ProEnergie I et ProEnergie II, CIZO (qui signifie « allumer » en langue locale « Guin »), Projet d’Extension des Réseaux Électriques des Centres Urbains du Togo (PERECUT)… autant de projets d’électrification de la ville de Lomé et ses périphéries et l’intérieur du pays, notamment dans les milieux ruraux. Malheureusement, les Togolais ne voient pas les retombées de ces projets qui, pourtant, engloutissent des milliards injectés par les partenaires en développement. Conséquences, la Compagnie énergie électrique du Togo (CEET) se retrouve coincée, incapable de répondre aux sollicitations des populations chez qui le courant électrique est devenu rare.
Ces projets d’électrification, à en croire les initiateurs, devraient soulager la CEET qui, aujourd’hui, est devenue grabataire à cause de la gestion clanique et approximative dont elle fait l’objet depuis des années. La société distributrice de courant électrique au Togo n’en peut plus visiblement. Sur le plan administratif, c’est une société minée par des querelles intestines qui empiètent sur sa gestion. En deux ans, la CEET a changé au moins trois (03) fois de Directeur Général, sans pour autant réussir à circoncire le mal qui la gangrène. Il y a une guerre de clans qui ne dit pas son nom au sein de cette société qui brasse pourtant des centaines de millions par mois.
Branchements anarchiques et toiles d’araignée
A en croire les responsables de la Compagnie énergie électrique du Togo, les branchements anarchiques engendrent une perte énorme pour la société. Ces raccordements sauvages sont un problème qui mine la société depuis plusieurs années et créent d’importants soucis d’alimentation du réseau. « La prolifération des branchements anarchiques est due au fait que les villes se développent et s’étendent rapidement, alors que la desserte électricité ne suit pas le même rythme », avait expliqué Ahmed Boukari, Directeur exécution des projets à la CEET, il y a deux ans. Selon lui, il faudra installer 2.000 km de câbles, avec un coût total de 32 milliards de FCFA. Un financement assuré par l’agence allemande Kfw, l’Union européenne et l’Agence française de développement (AFD).
Mais le problème d’alimentation en courant électrique se pose toujours deux ans après ces diagnostics. Les branchements anarchiques avec des toiles d’araignées sont visibles un peu partout, surtout dans les périphéries de la capitale, Lomé. Il faut dire que la CEET elle-même contribue aujourd’hui à la prolifération de ces branchements sauvages, puisque les demandes effectuées par les pauvres populations pour avoir le courant électrique en bonne et due forme dorment apparemment dans les tiroirs de la société.
Attente interminable des populations
Chaque jour que Dieu fait, des plaintes se font enregistrer concernant des dossiers de raccordement déposés à la CEET, mais qui n’ont pas de suite. Plusieurs mois de démarches qui n’aboutissent à rien, à en croire les victimes. Aujourd’hui, les clients de la société sont à bout de souffle et n’hésitent pas à manifester leur colère. « J’ai payé le devis le 04 octobre 2021 et rendez-vous m’a été donné le 03 novembre pour l’installation du compteur. Il m’avait été même dit qu’il se pourrait qu’on m’appelle plus tôt que prévu. J’ai attendu pendant un mois sans recevoir un coup de fil de la part de la CEET. Quand je me présente à l’agence le 04 novembre, on me fait comprendre qu’il y avait une rupture de stocks et que le retour à la normale ne saurait tarder.
Jusqu’à ce jour, je n’ai pas eu mon compteur. Chaque fois que je vais à l’agence, on me dit : « Les compteurs arrivent le mois suivant ». Et c’est depuis six mois que j’attends le compteur », raconte une cliente rencontrée au service contentieux de la CEET. On se demande comment depuis près de deux (02) ans, cette société qui a pour mission d’assurer le service public de distribution et de vente de l’énergie électrique sur l’ensemble du territoire national, dans le respect des normes en vigueur dans la production, le transport et la distribution d’électricité, n’arrive pas à satisfaire ses clients. Des milliers de demandeurs qui ont pourtant payé les frais de branchement et de raccordement sont obligés de recourir à la méthode araignée pour avoir de l’éclairage chez eux. La seule réponse à laquelle ils font face au niveau de la CEET, c’est la rupture de stocks.
