d’information intégrés.
L’espace numérique n’étant pas sans inconvénients, quels sont donc les dangers qui pourraient guetter les utilisateurs de ces services devenus aujourd’hui digitaux ?
L’espace numérique n’est pas sans inconvénients, et les utilisateurs des services publics digitaux doivent être conscients des risques potentiels qui les guettent.
Il s’agit notamment des cyberattaques, du vol ou de la fuite de données personnelles, de la fraude ou de l’usurpation d’identité, ou encore de la désinformation ou de la manipulation.
Ces dangers peuvent compromettre la sécurité, la confidentialité et la fiabilité des services publics digitaux, mais aussi porter atteinte aux droits et aux libertés des citoyens.
Pensez-vous que le Togo est préparé pour faire face aux attaques numériques ?
La réponse n’est pas évidente, et ceci même pour les Etats qui ont plusieurs dizaines d’années d’expérience et de pratique dans le domaine. Car si vous vous rapportez à la chronique quotidienne des attaques informatiques dans le monde, vous remarquerez qu’aucun Etat, n’est jamais parfaitement à l‘abri d’une cyberattaque.
Concernant le Togo, le niveau de maturité numérique du pays et les capacités de défense et de réaction restent évidemment à renforcer et à parfaire, car nous n’en sommes qu’à nos débuts.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous nous évertuons à mettre en place notre stratégie nationale de cybersécurité, en s’appuyant sur les acteurs clés du secteur, notamment notre bras technique et opérationnel qui est Cyber Defense Africa, qui nous aide à faire efficacement face aux défis du numérique dans notre pays.
Qu’en est-il des opportunités de cette digitalisation de l’administration publique ?
La digitalisation de l’administration publique au Togo offre également des opportunités considérables pour le développement du pays.
Elle permet de stimuler l’innovation, la compétitivité et la croissance économique, en créant des emplois et des activités liés au numérique.
Elle permet aussi de réduire les inégalités sociales et territoriales, en facilitant l’inclusion et la participation des citoyens aux affaires publiques.
Elle permet enfin de promouvoir la démocratie, la bonne gouvernance et l’état de droit, en renforçant le dialogue et la confiance entre les pouvoirs publics et les citoyens.
Le processus de digitalisation des services publics au Togo continue de faire son bonhomme de chemin… Comment exploiter pleinement l’immense potentiel du numérique ?
Le processus de digitalisation des services publics au Togo continue de faire son bonhomme de chemin, mais il reste encore beaucoup à faire pour exploiter pleinement le potentiel du numérique.
Il faut notamment veiller à assurer la qualité, la continuité et l’évolution des services publics digitaux, en tenant compte des besoins et des retours des usagers.
Il faut également garantir l’interopérabilité, la compatibilité et la cohérence des systèmes d’information publics, en respectant les normes et les standards internationaux.
Il faut enfin sensibiliser, former et accompagner les agents publics et les citoyens dans leur appropriation du numérique, en développant leurs compétences et leurs usages.
Quels sont, selon vous, les garde-fous techniques en matière de cybersécurité qu’il faudra mettre en place pour éviter les déboires ou surprises émanant des fous du numérique au niveau des institutions publiques togolaises ?
Pour éviter les déboires ou les surprises émanant des fous du numérique au niveau des institutions publiques togolaises, il faut mettre en place des garde-fous techniques efficaces et adaptés. Il s’agit notamment de sécuriser les infrastructures, les réseaux et les équipements informatiques, en contractant des services de cybersécurité avec des prestataires ayant les capacités et les compétences nécessaires. Il est aussi recommandé de mettre en œuvre les recommandations de cybersécurité comme l’utilisation des solutions antivirus, firewall ou VPN.
Il s’agit aussi de protéger les données publiques, en appliquant des mesures de chiffrement, d’anonymisation ou de sauvegarde.
Il s’agit enfin de contrôler les accès aux services.
Dans cette dynamique, le Togo a mis en place son propre datacenter, appuyé par d’autres mécanismes de renfort. Est-ce suffisant pour une meilleure gestion du cyberespace togolais et de la cybersécurité ?
Le datacenter de Lomé, inauguré en juin 2021, est le premier centre de données de colocation du Togo certifié Tier III, offrant un haut niveau de fiabilité et de sécurité. Il s’agit d’une infrastructure stratégique qui s’inscrit dans la vision du gouvernement de faire du Togo un hub digital attractif et souverain. Le datacenter permet aux acteurs publics et privés d’héberger leurs données dans un environnement sécurisé et de bénéficier d’une bande passante internet à très haut débit. Il contribue également à la mise en œuvre de projets structurants à composante digitale, tels que l’identification biométrique, la dématérialisation des procédures administratives et la valorisation des données.
Ce datacenter est complété par d’autres initiatives, comme la création d’un centre de réponse aux incidents informatiques (CERT) et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de cybersécurité.
Faut-il pour autant affirmer que ces mesures sont suffisantes pour assurer une meilleure gestion du cyberespace togolais ?
Evidemment, la réponse est non. Et nous sommes les premiers à le reconnaitre.
Malgré les progrès significatifs dans ce domaine, beaucoup de défis restent encore à être relevés.
Au rang de ces défis, figure par exemple la nécessité de renforcer la sensibilisation et la formation des acteurs publics et privés sur les bonnes pratiques de cybersécurité, ainsi que la coopération régionale et internationale pour faire face aux menaces transfrontalières.
A ANCy, comment accompagnez-vous de manière concrète les institutions gouvernementales face à ces défis de plus en plus menaçants ?
L’ANCy en sa qualité d’autorité nationale en matière de sécurité des infrastructures essentielles et des systèmes d’information, œuvre pour la promotion de la cybersécurité et la protection des données personnelles au Togo.
En ce sens, nous avons pour mission de protéger les systèmes d’information des institutions gouvernementales et des opérateurs de services essentiels au Togo. Nous accompagnons ces acteurs de manière concrète en leur offrant des services de conseil, d’audit, de formation, de veille et de réponse aux incidents. Nous les aidons également à se conformer aux normes et aux réglementations en vigueur en matière de cybersécurité.
Nous faisons également de la sensibilisation aux risques et aux bonnes pratiques en matière de cybersécurité, afin de renforcer leur résilience face aux menaces croissantes dans le cyberespace.
Quelles sont les bonnes pratiques ou conseils à recommander aux populations, surtout les bons réflexes de cybersécurité ?
Nous recommandons aux populations de prendre conscience des risques liés à l’utilisation des technologies numériques et de respecter les règles élémentaires de sécurité. Par exemple, il faut choisir des mots de passe forts et variés, ne pas cliquer sur des liens ou des pièces jointes suspects, mettre à jour ses logiciels et ses antivirus, sauvegarder ses données importantes, etc. Nous invitons également les populations à signaler tout incident ou toute anomalie à l’ANCy ou aux autorités compétentes. Nous demandons à la population d’aller régulièrement sur le site internet de l’ANCy (www.ancy.gouv.tg ) et du www.cert.tg afin de découvrir les alertes et les bulletins de bonnes pratiques qui y sont publiés.
Mot de fin
Je tiens à remercier vos lecteurs pour leur intérêt et leur attention. La cybersécurité est un enjeu majeur pour notre pays, qui doit faire face à des menaces croissantes et diversifiées. Nous sommes conscients des défis à relever et nous travaillons sans relâche pour renforcer nos capacités, nos partenariats et notre résilience.
Nous comptons sur la collaboration de tous les acteurs, publics et privés, pour faire du Togo un espace numérique sûr et prospère.
Source: lomegraph.tg
Source : icilome.com