Les organisations de la société civile, l’Eglise Catholique, les Eglises Evangélique presbytérienne et Méthodiste, les cadres musulmans et bien d’autres corps constitués ont déjà interpellé le régime de Faure Gnassingbé sur les risques à organiser coûte que coûte, et de manière unilatérale, les élections législatives le 20 décembre 2018. Toutes ces entités ont appelé au report de ces élections pour mieux les organiser et ainsi éviter le chaos au Togo. Mais comme nous l’avions déjà écrit dans notre parution N°755 du 23 novembre 2018, « Le régime RPT/UNIR est dans la logique du chaos ».
Les couleurs de cette situation chaotique vécue samedi dernier à travers tout le pays, ont été annoncées par le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, Payadowa Boukpessi qui a interdit les manifestations de la Coalition des 14 partis de l’opposition prévues pour empêcher les élections législatives qu’organise le régime unilatéralement le 20 décembre prochain. Il a été suivi par d’autres membres du gouvernement et cadres du parti au pouvoir qui ont menacé, intimidé ou vilipendé les leaders de cette Coalition et le peuple togolais qui aspirent à une alternance au sommet du pays.
Ces menaces ont commencé à être mises en exécution depuis jeudi où les forces de l’ordre et de défense ont pris à partie la caravane de la Coalition des 14 qui sillonnait la ville de Lomé. On a noté des blessés et des arrestations. Samedi 8 décembre dernier, la machine répressive a encore été mise en branle par le régime de Faure Gnassingbé. C’est ainsi qu’à Lomé, Kpalimé, Atakpamé, Anié, Mango, Bafilo, Sokodé, etc…, les populations qui voulaient manifester pacifiquement dans les rues ont essuyé des tirs des grenades lacrymogènes et des balles réelles, faisant plusieurs morts et des blessés ici et là.
A Lomé, c’est à Agoè-Zongo que ce triste spectacle a été vécu. Devant des manifestants aux mains nues, des militaires tirent des balles réelles. C’est ainsi que le jeune garçon Moufidou, âgé de 11 ans, a été mortellement atteint par une balle tirée par un officier que les témoins ont reconnu, depuis un pick-up noir dont l’immatriculation circule sur les réseaux sociaux. Or ce jeune garçon n’était pas parmi les manifestants. « Alors que les manifestants étaient sortis les mains nues, exigeant les réformes avant toute élection, ceux-ci ont été confrontés aux agissements des forces de l’ordre et de l’armée, lesquelles n’ont pas hésité à faire usage d’armes, tirant à balles réelles. Des images assez édifiantes, prises par des personnes présentes sur les lieux, témoignent de la cruauté des agissements de l’armée », a indiqué le Parti national panafricain (PNP, membre de la Coalition des 14) dans un communiqué.
Le chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, quant à lui, parle d’une « folie meurtrière » et pointe du doigt des officiers de l’armée togolaise qui se déplacent eux-mêmes sur le terrain et tirent sur les manifestants aux mains nues. « Nous condamnons avec la dernière vigueur, la folie meurtrière du régime RPT/UNIR, à laquelle les plus hauts gradés de l’armée ont pris part sur le terrain. En témoignent les images qui circulent en boucle sur les réseaux sociaux », a-t-il affirmé.
La même « répression sauvage », selon le PNP, est vécue dans plusieurs autres villes, notamment à Sokodé où les militaires ont également tiré sur les manifestants, faisant au moins deux morts et plusieurs blessés graves. Pneus brûlés, routes nationales bloquées, jets de pierres sont restés les moyens de défense des populations. Jusqu’à hier lundi, la tension est palpable dans ces villes, surtout à Lomé où les jeunes ont brûlé des pneus sur certaines artères de la capitale. A Sokodé, les populations continuent de subir la sauvagerie des militaires qui rentrent dans les maisons en bastonnant les résidents. Les affrontements de samedi 8 décembre dernier ont fait un bilan de 4 morts, selon le PNP.
Les élucubrations de Yark Damehame avec des enquêtes ouvertes et jamais fermées
Dans un communiqué rendu public samedi soir, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Yark Damehame a parlé de 2 morts, 4 blessés dans les rangs des forces de l’ordre et des arrestations. Le gouvernement a ensuite indiqué que les enquêtes sont ouvertes pour trouver ceux qui ont tiré et tué les manifestants à Agoè et Sokodé. Une déclaration qui a scandalisé plus d’un. Puisque des témoins ont formellement identifié l’officier qui, depuis un pick-up noir, tirait sur les manifestants, touchant mortellement le jeune garçon. Comment le gouvernement ne peut-il pas identifier ces individus qui sont des militaires togolais à bord de ce véhicule protégé par d’autres camions de militaires ? Une question que se posent de nombreux observateurs.
