Faure Gnassingbé libère quelques-uns de ses otages; grâce ou gaffe présidentielle?

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Depuis plus d´un an pour les uns, depuis plusieurs mois pour les autres, des togolais croupissent en prison sur toute l´étendue du territoire. La plupart, sinon la totalité de ces prisonniers politiques ne fait que subir les effets de la dictature, de la loi de la jungle, de la raison du plus fort; car n´ayant rien fait que d´avoir cru se battre pacifiquement en dénonçant, en manifestant comme on le ferait dans des pays civilisés.

Même la CEDEAO fut incapable d´amener le prince de Lomé à libérer des otages politiques qui n´ont rien de criminel. Les fameuses mesures d´apaisement consistant en la libération de tous les prisonniers politiques et en la fin des sièges militaires dans plusieurs villes du Togo furent royalement ignorées par Faure Gnassingbé qui fit la sourde oreille à tous les appels allant dans le sens du règlement durable de la crise togolaise. Aujourd´hui, en bon preneur d´otages qui se respecte, Gnassingbé II décide d´en libérer certains. Faut-il s´en réjouir ou s´en inquièter?

« Avec humilité, sagesse et responsabilité, le Président Faure Gnassingbé poursuit et intensifie sa politique d’apaisement et de décrispation du climat socio-politique, avec d’importantes mesures de grâce présidentielle et de libérations provisoires décidées ce mercredi. Ces mesures seront respectées et exécutées avec diligence »

Cette déclaration émane de celui qui, au sein du gouvernement togolais, est toujours prompt à justifier les crimes du régime Gnassingbé et à défendre l´indéfendable malgré l´évidence. Monsieur Bawara, puisque c´est de lui qu´il s´agit, peut continuer à se mentir à lui-même et à sa conscience; mais il lui serait difficile de convaincre des togolais lucides, et ils sont très nombreux, d´avaler ses couleuvres. Si, comme il l´écrit, son ami Faure Gnassingbé était responsable, avait l´humilité et la sagesse qu´il lui prête, il ne refuserait pas de libérer son frère Kpatcha, il ne ferait pas la sourde oreille en refusant de faire faire des réformes politiques depuis 2006. Il ne foulerait pas aux pieds les recommandations du dialogue inter-togolais pour faire cavalier seul en organisant des législatives boudées par tout un peuple. Il ne s´entourerait pas de collaborateurs véreux et corrompus qui ont fini par confondre en toute impunité les ressources de tout un peuple et leur patrimoine personnel. Le Togo vit une crise politique depuis des décennies dont Faure Gnassingbé constitue l´une, sinon la principale cause. Un tel personnage ne peut seul mener aucune politique qui apaiserait ou décrisperait le climat socio-politique, puisque justement il veut tout contrôler pour s´éterniser au pouvoir.

C´est pour apparaître comme un président magnanime ayant un coeur pour son peuple, que Faure Gnassingbé a fait embastiller des togolais innocents sans tenir compte de leur souffrance et de celle de leurs familles. Aujourd´hui on nous parle de grâce présidentielle comme si les personnes libérées avaient commis des crimes avérés. Les otages politiques personnels de Faure Gnassingbé qui ont retrouvé leurs familles furent lésés dans leur droit de citoyens en étant privés pendant longtemps de liberté pour la simple raison que le régime de dictature a réussi à abolir une justice digne de ce nom. Nos compatriotes libérés ne l´ont pas été parce que Faure et ses complices ont subitement retrouvé un sens quelconque de magnanimité ou de pitié. Ils ont tout simplement été rétablis dans leurs droits; eux, dont la plupart fut torturé aux camps militaires et à la gendarmerie avant d´être jetés en prison, devraient plutôt être dédommagés pour sévices subis et privation de liberté si nous étions dans un pays normal.

Les tueries de 2005 à l´arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, les tueries d´écoliers par les forces de l´ordre à la gachette facile, les exactions des forces de l´ordre, des militaires et des miliciens à la solde de Lomé II au cours de manifestations, les violents enlèvements d´opposants, les tueries de décembre 2018 à Agoe-Zongo en présence de Félix Kadanga, au moins trois citoyens battus à mort ou jetés dans le feu à Sokodé, également en décembre; voilà des crimes dont les auteurs et les donneurs d´ordres sont toujours en liberté. Monsieur Bawara, si Faure Gnassingbé était un président responsable, humble et sage, c´est ici qu´il devrait agir en faisant arrêter les violations répétées des droits de l´homme. Il devrait user de la sagesse que vous lui prêtez pour dire à son beau-frère Kadanga de retirer ses militaires des villes assiégées.

Il ne sert à rien de jeter des innocents en prison pour après faire semblant d´être le dernier recours, alors que les vrais criminels sont promus et décorés.
Si Faure Gnassingbé a enfin reconnu son erreur d´avoir fait incarcérer des innocents, pourquoi cette discrimination dans la fameuse « grâce présidentielle »? Les kidnappés ou arrêtés de décembre 2018 à Bafilo à Vogan et à Lomé sont toujours en prison. Monsieur Assiba Johnson n´a pas non plus été libéré. Victime d´un procès politique comme beaucoup d´autres, le président du REJADD que le régime accuse de diffusion de fausses nouvelles, alors que son rapport avait bel et bien été étayé par des faits réels, aura purgé sa peine le 05 avril prochain. Le jeune dictateur togolais aurait-il décidé de maintenir certains otages sous son contrôle pour certaines intentions inavouées dont les tyrannies ont le secret?

Samari Tchadjobo

Source : www.icilome.com