Normalement, après les formalités au niveau des guichets de la société distributrice du courant électrique, il faut quinze (15) à trente (30) jours pour que les agents de la CEET viennent poser le compteur. Mais les gens sont dans l’attente depuis plus d’un an sans voir ce fameux compteur. Des milliers de dossiers comprenant les plans de masse (situation des maisons des clients sur le plan de lotissement), les plans de situation (localisation des maisons dans le quartier), la photocopie de la pièce d’identité, la liste des appareils dont dispose le client ou qu’il compte acquérir, permettant à l’agent d’accueil de déterminer la puissance du compteur à installer, dorment actuellement à la CEET. « Moi, j’avais le compteur qui s’est grillé après une pluie. Et depuis début novembre 2021, le compteur n’est pas installé. Je suis obligé de partager le courant électrique d’un voisin avec tous les risques que cela comporte », a confié un autre client. Les frais payés par les clients sont aussi encaissés, mais toujours rien à l’horizon. Certains agents de la CEET prennent même le vilain plaisir de narguer ceux qui font des réclamations. Et pendant ce temps, les factures d’électricité ne font qu’augmenter.
Coupures intempestives, factures exorbitantes
C’est d’ailleurs un euphémisme de dire que la CEET est aujourd’hui grabataire. Elle est même comateuse, vu les désagréments et autres préjudices qu’elle cause à ses clients presque tous les jours. Surtout ces derniers temps où on assiste à des délestages répétitifs. Il y a des quartiers où des gens passent plus de 24 heures dans le noir à cause de ces coupures. Le pire, c’est que la société ne trouve plus nécessaire d’avertir ses clients au préalable. Elle se permet même d’interrompre le courant électrique à plusieurs reprises dans une même journée. Ce qui a des répercussions sur les appareils des clients qui ne savent à qui se plaindre. « J’ai déjà changé ma pompe à forage deux fois déjà à cause de ces coupures. Une pompe est à 80.000 FCFA. Vous voyez un peu ce que la CEET nous fait subir, les dépenses qu’elle nous fait faire? Chez nous à Djagblé, nous avons un problème de transformateur. Nous avons effectué des démarches auprès de cette société qui se montre même indifférente. Nous continuons de changer nos appareils grillés, mais on se demande jusqu’à quand », s’est plaint un habitant de cette localité.
Ces coupures intempestives engendrent également de véritables manques à gagner pour les opérateurs économiques qui, pendant le délestage, voient leurs activités au ralenti. « On ne peut pas réussir un développement dans ces conditions. L’électricité est la matière principale avec laquelle nous tournons nos entreprises. Si on doit subir ces délestages presque tous les jours de la semaine, mieux vaut fermer nos entreprises et aller se chercher ailleurs. Ces coupures de courant finissent par nous causer trop de torts, et en tant qu’investisseurs, il nous est impossible de faire des prévisions dans nos activités à cause de ça. La conséquence serait qu’un jour, nous allons décider de tout abandonner et aller scruter d’autres cieux, là où les conditions sont réunies pour la bonne marche de nos entreprises», a pesté un chef d’entreprise à Lomé.
A ces coupures intempestives s’ajoutent des factures exorbitantes que les clients sont obligés de payer à la fin de chaque mois. Un paradoxe pour nombre de Togolais qui ne comprennent pas comment les choses se gèrent dans cette société. Et puis, malgré ces piètres prestations, la CEET a ajouté de nouvelles taxes qui rendent la facture d’électricité très salée pour les clients. Aucune communication sérieuse n’est faite pour expliquer quoi que ce soit aux clients, obligés de se fier aux supputations. Les réclamations faites par certains courageux n’ont pas reçu d’avis favorables. Au contraire, certains agents de la CEET se permettent même de menacer de couper le courant à ces clients qui veulent voir plus clair. Tout est fait dans une opacité totale qui choque le bon sens dans cette société d’Etat où, comme la plupart d’ailleurs, on n’hésite pas à envoyer des centaines de bouteilles de champagne à des personnalités haut perchées lors des fêtes de fin d’années.
Comme on peut le constater, la CEET est dans le coma. Les changements de Directeurs généraux à sa tête ne résolvent pas les difficultés auxquelles elle est confrontée. C’est une société qui fait des milliards par an. Mais la mauvaise gestion, la guerre des clans, les dilapidations ne lui permettent pas de mettre à profit cette richesse pour offrir à ses clients des prestations optimales en vue d’avoir de l’électricité. La CEET est une boîte grabataire qu’il faut à tout prix sauver. Les solutions minimalistes ont prouvé que le mal est profond. Il faut donc prendre le taureau par les cornes pour espérer redresser la boîte, pour le bonheur des populations togolaises.
Source : L’Alternative / presse-alternative
Source : 27Avril.com