« Le PNP fustige les allégations mensongères du Ministre de la Sécurité, se rapportant à la non identification des membres des Forces Armées Togolaises ayant posé de tels actes », a déclaré le parti de Tikpi Atchadam. Et Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC, parti membre de la Coalition des 14) de renchérir : « Nous rejetons formellement les explications scabreuses données par le gouvernement sur la sauvagerie de la répression des manifestations organisées par la C14 ».
On connaît déjà le discours des autorités togolaises. Cette affaire ne sera jamais élucidée. C’est une enquête de plus, annoncée pompeusement par celui-là qui connaît comment on disparaît mystérieusement d’un cimetière pour se retrouver dans un grand marché pour le brûler, mais est incapable de trouver des individus identifiés par la population et qui ont tiré sur des enfants qui sont malheureusement décédés.
Amnesty International annonce une enquête « indépendante et impartiale »
La situation, surtout les derniers événements survenus samedi dernier à Lomé et à travers tout le pays, préoccupe sérieusement Amnesty International. L’ONG, tout en annonçant une enquête indépendante et partiale, a regretté le fait que ce soient les mineurs qui soient tués au cours des manifestations pacifiques de l’opposition. « C’est souvent aussi malheureusement des mineurs et c’est une situation très préoccupante. Maintenant, c’est une liste qui s’allonge et c’est une responsabilité de plus envers les autorités qui doivent s’assurer qu’il y a vérité et justice », a indiqué François Patuel, Chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
La CEDEAO interpellée sur le nouveau drame qui se déroule au Togo
Beaucoup s’interrogent sur le mutisme de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) quant à l’enlisement de la situation sociopolitique au Togo, surtout les derniers événements survenus samedi . La feuille de route de l’institution sous-régionale a été « sodomisée » par le régime de Faure Gnassingbé, mais les chefs d’Etat et de gouvernement de l’espace communautaire observent un silence qui surprend plus d’un.
Mais que ce soient la Coalition des 14 partis de l’opposition, les organisations de la société civile togolaise, les députés du parlement de la CEDEAO et même le peuple togolais, nombreux sont ceux qui lancent un cri d’alerte vers cette organisation traitée aujourd’hui comme un « syndicat des chefs d’Etat » de la zone. La répression de samedi dernier, avec plusieurs morts et des blessés graves, intensifie cet appel à la CEDEAO qui ne réagit toujours pas.
« Nous comprenons difficilement l’attitude de la communauté internationale qui semble indifférente aux cris d’alarme de la Conférence des Evêques du Togo, des Eglises Méthodiste et Presbytérienne et de l’Association des Cadres Musulmans au Togo qui, toutes, en connaissance de cause, demandent un report du scrutin. Nous comprenons moins encore le mutisme de la CEDEAO à qui l’ANC a expressément demandé, dans une déclaration en date du 31 octobre 2018, relative à la recrudescence des agressions barbares contre les populations togolaises sans défense, d’éviter au Togo et au peuple togolais la réédition des massacres de 2005 », a indiqué Jean-Pierre Fabre dans son message au peuple togolais dimanche dernier.
Aussi, le PNP appelle-t-il la communauté internationale à plus d’implication dans la crise togolaise, surtout la situation qui prévaut actuellement. « Le PNP prend à témoin les instances sous-régionales, régionales, et internationales, ainsi que les organisations des droits de l’Homme, et demande que toute la lumière soit faite sur la situation qui prévaut au Togo », a souligné le parti.
La Coalition des 14 appelle le peuple à plus de détermination
Malgré la répression, le peuple togolais montre sa détermination en restant debout. Hier à Lomé, on a noté des heurts dans certains quartiers de la capitale, avec des pneus brûlés et des tirs de grenades lacrymogènes, notamment à Bè et Bè-Kpota. La Coalition des 14 partis de l’opposition continue donc ses 10 jours de manifestations jusqu’à ce que le processus électoral soit arrêté. « Nous avons promis que dans les conditions actuelles, des élections ne doivent pas avoir lieu, et elles n’auront pas lieu », a déclaré dimanche dernier la Coordinatrice de la Coalition des 14, Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson.
Pour le chef de file de l’opposition, il est temps de mettre fin aux élections sans réformes. « Nous félicitons les populations togolaises pour leur courage, leur engagement et leur détermination. Nous leur demandons de rester mobilisées pour continuer à prendre part aux manifestations du programme de la Coalition C14. Nous demeurons convaincus que la libération de notre pays est le combat des filles et des fils du Togo, qu’ils soient sur le territoire national ou dans la diaspora. Le moment est venu de mettre fin, dans notre pays le Togo, à toute élection organisée unilatéralement et sans la mise en œuvre effective des réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales », a-t-il ajouté, tout en présentant les condoléances de la Coalition des 14 aux familles éplorées et une prompte guérison aux blessés.
Source : www.icilome.com