Entre le pouvoir Faure Gnassingbé et la diaspora togolaise, c’est une histoire d’amour (sic). Feuille de route pour les Togolais de l’extérieur, en voilà la nouvelle manifestation. Il s’agit d’actions envisagées, dit-on, pour une implication plus active de ces compatriotes vivant à l’étranger dans le développement de leur mère patrie. Un drôle d’amour en fait car pendant ce temps, le pouvoir développe des réflexes pour chasser cette diaspora…Une comédie en somme.
Feuille de route pour la diaspora
C’est le nouveau produit (sic) dans la sempiternelle drague des Togolais de la diaspora par le régime Faure Gnassingbé. Le document spécialement conçu pour eux, été présenté lundi dernier par le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Togolais de l’extérieur, Robert Dussey. « La nation togolaise est une communauté de citoyens qui a un destin commun.
La communauté des Togolais de la diaspora est une part non négligeable du contrat social du Président de la République. Nos compatriotes de la diaspora ont le droit d’attendre de la patrie mère plus de protection. La mise en œuvre de la feuille de route permettra à notre pays de faire de la diaspora un partenaire stratégique du nouveau Plan national de développement qu’avait lancé le Président de la République le mois passé, notamment à travers la promotion des transferts de compétences et d’activités, le renforcement des relations entre les acteurs nationaux et les Togolais expatriés et la mobilisation des ressources », a-t-il chanté à l’occasion.
L’initiative répondrait, rapporte republicoftogo, « à la vision du chef de l’Etat d’assurer une meilleure organisation de la diaspora pour son implication plus active dans les efforts de développement ». Sa mise en œuvre permettrait de créer les conditions d’une implication plus inclusive des ressortissants togolais pour la construction du Togo et s’inscrivait dans le fameux Plan national de développement (PND). On parle même de « PND pour la diaspora ».
Cette feuille de route s’articule autour de trois axes: rentabilisation du capital humain, économique et social de la diaspora ; renforcement de la communication et des relations entre le gouvernement et la diaspora ; et enfin amélioration de la défense et de la protection des intérêts des Togolais.Ces axes se déclinent dans deux grands programmes, le Programme d’actions prioritaire (PAP) et le Programme à moyen et long terme (PMLT).
Cette feuille de route n’est que la nième action entreprise par le pouvoir Faure Gnassingbé, dans la drague déjà sans fin de la diaspora inaugurée depuis plusieurs années. Plusieurs initiatives ont été déroulées. C’est pour appâter ces compatriotes que le régime a changé de dénomination au ministère des Affaires étrangères en lui collant le volet« Togolais de l’extérieur ». Ce ne sera sans doute pas la dernière action, car en matière de drague de la diaspora, Faure Gnassingbé et son régime ne manquent jamais d’inspiration.
Pendant ce temps, on chasse la diaspora, lui refuse le droit de vote…
Cette nouvelle doit faire pouffer de rire tout individu sérieux lorsqu’il considère l’état d’esprit arriéré dont fait preuve le régime ces derniers temps. Car pendant qu’il drague la diaspora, il fait tout pour la chasser. L’illustration palpable, c’est forcément le sort réservé à François Boko.
Alors que le « Prince » avait donné son accord, ou mieux, proposé un « retour sécurisé » à l’ancien ministre de l’Intérieur, ce dernier a été malheureusement empêché jeudi 28 mars de monter à bord de l’avion Air France, sur ordre du régime de Lomé sur fond de menace : interdiction d’atterrissage de l’appareil au cas où il est à bord. Lomé prétextera après une pseudo-irrégularité dans les papiers de François Boko, à travers une sortie du Directeur de la Communication de la Présidence concevant le refus de Lomé comme une affaire de respect des règles d’immigration. La manœuvre était simplement destinée à empêcher l’homme de mettre en œuvre ses ambitions politiques, briguer la magistrature suprême en 2020.
Aujourd’hui, presque tous les pays d’Afrique font participer leurs concitoyens au choix des dirigeants de leur mère patrie. La vieille mentalité consistant à tenir ces filles et fils du pays à l’écart des élections est révolue. Malheureusement elle est encore en vogue au Togo. Pendant qu’il multiplie les initiatives pour courtiser la diaspora, Faure Gnassingbé refuse toujours d’accorder le droit de vote, pourtant reconnu par la Constitution, à ces compatriotes vivant à l’extérieur. Lorsqu’on a une idée de leur nombre, on appréhende mieux le mal fait à cette diaspora. « Près de 2 millions de Togolais vivent à l’étranger, principalement en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord », a rapporté republicoftogo même.
Le tiers donc de la population togolaise estimée à environ 7 millions ! Et pourtant cette diaspora contribue beaucoup à l’économie du Togo par les transferts de fonds qui, selon les chiffres régulièrement rendus publics par la BCEAO, dépassent de loin les appuis budgétaires accordés par les partenaires au titre de l’aide publique au développement et font d’elle l’une des plus contributrices en Afrique.
Du respect des belles intentions
Ce traitement réservé à François Boko et à d’autres avant lui – Kofi Yamgnane, Alberto Olympio – est à n’en point douter un très mauvais signal envoyé à la diaspora par le régime Faure Gnassingbé.Il pose la problématique du respect des belles intentions proclamées. Car ce sort est en porte-à-faux avec l’axe 3 de cette feuille de route lancée lundi par Robert Dussey intitulé « amélioration de la défense et de la protection des intérêts des Togolais ». Il va en contradiction avec des dispositions annoncées depuis 2014 par le pouvoir lui-même en Conseil des ministres et qui exemptent de visa les binationaux, faisant suite aux recommandations formulées à l’issue des assises nationales sur la mobilisation des compétences de la diaspora.
« La deuxième communication présentée au Conseil est relative à l’exemption de visa au profit des Togolais vivant à l’étranger, mais ne disposant pas de passeport togolais. L’exposé conjoint du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération et du ministre de la Sécurité et de la Protection civile propose qu’une exemption de visa soit octroyée aux citoyens togolais détenteurs de passeports étrangers. Cette mesure permettrait de faciliter l’entrée, le séjour et la sortie du territoire national, favorisant ainsi leurs retours fréquents au pays ainsi que leur contribution aux développements économique et social. Les deux modalités d’exemption envisagées sont soit la présentation d’un passeport étranger et d’une carte d’identité nationale, soit la présentation d’un passeport étranger et d’une carte consulaire délivrée par un consulat ou une mission diplomatique du Togo », rapportait le conseil des ministres du 2 juillet 2014.
A la suite de ce Conseil des ministres, le ministre des Affaires étrangères, dans une note en date du 4 juillet adressée aux différentes missions diplomatiques et consulaires du Togo à l’étranger, décidait : « Dorénavant pour rentrer sur le territoire national, ces compatriotes de la diaspora doivent présenter leur passeport obtenu dans le pays d’accueil accompagné soit d’un passeport togolais en cours de validité ou au minimum d’une carte d’identité nationale en cours de validité ou d’une carte consulaire dûment délivrée par un consulat du Togo ou encore de tout autre document pouvant prouver l’origine togolaise des intéressés ». Les seuls non bénéficiaires de cette mesure, ce sont les concitoyens ayant renoncé à leur nationalité togolaise. Et elle était entrée en vigueur depuis le 21 juillet 2014. Mais quand il s’est agi de François Boko, c’est comme si la décision n’a jamais existé…
De la révolte légitime de la diaspora
Il va sans dire qu’« on joue la comédie » – cet ouvrage de Sénouvo Agbota Zinsou se prête bien à la situation – avec la diaspora. Faure Gnassingbé et son pouvoir couillonnent avec plaisir ces compatriotes de l’extérieur avec ces initiatives tous azimuts qui ne sont destinées qu’à les cajoler…Et légitimement, dans les rangs de ces compatriotes, on est révolté. Voici une compilation de réactions sur la toile.
« François Boko n’est-il pas de la diaspora? » ; « Et vous croyez qu’un Togolais sérieux aura le courage d’investir dans cette insalubrité de gouvernance dans ce coin de l’Afrique de l’ouest? On aura tout vu, tout entendu» ; « Allez faire d’abord les réformes et on verra la suite. Autrement dit, gardez votre Togo pour vous » ; « En d’autres mots, n’atterrissez pas au Togo, mais envoyez vos économies pour investissement…» ; « Quand les conditions nécessaires en matière de démocratie, de justice, et des droits de l’homme seront vraiment installées au Togo, les investisseurs viendront d’eux-mêmes. Personne n’est bête, et surtout on n’a pas besoin de quelqu’un pour nous le dire, car ce sera automatique au moment venu » ; « Le monde entier voit ce qui se passe au Togo. Quand la même famille est au pouvoir pendant plus de 50 ans dans une République, les militaires qui tuent les civils aux mains nues, une justice à la solde du dictateur, le népotisme, la gabegie… quelle personne douée d’intelligence viendra faire quoi que ce soit dans ce désordre??? » ; « Autrement dit, vous de la diaspora, vous n’aurez jamais le droit de vote, mais nous avons besoin de votre argent et niveau » ; « Le transfert de compétence de la diaspora passe aussi par la reconnaissance ou prise en compte de mon droit de citoyen : le vote de la diaspora, où en est-on ? Ce gouvernement brutal, rusé, corrompu et qui refuse à ses citoyens de rentrer au pays…Faure et son gouvernement, s’ils savent comment ils sont vomis par la diaspora et le peuple togolais, ils n’oseront même pas tendre un piège à cette diaspora » ; « Où est le vote de la diaspora ? Du n’importe quoi ! ».
Tino Kossi
Source : Liberté No.2894 du 04 avril 2019
Source : www.icilome.com